Un expert conclut que nous n’aurons pas besoin de nouveaux oléoducs si les gouvernements fédéral et provinciaux respectent leurs engagements à l’égard du climat

June 2, 2016

(Ottawa) Une nouvelle étude signée par le vétéran géologue et spécialiste des ressources David Hughes conclut que le Canada ne peut respecter ses engagements à l’égard du climat mondial tout en permettant une augmentation de l’extraction du pétrole et du gaz et la construction de nouveaux pipelines d’exportation.

Hughes calcule que si la production tirée des sables bitumineux augmente jusqu’au niveau de 100 mégatonnes par année (Mt), autorisé dans le cadre du plan climatique du gouvernement albertain, et si les cinq terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) convoités par le gouvernement de Colombie-Britannique sont construits, les émissions des autres secteurs de l’économie devraient être réduites de 55 % sous les niveaux de 2014 pour permettre au Canada d’atteindre ses engagements de Paris. Même avec un scénario moins ambitieux, qui respecterait le plafonnement albertain et où un seul terminal de GNL serait construit en C.-B., les émissions des secteurs non-pétrolier et gazier devraient être réduites de 47 % d’ici 2030.

« Si l’on exclut l’hypothèse d’un effondrement économique, il est difficile de voir comment le Canada pourrait, de manière réaliste, respecter ses engagements de Paris pour les 14 années à venir, sans reformuler ses plans pour l’exploitation pétrolière et gazière, » déclare Hughes.

Hughes a aussi trouvé que si la production tirée des sables bitumineux augmente jusqu’au maximum autorisé dans le cadre du plan climatique de l’Alberta, le Canada a une capacité suffisante de transport par oléoduc et par rail pour accommoder l’augmentation de 45 % qui serait ainsi générée.

L’étude de Hughes s’attarde aussi aux tendances des prix du pétrole et constate que, contrairement à l’opinion couramment répandue, de nouveaux oléoducs débouchant sur des ports de mer n’apporteront probablement pas de bonification significative des prix du pétrole canadien.

« Pendant plusieurs années, le cours international du pétrole était significativement plus élevé que le prix nord-américain, » explique Hughes. « Mais cet avantage est en bonne partie disparu. L’idée qu’en augmentant les exportations de pétrole des sables bitumineux vers l’Europe et l’Asie, on augmentera les rendements pour l’Alberta ne tient tout simplement pas la route.  Aux États-Unis, de nouveaux oléoducs ont dégagé le goulot d’étranglement vers le golfe du Mexique qui tirait les prix nord-américains à la baisse, tandis que le gouvernement US a mis fin à son interdiction des exportations de brut. Le pétrole des sables bitumineux connaîtra toujours une décote à la vente à cause de sa moindre qualité, et cela sans égard au fait qu’il soit vendu en Amérique du Nord ou sur les marchés internationaux. »

« La dure vérité est qu’en recherchant une croissance significative de la production de pétrole et de gaz, on créera un défi quasi insurmontable lié à l’atteinte des engagements climatiques du Canada, » observe Hughes.

Les conclusions de Hughes sont fondées sur les plus récentes projections de l’Office national de l’énergie (ONÉ) pour la production de pétrole et de gaz, publiées plus tôt cette année, et sur les plans de croissance des gouvernements provinciaux d’Alberta et de C.-B. Le « cas de référence » de l’ONÉ projette une expansion significative jusqu’en 2040, tirée principalement par le quasi-doublement de la production extraite des sables bitumineux. Le rapport du géologue évalue les conséquences de quatre scénarios possibles : 

  • le cas de référence de l’ONÉ, sans les plans de l’Alberta et de la C.-B., ferait grimper les émissions de GES des secteurs gazier et pétrolier à 50 % des émissions admissibles selon l’Accord de Paris pour 2030, de sorte que les émissions du reste de l’économie devraient diminuer de 52 %. Les secteurs du gaz et du pétrole comptaient pour 24 % des émissions en 2014.
  • le cas de référence de l’ONÉ prend en compte le développement d’une seule grande installation d’exportation de GNL en C.-B. Par contre, si les plans du gouvernement de C.-B. se matérialisent (pour cinq terminaux, exportant 82 Mt de GNL par année), les émissions des secteurs pétrolier et gazier augmenteraient encore, imposant une réduction de 59 % dans le reste de l’économie.
  • le nouveau plafonnement à 100 Mt/année par le gouvernement albertain des émissions des sables bitumineux limiterait leur augmentation à 45 % par rapport aux niveaux de 2014, comparativement au quasi-doublement projeté par l’ONÉ. Jumelée avec les ambitions de la C.-B. de créer une industrie du GNL, une croissance de 45 % des sables bitumineux exigerait une réduction des émissions de 55 % dans le reste de l’économie.
  • Même avec le plafonnement à 100 Mt et un seul grand terminal d’exportation de GNL, les émissions du reste de l’économie devraient encore être comprimées de 47 %.

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La Canada peut-il accroître sa production de pétrole et de gaz, construire des pipelines et respecter ses engagements climatiques? a été publié ce matin par le Centre canadien de politiques alternatives, l’Institut Parkland et le Corporate Mapping Project. 

Le Corporate Mapping Project est une initiative de recherche et de mobilisation publique qui enquête sur le pouvoir de l’industrie des combustibles fossiles dans l’Ouest canadien. Le CMP est dirigé conjointement par l’Université de Victoria, le Centre canadien de politiques alternatives et l’Institut Parkland. Cette étude a reçu le soutien du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. (CRSHC)

Pour information :

  • Kerri-Anne Finn, Directrice des communications, CCPA, 613-563-1341 x306, ou
  • Sarah Leavitt, Relations média et publications, CCPA-CB, 604-801-5121 x233.