Introduction

C’est navrant à dire, mais les nouvelles politiques fédérales nous font reculer en matière d’équité fiscale. Il y a peu, le gouvernement a supprimé la taxe carbone à la consommation, qui redonnait à la plupart des familles à faible revenu plus d’argent qu’elles n’en payaient1Bureau du directeur parlementaire du budget, Analyse distributive de la redevance fédérale sur les combustibles—Mise à jour, 10 octobre 2024, https://www.pbo-dpb.ca/fr/publications/RP-2425-017-S—distributional-analysis-federal-fuel-charge-update—analyse-distributive-redevance-federale-combustibles-mise-jour.. Quelques jours plus tard, il a annulé la réduction de l’exonération des gains en capital, l’une des échappatoires de notre système fiscal dont les plus riches profitent le plus. Puis, le premier projet de loi présenté par le nouveau gouvernement a abaissé le taux marginal d’imposition de la première tranche de revenu, une mesure qui profite davantage aux particuliers à revenu élevé qu’aux particuliers à faible revenu2David Macdonald, Platform Crunch 2: Comparing four parties’ tax cut and cash transfers promises, Centre canadien de politiques alternatives, 28 mars 2025, https://www.policyalternatives.ca/news-research/platform-crunch-comparing-all-parties-tax-cut-and-cash-transfers-promises/..

Transférer davantage d’argent aux plus aisés ne permettra pas de résorber les multiples crises interconnectées auxquelles le Canada est confronté. Il nous faut une approche collective pour utiliser les ressources disponibles afin de financer une transition écologique et des logements abordables. Ce n’est pas une question de faisabilité, mais de volonté politique. À chaque jour de l’année 2024, la fortune des milliardaires canadiens a augmenté de 309 millions de dollars3Oxfam Canada, Billionaire wealth surges by $2.8T in 2024, poverty unchanged since 1990, 20 janvier 2025, https://www.oxfam.ca/news/billionaire-wealth-surges-by-2-8-trillion-in-2024-three-times-faster-than-the-year-before-while-the-number-of-people-living-in-poverty-has-barely-changed-since-1990/.. En raison d’une myriade d’échappatoires et de mécanismes de planification fiscale, cette nouvelle richesse est généralement imposée à un taux inférieur à celui du revenu moyen sur le marché du travail. Si l’on tient compte de tous les impôts, les 1 % des personnes les mieux rémunérées ont payé 23,6 % de leurs revenus en impôts en 2022, tandis que le contribuable moyen en a payé 36,7 %4Marc Lee et DT Cochrane, Canada’s shift to a more regressive tax system, 2004 to 2022, Centre canadien de politiques alternatives, avril 2024, https://www.policyalternatives.ca/wp-content/uploads/2024/05/canadas-shift-to-more-regressive-tax-system_2024-04-29-225120_mhdu.pdf..

Les résultats d’un système qui concentre de plus en plus les revenus, les richesses et le pouvoir entre les mains d’une poignée de privilégiés sont déjà visibles au sud de la frontière. Lors des élections fédérales de 2025, les Canadiennes et les Canadiens ont clairement indiqué qu’ils ne souhaitaient pas emprunter la même voie. Pour construire une société démocratique durable dans laquelle nous pourrons tous nous épanouir, il faut mobiliser les vastes ressources du Canada. Le système fiscal est un outil puissant qui peut être utilisé pour libérer ces ressources et financer les projets importants présentés dans le reste de notre plateforme.

Vue d’ensemble

La crise du coût de la vie qui a suivi la pandémie de COVID-19 a mis en lumière l’énorme pouvoir dont les grandes entreprises disposent pour nous imposer leurs prix. Elles ont utilisé l’augmentation du prix des intrants comme prétexte pour augmenter leurs profits à des niveaux jamais atteints auparavant5Jim Stanford, Canadian corporate profits remain elevated despite economic slowdown, Centre for Future Work, février 2024.. Cette pratique a fait exploser la richesse des milliardaires qui en sont les propriétaires. Même si l’inflation a ralenti, les bénéfices des entreprises et la richesse des milliardaires sont restés bien supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie.

Le système fiscal peut être un outil puissant pour inciter le secteur privé à agir. Malheureusement, il envoie actuellement de mauvais signaux. Des mesures telles que les subventions à l’extraction de combustibles fossiles et les allègements fiscaux consentis aux sociétés d’investissement immobilier encouragent l’augmentation des émissions de carbone et la financiarisation du secteur du logement.

Mesures

Le BFA créera une nouvelle tranche d’imposition pour les particuliers dont les revenus dépassent 1 000 000 $. Au milieu du XXe siècle, le Canada appliquait des taux marginaux d’imposition de plus de 80 % aux revenus extrêmes. L’objectif de tels taux n’était pas seulement d’augmenter les recettes fiscales, mais aussi de décourager les revenus aussi élevés. En 1971, le taux marginal d’imposition sur les revenus supérieurs à 400 000 $ (soit 3,16 millions de dollars actuels) était de 82,4 %6E.J. Benson, Summary of 1971 tax reform legislation, Gouvernement du Canada, 1971.. Ce taux aurait concerné moins de 0,01 % des contribuables, car il les dissuadait efficacement de toucher un revenu aussi exorbitant. Aujourd’hui, la tranche supérieure d’imposition des particuliers, avec des taux allant de 44,5 % à 54,8 % selon la province ou le territoire, concerne 2 % des contribuables. Une nouvelle tranche d’imposition fédérale, avec un taux de 37 % sur les revenus supérieurs à 1 000 000 $, ne concernerait que 43 000 personnes, soit 0,135 % des contribuables. Elle découragerait les salaires démesurés et permettrait d’augmenter les recettes fiscales de 1,5 milliard de dollars en 2025.

Le BFA taxera l’extrême richesse. Comme la richesse a tendance à croître plus rapidement que l’économie, elle a tendance à se concentrer, ainsi que le pouvoir, entre les mains de quelques individus. À l’heure actuelle, les 20 Canadiens les plus riches détiennent une fortune de plus de 239 milliards de dollars, soit plus de 10 % du PIB du Canada7Calculs d’après « The World’s Real-Time Billionaires », Forbes, tel que consulté le 16 juin 2025.. Ce niveau de concentration de la richesse leur confère une influence démesurée sur la société. Un impôt progressif sur les patrimoines nets supérieurs à 10 millions de dollars redistribuerait la richesse et le pouvoir, tout en générant plus de 37 milliards de dollars de revenus fiscaux dès la première année8Alex Hemingway, A wealth tax could raise half a trillion dollars for a stronger, fairer Canada, BC Society for Policy Solutions, 4 juin 2025.. Pour 99,4 % des Canadiennes et des Canadiens, cette mesure fiscale ne s’appliquerait pas.

Le BFA empêchera les entreprises de tirer profit des crises. Il instaurera un impôt permanent sur les bénéfices exceptionnels, déclenché en cas de crise sociale et économique, et applicable aux bénéfices imposables dépassant 120 % des bénéfices d’avant la crise. Cette mesure dissuaderait les entreprises d’augmenter leurs prix pour gonfler leurs bénéfices en période de crise. Un tel mécanisme aurait permis de récolter 50 milliards de dollars entre 2021 et 2023. D’ailleurs, s’il avait été en vigueur à l’époque, il aurait généré moins de recettes fiscales, mais il aurait limité l’inflation.

Le BFA rendra le régime de l’impôt des sociétés plus progressif. Les particuliers qui ont un revenu d’emploi supérieur paient un taux marginal d’imposition supérieur. Pourquoi ne serait-ce pas aussi le cas des sociétés? Autrefois, aux États-Unis, l’impôt sur le revenu des sociétés était progressif. D’ailleurs, ce système existe encore en partie, par le biais de la déduction accordée aux petites entreprises9Reuven Avi-Yonah, Corporate taxation to curb monopoly power: a brief history and a proposal, Tax Justice Network, 2 novembre 2022.. Outre le fait qu’ils permettent de percevoir davantage de recettes fiscales auprès de ceux qui ont une plus grande capacité de paiement, les taux d’imposition progressifs sur le revenu des sociétés peuvent agir comme une mesure antitrust, en décourageant la consolidation d’entreprises, une pratique qui accroît leur pouvoir de fixation des prix et qui a été l’un des facteurs à l’origine de la récente poussée inflationniste10Weber, Isabella M. et Evan Wasner, « Sellers’ inflation, profits and conflict: why can large firms hike prices in an emergency? », Review of Keynesian Economics 11(2), 2023 : 183-213.. Pour lutter contre ce phénomène, le BFA propose d’instaurer un impôt de 5 % sur les superprofits des sociétés dont le revenu imposable est supérieur à 100 millions de dollars sur une base consolidée11Silas Xuereb, Taxing excess profits in Canada: An urgent proposal for action, Canadiens pour une fiscalité équitable, 25 novembre 2024.. Le BFA augmenterait également de 15 % à 20 % le taux général d’imposition fédéral sur le revenu des sociétés, ce qui compenserait partiellement les réductions d’impôt dont elles ont bénéficié de 2007 à 2012. Ces réductions ont amputé les recettes fiscales sans stimuler l’investissement, qui reste inférieur aux niveaux de 201212Statistique Canada, Éléments du bilan et de l’état des résultats financiers trimestriel ainsi que certains ratios, selon les branches d’activité non financières, données non désaisonnalisées (x 1 000 000), tableau 33-10-0225-01, 23 mai 2025.. Ces mesures permettraient de dégager 23 milliards de dollars de recettes fiscales par année.

Le BFA supprimera le crédit d’impôt pour dividendes. Ce crédit réduit le taux d’imposition des dividendes, ce qui signifie que le taux d’imposition des investisseurs est inférieur à celui des travailleuses et des travailleurs. En théorie, le crédit d’impôt pour dividendes permet d’éviter la double imposition, mais il constitue surtout une aubaine pour les investisseurs qui détiennent des actions admissibles13Peter Spiro, Tax exemptions for investment income: Boon or bane?, Mowat Centre, 2017.. Il incite également les entreprises à utiliser leurs liquidités pour payer les investisseurs, plutôt que pour réinvestir dans le capital productif. Cet avantage fiscal est régressif, car un tiers des dividendes est perçu par le premier 1 % des particuliers aux revenus les plus élevés14Calculs au moyen de la Banque de données administratives longitudinales de Statistique Canada.. Son élimination permettrait d’économiser 7,8 milliards de dollars par année15Ministère des Finances, Rapport sur les dépenses fiscales fédérales : 2025, Gouvernement du Canada, 14 avril 2025..

Le BFA instaurera un impôt minimum sur le bénéfice comptable, c’est-à-dire le bénéfice que les sociétés déclarent à leurs actionnaires et qui est généralement supérieur au bénéfice imposable, ce dernier étant réduit par un large éventail de stratégies d’évitement fiscal. Cet impôt empêchera les grandes entreprises de cumuler les échappatoires pour éliminer leur charge fiscale. Le Canada applique déjà d’un impôt similaire pour les particuliers (l’impôt minimum de remplacement) et les États-Unis ont mis en place un impôt similaire en 2023. Un taux d’imposition de 21 % sur le bénéfice comptable rapporterait plus de 5,4 milliards de dollars par année.

Le BFA interdira aux grandes entreprises et aux particuliers fortunés d’utiliser des paradis fiscaux pour échapper à l’impôt. Selon le Tax Justice Network, les abus fiscaux des entreprises et la non-déclaration des richesses à l’étranger coûteraient au Canada 15 milliards de dollars par année16Tax Justice Network, State of Tax Justice 2024, novembre 2024.. Nous saluons la mise en œuvre de la Loi sur l’impôt minimum mondial, mais celle-ci est nettement insuffisante pour résoudre ce problème17Annette Alstadsæter et al., Global Tax Evasion Report 2024, EU Tax Observatory, octobre 2023.. En effet, le taux d’imposition minimum de 15 % constitue une énorme incitation à transférer des bénéfices, tandis que les exclusions relatives à l’activité économique réelle et les crédits d’impôt encouragent encore plus le nivellement par le bas. Pour que les entreprises paient leur juste part d’impôts, le BFA mettra fin aux accords avec les paradis fiscaux qui encouragent le transfert de bénéfices. Il exigera des entreprises qu’elles justifient commercialement l’établissement de filiales à l’étranger, il soumettra toutes les sociétés à un impôt minimum de 21 % sur le bénéfice comptable, et il rendra publiques les informations financières des entreprises, pays par pays. Les mesures visant à empêcher l’utilisation des paradis fiscaux reçoivent l’appui de 92 % des Canadiennes et des Canadiens18David Coletto, Les Canadiennes et les Canadiens pensent que leur système d’imposition est inéquitable et sont en faveur de nouvelles sources de revenus qui réduisent le déficit et les inégalités maintenant, Abacus Data, 4 août 2021.. Elles pourraient générer 14 milliards de dollars de recettes fiscales par année.

Le BFA financera l’Agence du revenu du Canada (ARC) afin de lutter contre l’évasion fiscale des particuliers fortunés et des grandes entreprises. Selon le Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB), chaque dollar supplémentaire investi dans l’application de la législation fiscale des sociétés se rentabilise à hauteur de 4 $ à 5 $19Diarra Sourang and Varun Srivatsan, “Estimating the Return of Additional Federal Spending on Business Tax Compliance,” Office of the Parliamentary Budget Officer, October 8, 2020.. Cette augmentation du budget de l’ARC permettra à ses employés d’enquêter sur les montages internationaux complexes mis en place par les sociétés et les contribuables fortunés pour échapper à l’impôt. Le BFA investira donc 2 milliards de dollars supplémentaires sur trois ans dans l’agence.

Le BFA fournira à l’Agence du revenu du Canada (ARC) les ressources nécessaires pour soutenir le secteur caritatif de manière à garantir que les dons exonérés d’impôt profitent au public, tout en prévenant d’éventuels préjudices individuels et les répercussions néfastes pour la main-d’œuvre résultant des récents changements réglementaires. En décembre 2023, l’ARC a publié ses lignes directrices finales concernant les subventions accordées à des donataires non reconnus. Le contenu du formulaire T3010 récemment révisé par la Direction des organismes de bienfaisance de l’ARC fait apparaître des possibilités préoccupantes, car il indique clairement que les organismes de bienfaisance peuvent fournir des fonds à des sociétés à but lucratif pour mettre en œuvre des programmes d’éducation et de soins de santé. Dans d’autres juridictions ayant une réglementation similaire, il est courant que de grandes sociétés à but lucratif reçoivent des fonds exonérés d’impôt. Les implications fiscales pour les individus recevant des dons et la manière dont la nouvelle législation interagit avec le statut d’emploi sont des sujets de préoccupation. En 2023, environ 729 millions de dollars ont été versés à des bénéficiaires non admissibles20Mark Blumberg, “Blumbergs’ Snapshot of the Canadian Charity Sector 2023,” Canadian Charity Law, April 2025, https://www.canadiancharitylaw.ca/blog/blumbergs-snapshot-of-the-canadian-charity-sector-2023.. Comme l’ARC n’exige de déclaration que pour les subventions supérieures à 5 000 $, environ 127 millions de dollars ont été versés à 38 297 bénéficiaires sans que la moindre déclaration publique ne soit accessible. Alors que ces changements réglementaires ont été décrits comme les plus importants que le secteur caritatif ait connus depuis des décennies, l’ARC ne semble pas disposer des ressources nécessaires pour surveiller les effets négatifs involontaires. Un personnel augmenté à l’ARC permettrait de fournir un soutien proactif aux organismes de bienfaisance et aux bénéficiaires potentiels pour les aider à naviguer dans cette nouvelle réglementation, réduisant ainsi les possibilités d’abus ou de préjudices non intentionnels. L’ARC a également besoin d’une capacité spécifique pour analyser les impacts de ce régime sur l’emploi, la fiscalité et la privatisation.

Le BFA reviendra à la proposition d’impôt minimum de remplacement (IMR) de 2023, réaffirmant ainsi l’engagement du gouvernement en faveur d’une politique fiscale progressive. Selon le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, « les incitatifs fiscaux consentis par le Canada pour les dons de bienfaisance des particuliers sont les plus généreux au monde »21James Rajotte, Incitatifs fiscaux pour les dons de bienfaisance au Canada, Comité permanent des Finances de la Chambre des communes, février 2013, https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/411/FINA/Reports/RP5972482/finarp15/finarp15-f.pdf.. Dans cette optique, le budget 2023 du gouvernement du Canada a introduit une mise à jour transformatrice de l’IMR, afin de garantir que les particuliers et les fiducies à revenu élevé contribuent plus équitablement à l’assiette fiscale nationale. Selon la proposition révisée d’IMR, il n’est possible de réclamer que 50 % de la valeur des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance, contre 100 % dans le cadre du régime fiscal actuel. Cette mesure garantit que les particuliers à revenu élevé ne peuvent pas utiliser d’importantes donations caritatives pour s’exonérer entièrement de leurs obligations fiscales, tout en préservant une incitation significative à la philanthropie. En réponse aux commentaires de certains acteurs du secteur caritatif, le budget 2024 a augmenté le taux d’inclusion des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance, le faisant passer de 50 % à 80 %, comme c’était proposé au départ. La proposition initiale du budget 2023 parvient ainsi à trouver un équilibre en continuant d’encourager les dons de bienfaisance, tout en servant d’outil pour lutter contre les inégalités de richesse et pour générer des revenus publics.

Le BFA supprimera toutes les subventions et tous les financements accordés au secteur des combustibles fossiles. Selon l’organisme Défense environnementale, le gouvernement du Canada aurait fourni près de 30 milliards de dollars de financement et de subventions à l’industrie pétrolière et gazière en 202422Julia Levin, Fossil fuel funding in 2024, Défense environnementale, 2025, https://environmentaldefence.ca/wp-content/uploads/2025/04/Canadas-Fossil-Fuel-Funding-in-2024_EDC_April-2025-1.pdf.. Le gouvernement a discrètement abandonné sa modeste promesse d’éliminer les subventions « inefficaces » aux combustibles fossiles en prolongeant les crédits d’impôt pour l’industrie pétrolière et gazière dans l’énoncé économique de l’automne 2024. Le BFA cessera de fournir tout financement public à ce secteur, qui contribue plus que tout autre secteur aux émissions de carbone du Canada23Gouvernement du Canada, Émissions de gaz à effet de serre, 21 mars 2025, https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/indicateurs-environnementaux/emissions-gaz-effet-serre.html. (voir le chapitre Environnement et changement climatique pour en savoir plus sur la manière dont le BFA entend modifier le système de tarification du carbone).

Le BFA entreprendra un examen approfondi des dépenses fiscales fédérales dont bénéficient les sociétés. Le fait de donner de l’argent directement aux entreprises par le biais de crédits d’impôt est devenu la réponse de facto du gouvernement à des problèmes tels que le changement climatique, la baisse des investissements des entreprises ou la flambée des prix de l’immobilier. Malgré les dizaines de milliards de recettes fiscales perdues24Ministère des Finances, Rapport sur les dépenses fiscales fédérales : 2025, Gouvernement du Canada, 14 avril 2025., rien ne prouve que ces générosités fiscales vis-à-vis aux entreprises aient le moindrement contribué à résoudre l’un ou l’autre de ces problèmes urgents. Le BFA annulera le renouvellement de l’incitation à l’investissement accéléré, du nouveau crédit d’impôt pour l’intelligence artificielle et de la prolongation des crédits d’impôt pour l’exploitation minière, ce qui permettra d’économiser plus de 2,5 milliards de dollars par année25Parti Libéral du Canada, Un Canada fort—Plan fiscal, 2025, https://liberal.ca/wp-content/uploads/sites/292/2025/04/Un_Canada_Fort_-_Plan_fiscal.pdf.. Les crédits d’impôt pour les énergies propres seront maintenus, mais soumis à des conditions strictes en matière de travail et de retombées communautaires, et les sociétés seront tenues de verser des salaires suffisants, d’appliquer des normes de travail élevées et de veiller à ce que les investissements répondent aux besoins des communautés locales.

Le BFA mettra fin à l’avantage fiscal dont bénéficient les fonds de placement immobilier (FPI). Ces derniers, qui sont en quelque sorte des propriétaires financiarisés, ne sont pas soumis à l’impôt des sociétés, ce qui est censé encourager l’investissement immobilier. Cependant, les FPI sont plus susceptibles d’acquérir des logements existants que d’en construire de nouveaux. De plus, les propriétaires financiarisés comme les FPI pratiquent des loyers plus élevés que tout autre type de propriétaire26Martine August et Corinne St-Hilaire, « Financialization, housing rents, and affordability in Toronto », Environment and Planning A: Economy and Space, 2025, https://doi.org/10.1177/0308518X251328129.. Au lieu d’encourager la construction de nouveaux logements, cette niche fiscale fait en sorte qu’un nombre croissant de logements appartiennent à des investisseurs financiers qui privilégient le rendement de leurs placements plutôt que l’abordabilité du logement. Pour améliorer la situation, il faut réduire la demande de logements de ces investisseurs. L’élimination de cette niche fiscale rapporterait au moins 59 millions de dollars par année en recettes fiscales nettes (voir le chapitre Logement abordable et itinérance)27Bureau du directeur parlementaire du budget, Élimination des exemptions fiscales accordées aux fiducies de placement immobilier, 19 avril 2025..

Le BFA supprimera le Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Cette mesure n’améliore guère l’abordabilité du logement et elle contribue même à faire grimper les prix. La suppression de cette mesure peu judicieuse permettra au gouvernement fédéral d’économiser 595 millions de dollars28Ministère des Finances, Rapport sur les dépenses fiscales fédérales : 2025, Gouvernement du Canada, 14 avril 2025..

Le BFA mettra fin à la déductibilité fiscale de la publicité étrangère sur Internet. L’écosystème médiatique du pays est en crise. Les médias locaux disparaissent, remplacés par des géants étrangers du Web. Actuellement, la publicité sur des médias étrangers en ligne est déductible d’impôt, ce qui incite les entreprises à transférer leur budget publicitaire sur ces plateformes, accentuant ainsi l’effondrement des médias canadiens. La publicité dans les services de presse ou de radiodiffusion étrangers n’est pas déductible, et ce traitement fiscal devrait être étendu aux médias étrangers en ligne. Cette mesure pourrait générer chaque année 400 millions de dollars de plus d’impôt des sociétés29Peter Miller et David Keeble, Colmatons la brèche! La déductibilité de la publicité étrangère sur Internet, Les amis des médias canadiens, 2024, https://friends.ca/wp-content/uploads/close-the-loophole-FR.v1-1.pdf..