Introduction

Le Canada a besoin que les arts et la culture s’expriment avec dynamisme dans tous les secteurs. Les manifestations artistiques nous interpellent, nous divertissent et nous instruisent. Elles nous renvoient à nous-mêmes et au monde. Ce sont des vecteurs de cohésion sociale, de dialogue interculturel, de changement social, de santé et de bien d’autres choses encore. Selon Statistique Canada, le secteur des arts et de la culture est également important, puisqu’il représentait 2,3 % du PIB réel en 20231Statistique Canada, « Indicateurs provinciaux et territoriaux de la culture, 2023 », Le Quotidien, 2 juin 2025, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/250602/dq250602a-fra.htm.. Le Conference Board du Canada a estimé par le passé que ce secteur représentait 7,4 % du PIB, en incluant les contributions directes, indirectes et induites2Conference Board du Canada, Valuing Culture: Measuring and Understanding Canada’s Creative Economy, Ottawa, 28 juillet 2008.. En 2022, les exportations culturelles du Canada ont représenté 24,5 milliards de dollars3Conseil des arts du Canada, Commerce des produits de la culture et du sport (CPCS), 9 octobre 2024, https://conseildesarts.ca/recherche/repertoire-des-recherches/2023/10/commerce-des-produits-de-la-culture-et-du-sport. et le secteur des arts et de la culture employait 685 000 personnes4Patrimoine canadien, Compte satellite de la culture”, dernière modification le 4 juin 2025, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/organisation/publications/publications-generales/compte-satellite-culture.html ..

Mais le secteur continue de faire face à des défis importants en 2025. Depuis les perturbations entraînées par la pandémie, chaque domaine du secteur est affecté par l’augmentation des coûts, la baisse des audiences, l’évolution des modèles commerciaux, la concurrence accrue pour un financement public stagnant et la diminution des dons philanthropiques et des commandites. Si les droits de douane américains sont éventuellement imposés, ils auront des conséquences négatives, en particulier dans les secteurs de l’édition et des médias électroniques.

En cette période d’incertitude et de menaces pour notre souveraineté, le programme du Parti Libéral, qui entend « protéger les voix canadiennes », affirme qu’« une culture forte est forgée par une histoire commune et par les histoires uniques que nous racontons. Dans un océan de médias et de désinformation en provenance des États-Unis, nous avons plus que jamais besoin de voix canadiennes »5Parti Libéral du Canada, Un Canada fort : Unir, sécuriser, protéger, bâtir, avril 2025, https://liberal.ca/wp-content/uploads/sites/292/2025/04/Un-Canada-Fort.pdf.. Le BFA 2026 témoigne d’un engagement renouvelé en faveur de nos arts, de nos artistes et de notre culture, afin que nous puissions raconter nos histoires et faire entendre nos voix.

Vue d’ensemble

Les temps sont durs pour tous les acteurs de la chaîne de valeur, qu’il s’agisse de la création artistique, de la production, de la distribution ou de la diffusion. Producteurs, éditeurs et artistes sont confrontés à des coûts croissants et à des revenus en baisse. Depuis la pandémie, le public ne revient pas dans les petites salles de spectacle et les théâtres. Les technologies numériques continuent de remodeler les modèles commerciaux. Pendant ce temps, les commandites et les dons philanthropiques sont en baisse. L’intelligence artificielle (IA) constitue une menace considérable pour les artistes-interprètes, écrivains et autres créateurs, mais aussi pour les producteurs. Ces difficultés sont vécues différemment d’un secteur à l’autre et touchent particulièrement les artistes émergents, ceux issus de communautés défavorisées, ainsi que les professionnels plus âgés qui luttent pour gagner leur vie en tant qu’auteurs, chanteurs, artistes visuels, danseurs, acteurs, metteurs en scène ou autres créateurs en coulisses.

L’année dernière, le BFA a détaillé les défis auxquels sont confrontés les secteurs de la musique et de l’édition. Une étude récente6Association canadienne de musique sur scène, Écoute active : Comprendre la puissance économique et le potentiel de l’industrie de la musique live au Canada, 30 janvier 2025, https://www.canadianlivemusic.ca/economic-impact-assessment. a révélé que l’industrie de la musique en direct générait 10,9 milliards de dollars de PIB et 102 000 emplois équivalents temps plein (ETP), mais elle a également mis en évidence les difficultés persistantes auxquelles sont confrontées les petites salles de concert, les musiciens de studio et les artistes émergents. Les ventes de livres et de magazines stagnent. Bien qu’en hausse, elles étaient encore inférieures en 2022 ce qu’elles étaient en 2018, avant la pandémie7Statistique Canada, « Bibliophile un jour, bibliophile toujours : croissance des ventes de livres au Canada », Le Quotidien, 16 avril 2024, https://www.statcan.gc.ca/o1/fr/plus/6060-bibliophile-un-jour-bibliophile-toujours-croissance-des-ventes-de-livres-au-canada..

Il est important de noter qu’en 2023-2024, le volume total de production de l’industrie cinématographique et télévisuelle canadienne a diminué de 18,5 % par rapport à l’exercice précédent, pour s’établir à 9,58 milliards de dollars.

Le volume de la production télévisuelle canadienne a diminué de 12,7 %, pour atteindre 3,25 milliards de dollars, tandis que la production de tournages et de prestations à l’étranger a reculé de 26,1 %, pour s’établir à 4,73 milliards de dollars. L’ensemble de la chaîne de valeur du secteur des contenus audiovisuels (y compris la production, la distribution, l’exploitation, la radiodiffusion et la distribution) a généré environ 271 195 emplois ETP (baisse de 17,1 %), 14,41 milliards de dollars de revenus du travail (baisse de 13,3 %) et 19,18 milliards de dollars de PIB (baisse de 14,8 %), à la fois en termes d’impacts directs et de retombées8Association canadienne des producteurs médiatiques, Profil 2024 : Un rapport économique sur l’industrie de la production de contenu sur écran au Canada, Téléfilm Canada, 2025, https://cmpa.ca/profile/..

L’industrie de la production audiovisuelle est confrontée à de nombreux défis. Alors que le public adopte les services de diffusion en continu largement étrangers, les revenus des radiodiffuseurs privés traditionnels diminuent. La SRC a notamment dû faire face à des coupes budgétaires, à une baisse d’audience et à une augmentation des coûts. Cette baisse témoigne également des effets persistants des grèves des scénaristes et des acteurs américains en 2023. Les diffuseurs en continu (Netflix, Amazon Prime, etc.) réduisent considérablement le nombre de productions qu’ils réalisent, car elles disposent désormais d’un vaste stock de programmes populaires de haute qualité qu’ils peuvent réutiliser. Auparavant, seul Disney+ avait la capacité de recycler un vaste inventaire de programmes populaires, et n’ajoutait donc qu’un petit nombre de nouveaux films chaque année.

La décision rendue par le CRTC en 2024, qui oblige les diffuseurs de films et d’émissions de télévision étrangers à contribuer 5 % de leurs recettes brutes enregistrées au Canada à la production de films, d’émissions de télévision et de contenus médiatiques canadiens, visait à stabiliser les perspectives des producteurs de contenu canadien. Toutefois, les diffuseurs en continu ont contesté cette exigence devant les tribunaux. Selon un sondage réalisé par Abacus Data en avril 2025, 83 % des Canadiennes et des Canadiens souhaiteraient que l’on investisse davantage dans les émissions de télévision, les films et les contenus numériques produits au Canada, afin de garantir la disponibilité d’un plus grand nombre de contenus de meilleure qualité9Canadian Media Producers Association, « New Poll Finds Majority of Canadians Support Political Parties That Champion Canadian Identity and Canada’s Cultural Industries », CMPA, 14 avril 2025, https://cmpa.ca/pressreleases/new-poll-finds-majority-of-canadians-support-political-parties-that-champion-canadian-identity-and-canadas-cultural-industries/..

On ignore encore comment les droits de douane américains s’appliqueront aux œuvres culturelles. Une enquête menée en février 2025 auprès de l’industrie de la presse magazine10Magazines Canada, Magazines Canada Tariff Survey Report, https://magazinescanada.ca/wp-content/uploads/2025/03/Magazines-Canada-Tariff-Survey-Report-FINAL.pdf. a révélé plusieurs sujets de préoccupation : augmentation des coûts d’impression, perte de recettes publicitaires, réduction des abonnements et pressions financières. Le secteur du livre est également préoccupé. Les éditeurs canadiens tirent en effet environ 50 % de leur chiffre d’affaires des États-Unis. Et chez nous, pour pouvoir rester en activité et vendre des titres et des auteurs canadiens, les librairies canadiennes doivent aussi vendre des ouvrages importés. Le président Trump a menacé d’appliquer des droits de douane sur les films importés aux États-Unis. La production cinématographique est une activité mondiale dont les services sont souvent fournis dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis. Pour l’instant, les biens culturels sont exemptés de droits de douane, même après que le président ait invoqué la loi américaine sur les pouvoirs économiques d’urgence face aux pays étrangers (International Emergency Economic Powers Act, ou IEEPA). Quelle que soit l’attitude des tribunaux face à l’utilisation de l’IEEPA pour imposer des droits de douane, cette loi exempte spécifiquement le « matériel d’information ». Les autorités américaines interprètent cette disposition comme incluant les biens culturels et les médias.

Alors que la production ralentit à l’échelle mondiale, l’industrie canadienne du cinéma et de la télévision est confrontée à un problème plus important que les droits de douane : ses concurrents prennent des mesures énergiques pour attirer les producteurs. La Californie s’apprête en effet à porter à au moins 35 % les subventions accordées aux tournages sur son territoire et à élargir la catégorie des productions admissibles. En février 2025, le Royaume-Uni a porté ses subventions à 34 % pour les films et les productions télévisuelles haut de gamme, et à 40 % pour les autres productions. Au Canada, les films et vidéos à contenu canadien bénéficient d’un crédit d’impôt remboursable de 25 % pour les dépenses de main-d’œuvre admissibles.

Mesures

Le BFA 2026 répond à la crise en mettant en œuvre les engagements de la plateforme libérale. Ces engagements consistent notamment à soutenir « des artistes et créateurs canadiens en augmentant le financement d’agences […] en reconnaissance de l’importance des créateurs et des industries de création du Canada. Plus nous donnons vie à nos perspectives, mieux nous comprenons le Canada et plus nous pouvons montrer au monde ce qui rend le Canada fort »11Parti Libéral du Canada, Un Canada fort..

Le BFA améliorera le financement de CBC/Radio-Canada afin qu’il corresponde au montant par habitant reçu par d’autres radiodiffuseurs publics. Actuellement, CBC/Radio-Canada ne reçoit que 32 $ de financement fédéral par habitant. La moyenne de l’ensemble des radiodiffuseurs publics (sur la base d’une comparaison entre 19 pays12Geoff Bickerton, On en a pour notre argent : Comparaison du financement des radiodiffuseurs publics dans 19 pays, y compris le Canada, Centre canadien de politiques alternatives, février 2025, https://www.policyalternatives.ca/news-research/on-en-a-pour-notre-argent/.) est de 79 $ de soutien gouvernemental par habitant. En outre, les revenus publicitaires représentent actuellement 22 % du financement total de CBC/Radio-Canada. Le BFA éliminera la publicité et le budget du réseau CBC/Radio-Canada sera augmenté pour être, d’ici cinq ans, supérieur de 2 milliards de dollars à ce qu’il est aujourd’hui.

Le BFA élargira les crédits d’impôt remboursables à tous les secteurs afin d’encourager l’investissement privé dans la production d’œuvres artistiques et culturelles. Le Canada offre actuellement des crédits d’impôt remboursables basés sur la main-d’œuvre, principalement par le biais du Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne et du Crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique. Plusieurs provinces offrent des crédits complémentaires aux producteurs de films et d’émissions de télévision, et des incitations similaires sont prévues pour les productions médiatiques numériques et d’animation. Le Québec offre également un crédit d’impôt remboursable aux producteurs de spectacles sur scène, et l’Ontario, un crédit d’impôt remboursable aux éditeurs de livres.

Le BFA portera à 35 % le crédit d’impôt fédéral remboursable pour les expressions artistiques. L’admissibilité au crédit sera étendue aux producteurs de toutes les formes d’expression artistique et d’œuvres culturelles, et pas seulement aux productions cinématographiques et audiovisuelles. Le crédit sera basé sur les dépenses de main-d’œuvre admissibles, y compris les salaires, traitements, honoraires, indemnités journalières et autres formes de rémunération. Les paiements aux artistes et autres talents créatifs sont inclus. Il sera accordé aux producteurs canadiens admissibles de films, de contenu télévisuel, de médias numériques, d’animation, de spectacles vivants, de livres, de magazines, d’arts visuels, d’artisanat, ainsi que d’autres formes d’expression artistique et d’œuvres culturelles.

Le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces afin de veiller à ce que les programmes de crédit d’impôt soient complémentaires, qu’ils encouragent efficacement les investissements du secteur privé dans ces industries et qu’ils tiennent compte des besoins des producteurs et éditeurs spécialisés créant des œuvres présentant un intérêt culturel.

Le BFA versera 150 millions de dollars par année de plus au Conseil canadien des arts pour :

  • mettre en œuvre des programmes pertinents pour les artistes autochtones, noirs, de diverses identités de genre, handicapés, âgés et d’autres communautés marginalisées en quête d’équité;
  • soutenir les œuvres qui présentent un intérêt culturel;
  • fournir des subventions de fonctionnement supplémentaires aux organismes de services artistiques, qui sont essentiels à la santé et à la vitalité du secteur.

Le BFA ciblera des mesures de soutien à l’intention des artistes professionnels.

Les artistes professionnels constituent le cœur du secteur : écrivains, musiciens, interprètes, concepteurs, artistes visuels, compositeurs, danseurs, éditeurs, chanteurs, conteurs, réalisateurs, chorégraphes, artisans et bien d’autres encore, dans toutes les collectivités et sur tous les médias.

On compte plus de 202 000 artistes professionnels, soit environ 1 % de la population active totale13Kelly Hill, Profil statistique des artistes au Canada en 2016,Hill Strategies Recherche Inc., 2019. M. Hill a mis à jour quelques statistiques sur la base des données du recensement de 2021, y compris le nombre total d’artistes.. Cependant, c’est dans le milieu artistique que la pratique du travail à la demande est la plus répandue. La plupart du temps, les gens travaillent d’un contrat à l’autre, pour un revenu faible, fluctuant et incertain. Depuis longtemps, le revenu individuel médian des artistes professionnels est inférieur d’environ 44 % à celui de l’ensemble des travailleuses et travailleurs canadiens14Kelly Hill, 2019..

Le BFA modifiera la Loi de l’impôt sur le revenu pour faire en sorte que le revenu artistique professionnel à concurrence de 10 000 $ soit admissible à un crédit d’impôt remboursable de 15 %. Ce crédit sera réduit à 7,5 % pour les artistes dont le revenu familial total dépasse la médiane de tous les artistes, et il sera supprimé pour les artistes dont le revenu familial total dépasse la médiane de l’ensemble des travailleuses et travailleurs15Kelly Hill, 2019. Dans le recensement de 2016, le revenu familial médian des artistes se chiffrait à 57 800 $ et celui des ménages en général, à 86 500 $.. Ce crédit d’impôt constitue une puissante incitation à la créativité pour les artistes qui se démènent pour vivre de leur art. Les définitions et les contrôles sont fournis dans le Folio de l’impôt sur le revenu S4-F14-C1, Artistes et écrivains, ainsi que dans la Loi sur le statut de l’artiste. Lorsque le revenu minimum vital (revenu de subsistance canadien, ou RSC) sera pleinement mis en œuvre (voir le chapitre Sécurité du revenu et pauvreté), le crédit d’impôt remboursable fera l’objet d’un réexamen.

Le BFA assurera l’équité fiscale aux artistes professionnels en leur permettant d’effectuer une moyenne rétrospective de leurs revenus sur quatre ans. Les artistes visuels peuvent consacrer de nombreuses années à la création d’œuvres avant qu’elles ne soient exposées et vendues. Un écrivain peut passer de nombreuses années à travailler un scénario avant qu’il ne devienne un film et ne génère des revenus. Mais le revenu qu’ils toucheront sera imposé l’année où il sera perçu. Selon leur lieu de résidence et leur revenu total, ils pourraient payer jusqu’à 16 % d’impôt de plus que s’ils avaient perçu ce revenu de manière uniforme sur les années de création16ACTRA, Submission to the Department of Finance Consultations on Tax Planning Using Private Corporations, octobre 2017.. Si nécessaire, la réglementation portera sur les montants que les artistes ont pu recevoir sous forme de crédits d’impôt au cours des années précédentes.

De nombreux artistes et autres travailleuses et travailleurs du secteur culturel sont contraints de travailler en dehors du secteur entre deux contrats. Lorsque cela se produit, leur employeur et eux-mêmes cotisent au régime d’assurance-emploi (AE). Cependant, lorsqu’ils sont au chômage (que ce soit en tant qu’artistes ou dans le cadre d’un autre emploi), plusieurs ne parviennent pas à toucher de prestations régulières de l’AE, alors qu’ils y sont admissibles17Garry Neil, Prestations spéciales de l’assurance-emploi pour les travailleuses et travailleurs autonomes : Incidence sur les artistes et les travailleuses et travailleurs culturels, Conseil des ressources humaines du secteur culturel, avril 2010, https://www.culturalhrc.ca/sites/default/files/research/CHRC-EI-report-self-employed-fr.pdf.. Le BFA veillera à ce que la Commission de l’assurance-emploi du Canada élabore des règles permettant d’intégrer pleinement et équitablement les artistes professionnels dans le système d’AE. Les artistes professionnels et ceux qui les engagent paieront des cotisations, et les artistes auront droit à des prestations régulières selon un modèle basé sur le revenu total gagné (et non sur le nombre de semaines travaillées) par périodes de quatre semaines. Ce modèle ne devrait pas avoir d’incidence sur les revenus du régime, sauf dans des circonstances extraordinaires, telles qu’une pandémie. Il pourrait servir de modèle pour étendre les prestations d’assurance-emploi à d’autres travailleuses et travailleurs à la demande.