L’AUGMENTATION DU SALAIRE MINIMUM vs LES EXEMPTIONS D’IMPÔT SUR LE REVENU

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June 12, 2009

Le 26 avril 2009, le CCPA — Manitoba publiait un document détaillé (The View From Here: Manitobans call for a poverty reduction plan) réclamant au gouvernement manitobain d’intégrer la réduction de la pauvreté au cœur des politiques économiques et sociales de la province. Un tel plan ferait du Manitoba un chef de file dans la mise en œuvre d’une vision axée sur les besoins et les aspirations des citoyens du 21e siècle.

Entre autres, ce plan propose que la province adopte une politique active sur le marché du travail, prévoyant des changements de législation afin de faciliter l’accréditation syndicale, l’amélioration des normes d’emploi et la poursuite des augmentations du salaire minimum.

Opposition des entreprises aux augmentations du salaire minimum

Par le passé, les entreprises et certains employeurs ont rejeté les augmentations du salaire minimum, sous prétexte qu’elles auraient une incidence négative sur les petites entreprises et causeraient des pertes d’emploi ou des diminutions du nombre d’heures de travail chez les employés moins bien rémunérés. Par contre, 20 années de recherche révèlent que les présumées conséquences négatives de l’augmentation du salaire minimum sont très exagérées. Au Manitoba, les augmentations cumulatives de 45,8 % du salaire minimum, depuis 1999, ont eu des effets positifs sur l’économie.

Bien que des organismes comme la Chambre de commerce et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante s’opposent toujours à l’augmentation du salaire minimum, ils avancent maintenant d’autres idées pour soi-disant aider les travailleurs moins bien rémunérés. Pour l’instant, ils préfèrent augmenter l’exemption personnelle de base aux fins de l’impôt.

Ron Cumming, président de la Chambre de commerce de Brandon, a expliqué ce choix dans une lettre au Brandon Sun le 27 mai 2009. En bref, il soutient que si le gouvernement du Manitoba est sincère dans son désir d’aider les ménages à faible revenu, le meilleur moyen d’y arriver est de les retirer des rôles d’imposition en augmentant l’exemption personnelle. « Le gouvernement provincial doit augmenter considérablement [l’exemption personnelle], qui est actuellement fixée à 8 134 $. L’augmentation du salaire minimum aiderait uniquement les personnes touchant le salaire minimum ou celles qui s’en rapprochent. Cette méthode n’aiderait en rien les personnes retraitées ou les ménages à revenu fixe. » M. Cumming cite la Saskatchewan comme modèle à suivre. Il note que la province a annoncé en 2008 une augmentation de 4 000 $ de l’exemption personnelle, pour atteindre un montant total de 13 269 $. « Cette initiative a retiré environ 80 000 personnes des rôles d’imposition et a permis aux contribuables d’économiser plus de 300 millions de dollars. »

Cette proposition comprend de sérieuses failles dont ses auteurs ne tiennent pas compte.

Premièrement, à l’opposé de l’augmentation du salaire minimum, les augmentations de l’exemption personnelle ne se limiteraient pas aux travailleurs moins bien rémunérés. Au contraire, toute personne se trouvant sur les rôles d’imposition pourrait en profiter. Pour chaque augmentation d’exemptions de base (personnelle, conjoint ou personne à charge admissible), de 1 000 $, chaque contribuable profiterait d’une réduction d’impôt maximale de 108 $. Le ministère des Finances du Manitoba estime la diminution des recettes publiques à 72 millions de dollars. Bien entendu, les contribuables dont l’impôt exigible est inférieur à 108 $ seraient moins avantagés, et certains ne le seraient pas du tout. Voici comment le montant total de 72 millions de dollars serait réparti : 26,4 % (19 millions) irait aux personnes dont le revenu est inférieur à 25 000 $; 46,7 % (34 millions) aux personnes dont le revenu se situe entre 25 000 $ et 50 000 $; et 26,9 % (19 millions) aux personnes dont le revenu est supérieur à 50 000 $. Il ressort clairement de cette répartition que, selon cette proposition, la plus grande partie de cette somme reviendrait aux personnes dont le revenu est supérieur à celui du salaire minimum.

Deuxièmement, l’affirmation selon laquelle les contribuables économiseraient un montant équivalant à celui que perd la province est quelque peu fallacieuse, puisque l’envers de la médaille des 72 millions de dollars en impôts non payés correspond à 72 millions de dollars en services publics non rendus. Une récente étude du CCPA (Canada’s Quiet Bargain: The benefits of public spending) révèle que les services publics financés grâce aux recettes fiscales profitent énormément aux citoyens et aux familles, pour « un bénéfice moyen de 17 000 $, soit environ le même montant qu’un Canadien travaillant à temps plein et toute l’année gagnerait. » L’étude révèle que plus de la moitié de ces bénéfices correspondent à des paiements en soins de santé, en éducation et en transferts personnels. Ce sont les travailleurs les moins bien rémunérés, les ménages à revenu fixe et les personnes retraitées dépendantes d’une pension modeste qui seraient les plus touchés par les suppressions de services.

Les avantages de l’augmentation du salaire minimum

Une politique active relative au salaire minimum visant l’amélioration des conditions des travailleurs les moins bien rémunérés est beaucoup plus efficace et équitable que l’augmentation des exemptions personnelles d’impôt. Les augmentations du salaire minimum touchent directement les personnes qui travaillent au salaire minimum. D’autres travailleurs, qui occupent des emplois moins bien rémunérés et dont le revenu est lié au salaire minimum, peuvent également profiter de ces augmentations lorsque les employeurs ajustent les salaires de manière à maintenir l’intégrité de leur structure salariale et leur position concurrentielle sur le marché du travail.

Le salaire minimum atteignait 8,75 $ le 1er mai 2009, et passera à 9 $ le 1er octobre 2009. En ce qui concerne les personnes qui travaillent à temps plein toute l’année au salaire minimum (37,5 heures par semaine), chaque augmentation de 25 cents l’heure représente une augmentation totale de 487,50 $ de leur salaire annuel.

Pour le moment, une personne travaillant à temps plein toute l’année au salaire minimum gagne 17 062,50 $ par année. L’augmentation de 25 cents du 1er octobre majorera le revenu annuel à 17 550 $. Cependant, même en tenant compte de cette augmentation, 4 316 $ manqueront au revenu annuel pour atteindre le seuil de faible revenu avant impôt de 21 866 $ pour une personne seule. Ce manque à gagner inacceptable signifie donc que le gouvernement provincial devra accélérer les augmentations du salaire minimum s’il veut hisser les dizaines de milliers de travailleurs au taux horaire de 11,20 $ associé au seuil de faible revenu établi à 21 866 $.

Une culture de solidarité et de partage

La crise économique actuelle nous a révélé que nous devons remplacer la philosophie d’individualisme et d’avarice, qui a généré de grandes inégalités dans la répartition des revenus et de la richesse, par une philosophie axée sur la solidarité et le partage, qui répond davantage aux besoins de la société contemporaine. Un point de départ intéressant pour cette transition serait d’adopter une politique du marché du travail qui réduit les inégalités des marchés de l’emploi.

Monsieur Errol Black est professeur d’économie à la retraite, conseiller municipal pour la ville de Brandon et membre du conseil d’administration du CCPA — Manitoba

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