La privatisation : le cheval de Troie des services publics

Author(s): 
May 9, 2007

Une des principales dynamiques de notre époque est la pression exercée sur les gouvernements pour offrir plus de services publics en utilisant moins de ressources. La population vieillit, l’infrastructure urbaine se détériore et, avec l’immigration et la mondialisation croissantes du commerce, tous les paliers de gouvernement font face à une plus grande demande en services publics. En même temps, les ressources fiscales semblent limitées et se révèlent un moyen politiquement miné de répondre à ces besoins.

Certains politiciens et chefs d’entreprise proposent la privatisation des services publics comme solution à ce dilemme. En termes très généraux, on tente à cor et à cri de nous vendre la privatisation, entre autres la sous-traitance, l’impartition, les partenariats public-privés et la vente d’actifs, comme moyens d’offrir les services publics.

 Le rapport intitulé Privatization, the Public Service Trojan Horse — The State of Public Services in Manitoba, (Privatisation, le cheval de Troie des services publics — l’état des services publics au Manitoba) traite de diverses formes de privatisation des services provinciaux et municipaux. Certains résultats de ce rapport concernent ce qui suit :

 Soins de santé — Le gouvernement s’efforce de retirer les services de santé (médicaux et auxiliaires) du panier des soins de santé publics et résiste jusqu’à un certain point à l’ajout d’autres services au panier. La sous-traitance dans le domaine des soins de santé s’est révélée des plus désastreuse dans le domaine des soins à domicile, comme l’ont révélé les cas d’Aramark/USSC et Smart Health dans les années 1990. En outre, des expériences ailleurs au Canada ont révélé que la privatisation d’autres aspects des soins de santé est également inefficace. Si les cliniques privées posent un problème quant aux définitions que la province acceptera dans la loi, elles semblent offrir un accommodement qui peut fonctionner.

 Écoles de la maternelle à la 12e année — Une forme de privatisation a été provoquée jusqu’à un certain point par le sous-financement, et les écoles publiques dépendent de plus en plus des levées de fonds (les enseignants paient eux-mêmes pour des articles essentiels, par exemple) et de la commercialisation des écoles (près des 2/3 des écoles utilisent du matériel commandité). Dans les établissements postsecondaires, l’adoption d’une vision commerciale de l’éducation figure en tête de liste de la privatisation. Les étudiants étrangers sont considérés comme une source de financement, mais, plus important encore, le gouvernement centralise l’autorité et la gestion institutionnelle des universités et collèges (comme on l’a vu dans le conflit actuel sur la création de l’UCN). Dans ces deux sous-secteurs, la qualité et l’équité en matière d’éducation sont menacées.

 Services municipaux — La sous-traitance des services, allant de la collecte des ordures ménagères aux installations de loisirs, s’est ou est menacée d’être appliquée à une vitesse folle. Les cas de collecte des ordures à Winnipeg (où les épargnes espérées ne se sont pas matérialisées), de services de loisirs à Brandon (les golfs et arénas ont diminué à Brandon) et de transport spécialisé à Winnipeg comme à Brandon (constamment sous-financés), révèlent que la sous-traitance ne coûte pas moins cher et n’améliore pas la qualité des services. Les PPP, l’espoir de salut le plus en vogue dans les villes pour les grandes dépenses en immobilisations, soulèvent la suspicion au moment où le cas du pont Charleswood révèle que celui-ci coûtera aux citoyens près de 25 % plus cher que s’il avait été financé par l’administration municipale.

 Services sociaux — La privatisation déclarée, évidente, n’a pas encore été lourde de conséquences, mais ce n’est pas le cas d’une grande gamme de services sociaux offerts par des organisations bénévoles sous forme voilée. La privatisation indirecte se manifeste également par la diminution croissante du financement gouvernemental global, par le soutien restreint de l’éducation de la petite enfance et des services de garde, et par la diminution spectaculaire des diverses formes de soutien au revenu des Manitobains à faible revenu. Seulement en 2004, par exemple, les dépenses totales du gouvernement par personne étaient revenues au taux de 1992.

En bref, les auteurs du rapport affirment que la privatisation dans tous les secteurs n’a pas rempli toutes ses promesses ni confirmé sa prétention d’abaisser les coûts et d’assurer une plus grande efficacité des services publics. Comme de nombreux cas le révèlent, la privatisation n’a rien à offrir sur le plan économique et nous nuit sous d’autres aspects.

Le public entend parler de la privatisation à grande échelle, comme la vente de Manitoba Telecom Services Inc. ou le PPP du pont Charleswood. Il lui arrive d’avoir vent de la privatisation d’un service de collecte des ordures ménagères ou de concessions à nos terrains de golf. Mais une grande portion de la privatisation se fait de façon voilée et subtile, comme la sous-traitance de l’entretien, le sous-financement des garderies, ou l’imposition des méthodes de gestion d’entreprise aux collèges. Enfin, la « privatisation rampante » dans ses formes les plus répandues et les plus sournoises, comme l’adoption de frais d’usagers, semble complètement ignorée.

Actuellement, de nombreux gouvernements ont tendance à offrir plus de services publics en faisant appel à des entreprises privées. Par contre, à mesure qu’ils passent ces services à ces entrepreneurs, ils perdent du pouvoir sur leur exploitation. Même si la plupart des services gouvernementaux continuent d’être offerts par des organismes publics, les auteurs du rapport nous mettent en garde contre la menace dangereusement réelle de perdre l’équilibre qui permet aux gouvernements de maintenir l’accessibilité et la qualité des services.

 « Tout comme le cheval de Troie de la mythologie grecque, la privatisation, sous couvert de répondre à notre besoin en services publics, risque surtout d’éroder notre système de services publics plutôt que de l’énergiser », affirment les auteurs du rapport. « Le choix de laisser ce cheval de Troie, parmi nous ou de le chasser, nous appartient. Si nous n’y prenons garde et sans de sérieux efforts de la part des citoyens et des politiciens, les organismes du secteur privé pourraient bientôt dominer le service public et les Manitobains n’auront que peu de pouvoir, sinon aucun, de récupérer leur autorité sur les services essentiels à notre qualité de vie. »

Dennis Lewicky est coauteur du rapport de recherche du CCPA — Manitoba intitulé Privatization : The Public Service Trojan Horse. Il est possible de consulter le rapport complet (en anglais seulement) sur notre site Web : www.policyalternatives.ca

Attached Documents: 
Offices: