Introduction
Le monde est confronté à une instabilité croissante due aux conflits, au changement climatique, à la réduction de l’espace civique et à l’intensification des tensions géopolitiques. Les besoins humanitaires augmentent, les inégalités se creusent et le système mondial de coopération pour le développement est mis à rude épreuve; l’efficacité de la réponse est entravée par d’importantes coupes budgétaires et des modèles obsolètes. Avec seulement 43 % des appels humanitaires mondiaux financés en 2024 et plus de 300 millions de personnes qui devraient avoir besoin d’une aide d’urgence en 2025, l’urgence d’agir est indéniable.
Le Canada défend depuis longtemps la coopération internationale, la solidarité, les droits humains fondamentaux et la paix, non seulement parce qu’il s’agit d’expressions de nos valeurs fondamentales de compassion et de responsabilité, mais aussi parce qu’elles sont essentielles à notre propre bien-être et à notre influence dans un monde profondément interconnecté. Nous comprenons que le programme du nouveau gouvernement soit façonné par les pressions économiques, mais le Canada ne peut pas se permettre de se replier sur lui-même.
Vue d’ensemble
Feuille de route pour un engagement international fondé sur des principes et percutant
Malgré son modeste impact budgétaire, l’aide internationale du Canada continue de produire des résultats exceptionnels en favorisant l’égalité des sexes, l’action climatique, le développement inclusif, le respect des droits fondamentaux et la réponse humanitaire. Dans un contexte d’instabilité géopolitique croissante, un engagement soutenu et stratégique permet de renforcer les partenariats, d’ouvrir de nouveaux marchés et d’atténuer les crises mondiales avant qu’elles n’atteignent nos frontières.
Pour naviguer dans le paysage mondial complexe et interconnecté d’aujourd’hui, le Canada doit moderniser sa politique étrangère en adoptant une approche cohérente et intégrée alliant développement international, diplomatie, défense et commerce. En collaborant de manière significative et constructive avec la société civile, tant au pays qu’à l’étranger, le Canada s’assurera que son engagement mondial est inclusif, fondé sur des principes et tourné vers l’avenir.
Alors que l’espace civique se réduit à l’échelle mondiale et que l’autoritarisme progresse, le Canada, qui défend depuis longtemps les droits humains et le droit international, peut agir avec conviction et crédibilité. En démontrant son attachement aux valeurs démocratiques par un soutien ferme à la société civile, aux médias indépendants et aux défenseurs des droits humains, le Canada renforcera sa position sur la scène internationale et veillera à ce que son engagement mondial serve à la fois ses principes et ses intérêts stratégiques.
Alors que certains de ses alliés se dérobent à leurs engagements internationaux, le Canada doit reconnaître qu’une plus grande implication dans le développement mondial constitue un investissement dans un avenir plus sûr et plus prospère pour les Canadiennes et les Canadiens, mais aussi pour le reste du monde. Cela signifie moins de conflits, davantage de partenaires commerciaux pour les entreprises canadiennes et des démocraties plus solides et stables. En plus d’être la voie à suivre pour des raisons de principe, l’investissement dans le développement contribue à la croissance, à la stabilité et à la justice dans le monde. C’est la bonne chose à faire, et la chose intelligente à faire.
Aperçu de l’aide publique au développement officielle du Canada
Dans son dernier rapport, le Canada fait état de dépenses totales de 12,3 milliards de dollars pour l’aide internationale en 2023-2024, dont 10,2 milliards de dollars sont considérés comme de l’aide publique au développement (APD). En cette année où d’importants prêts ont été accordés à l’Ukraine, une part significative de l’écart entre ces deux chiffres s’explique en grande partie par le fait que seul l’équivalent subvention est pris en compte dans l’APD. Ce montant de base représente une baisse significative de près d’un quart de l’aide internationale canadienne par rapport à 2022-2023, mais il reste nettement supérieur aux niveaux d’avant la pandémie, si l’on tient compte de l’inflation.
Ces dernières années, le gouvernement canadien a dépensé une part croissante de son budget d’aide internationale sur son propre territoire, principalement pour soutenir les réfugiés et couvrir les frais administratifs. En 2023-2024, les dépenses au Canada—ainsi que l’aide à l’Ukraine—représentaient 45 % du total de l’APD, ce qui ne laissait que 55 % pour toutes les autres priorités mondiales. Il s’agit là d’un net recul par rapport aux 76 % enregistrés quatre ans auparavant.
Bien que le soutien aux réfugiés au Canada et l’aide à l’Ukraine soient essentiels, le détournement croissant de l’APD vers des priorités nationales et géopolitiques risque de compromettre les engagements plus larges du Canada en matière de développement et d’aide humanitaire, en particulier dans les pays à faible revenu. Alors que les budgets de l’aide mondiale se resserrent, il est essentiel que l’aide du Canada reste concentrée sur son objectif principal : réduire la pauvreté et les inégalités dans les pays du Sud et s’attaquer aux causes profondes des mouvements de population et de l’insécurité.
Une transparence budgétaire et une reddition de comptes
Les budgets prévisionnels manquent de clarté quant aux montants alloués par le gouvernement et à la provenance des fonds. Les parties prenantes qui s’intéressent à l’engagement du Canada à l’étranger—et qui comptent sur des informations exactes pour prendre des décisions affectant des millions de personnes, dont des dizaines de milliers de Canadiennes et de Canadiens—ne savent pas exactement à quoi s’attendre. Ces informations sont non seulement utiles, mais indispensables pour les organismes canadiens et pour nos partenaires internationaux. Une plus grande transparence sur les montants que le gouvernement prévoit d’engager sur plusieurs années serait très utile pour soutenir la planification, l’élaboration de stratégies et la confiance.
Allégement de la dette dans les pays du Sud
Le fardeau de la dette souveraine limite la capacité de nombreux pays à investir dans leurs services essentiels et dans leurs priorités de développement. Dans les pays du Sud, cette situation est critique, touchant directement 3,3 milliards de personnes dont les gouvernements consacrent actuellement davantage d’argent au service de la dette qu’aux services essentiels, comme l’éducation ou les soins de santé1Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Crise de la dette : la dette extérieure des pays en développement atteint le chiffre record de 11 400 milliards de dollars, 17 mars 2025, https://unctad.org/fr/news/crise-de-la-dette-la-dette-exterieure-des-pays-en-developpement-atteint-le-chiffre-record-de.. Ces pressions financières se sont intensifiées à la suite de la pandémie de la COVID-19, de la flambée des taux d’intérêt mondiaux et de la multiplication des catastrophes naturelles. Plus de 60 % des pays à faible revenu sont déjà surendettés ou à haut risque de surendettement2Groupe de la Banque Mondiale, Alors qu’une crise de la dette se profile, une reconstitution record des ressources de l’IDA peut faire toute la différence, 31 janvier 2024, https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2024/01/31/record-ida-replenishment-essential-as-debt-crisis-looms..
Ces chiffres brossent un tableau sombre : non seulement le service de la dette détourne les ressources allouées aux dépenses sociales et climatiques, mais il entrave également le développement à grande échelle, affectant ainsi des milliards de personnes dans l’ensemble du Sud.
Le Canada a l’occasion de plaider en faveur d’un effort de la communauté internationale pour annuler ces dettes insoutenables et promouvoir des systèmes financiers plus équitables, ce qui créerait une marge de manœuvre budgétaire permettant aux pays de soutenir leur propre croissance durable. Pour exercer un leadership efficace, il faut aller au-delà de la gestion des crises et réformer le système financier mondial afin qu’il serve tous les pays de manière plus efficace et équitable. Ces efforts sont essentiels pour honorer les engagements pris lors de la 4e Conférence internationale sur le financement du développement.
Renforcer l’engagement du Canada en matière de financement de la lutte contre le changement climatique
La crise climatique est une urgence. Elle anéantit les progrès réalisés en matière de développement, en particulier dans les pays à faible revenu où les vagues de chaleur et l’insécurité alimentaire s’aggravent. Les décisions prises aujourd’hui seront déterminantes pour l’avenir de l’humanité et de nombreuses espèces. Sans une augmentation significative du financement public de qualité consacré au climat, des impacts catastrophiques seront inévitables. Le changement climatique a des répercussions sur les migrations, la sécurité alimentaire et les conflits, ce qui exige une réponse globale. Alors que l’engagement actuel du Canada en matière climatique touche à sa fin, le pays doit s’engager à prendre de nouvelles mesures plus ambitieuses pour accélérer la mise en œuvre d’actions significatives et de soutenir une transition équitable. Il est essentiel que le financement de la lutte contre le changement climatique vienne s’ajouter aux principaux engagements du Canada en matière d’ADO, afin que les efforts déployés pour lutter contre la crise climatique ne se fassent pas au détriment d’objectifs de développement vitaux.
Mesures
Le BFA maintiendra l’aide publique au développement (APD) du Canada à 10,2 milliards de dollars3Affaires mondiales Canada, Rapport statistique sur l’aide internationale 2023-2024, 11 avril 2025, https://www.international.gc.ca/transparency-transparence/international-assistance-report-stat-rapport-aide-internationale/2023-2024.aspx?lang=fra., comme en 2023-2024. Le BFA indexera l’APD à l’inflation afin de garantir que sa capacité ne diminue pas. En cette période économique difficile, il est essentiel que l’aide internationale du Canada ne soit pas réduite, comme s’y est déjà engagé le nouveau gouvernement.
Le BFA s’efforcera également de recentrer l’APD sur son objectif principal, à savoir l’éradication de la pauvreté dans les pays du Sud. Pour y parvenir, il faudra réduire au minimum les fonds dépensés sur notre territoire et retirer le financement de la lutte contre le changement climatique du budget de l’APD.
Le BFA veillera à ce que l’aide internationale à l’Ukraine s’inscrive dans le cadre de l’enveloppe de l’aide stable ou croissante accordée au reste du monde. Pour ce faire, il mettra en place un système de suivi de l’aide à l’Europe de l’Est afin de mesurer l’aide étrangère liée à la guerre et à la crise en Ukraine.
Le BFA appliquera désormais des mesures de transparence à chaque budget annuel. Cette démarche implique de présenter le budget de l’enveloppe d’aide internationale (EAI) pour l’exercice précédent, l’exercice en cours et les cinq exercices à venir. Elle impliquera également une répartition de base de l’EAI entre les principaux domaines de programme, les services chargés de la mise en œuvre et les pays partenaires pour les exercices en cours et précédent. Elle implique aussi de mettre fin aux annonces de financement opaques concernant les allocations réaffectées et de privilégier la prévisibilité et la transparence. Toute nouvelle annonce de financement indiquera clairement s’il s’agit d’argent neuf ou s’il provient d’une réserve.
Le BFA veillera à ce que le financement humanitaire du Canada reste conséquent dans un contexte de crises mondiales de plus en plus nombreuses. Il s’engagera en faveur d’un financement prévisible et rapide afin d’améliorer la coordination et la réponse et de veiller à ce que l’aide internationale parvienne aux populations les plus vulnérables. Cela implique un financement plus important, flexible et pluriannuel, qui peut être augmenté en fonction des besoins humanitaires mondiaux, et non pas en fonction des priorités géopolitiques. Pour renforcer la coordination et répondre aux réalités du terrain, le BFA encouragera la cohérence entre les efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix, tout en respectant les principes humanitaires.
Le BFA renforcera le rôle que joue le Canada dans le respect du droit international humanitaire en faisant de la protection des civils et du personnel humanitaire une priorité de sa politique étrangère. Le respect du droit international humanitaire est à la fois une responsabilité humanitaire et un impératif stratégique qui renforce la position du Canada sur la scène internationale. Le BFA plaidera en faveur de la poursuite en justice des auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits humains fondamentaux. Cela implique de soutenir les mécanismes de justice internationale, comme la Cour pénale internationale, et d’aligner les actions diplomatiques et financières du Canada sur les normes humanitaires mondiales. Le BFA investira dans la protection des civils, en se concentrant notamment sur les populations vulnérables des zones de conflit, telles que les femmes, les enfants et les personnes déplacées, afin de s’assurer que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui en ont le plus besoin.
Le BFA soutiendra les efforts d’allègement de la dette mondiale, notamment en appuyant les initiatives internationales qui s’attaquent de manière significative à la crise de la dette, en utilisant la présidence du G7 et les canaux multilatéraux pour façonner les cadres d’allègement de la dette et en plaidant pour des réformes financières qui permettront de construire des économies durables dans les pays du Sud. Le BFA donnera la priorité aux initiatives d’allégement de la dette mondiale qui permettront aux pays du Sud de réorienter leurs ressources vers des secteurs essentiels, comme la santé, l’éducation ou l’adaptation au changement climatique. Cela implique soutenir l’annulation de la dette insoutenable, de faire pression en faveur de réformes visant à accroître la marge de manœuvre budgétaire des pays du Sud, et de militer pour l’adoption, au sein des Nations Unies, d’un cadre de résolution de la dette qui soit transparent, contraignant et équitable.
Le BFA milite en faveur de réformes des institutions financières mondiales, telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, afin qu’elles répondent mieux aux besoins des pays à faible et moyen revenu. Le soutien aux mécanismes de financement durable, y compris à la lutte contre le changement climatique, sera essentiel pour renforcer la résilience mondiale à long terme (voir le chapitre Environnement et changement climatique).
Pour favoriser la confiance et le soutien du public canadien à l’égard de l’engagement mondial du Canada, le BFA investira dans des systèmes et des stratégies démontrant la pertinence et l’impact de la coopération internationale. Il luttera contre la désinformation sur les questions mondiales et s’engagera dans de nouvelles collaborations qui dépasseront les cercles traditionnels afin de connecter les Canadiennes et les Canadiens de manière nouvelle et inspirante.
Le BFA modernisera la prestation de l’aide internationale du Canada en équilibrant le financement entre la société civile et les canaux multilatéraux et bilatéraux afin d’en maximiser l’impact. Cela implique d’accroître la souplesse du financement afin de soutenir le leadership local et de permettre aux partenaires de s’adapter aux contextes locaux en constante évolution dans les domaines de l’aide humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix. Le BFA soutiendra les initiatives tirant parti de nouveaux partenariats innovants, tant au Canada qu’à l’international. Cela encouragera de nouveaux acteurs et de nouvelles approches à mobiliser les ressources de manière efficace et responsable.
Le BFA défendra l’espace civique et les droits humains fondamentaux en usant de son influence dans les forums mondiaux et en fournissant un financement spécifique dans le cadre de l’EAI afin d’étendre le soutien à la société civile et à l’espace civique. Ce financement privilégiera les partenariats souples avec les acteurs locaux et soutiendra les défenseurs des droits humains, les organisations et mouvements de la société civile, les médias indépendants, ainsi qu’un environnement juridique favorable à la société civile, aux droits humains et à la démocratie.
Dans un contexte mondial de plus en plus polarisé, le BFA continuera de défendre l’égalité des sexes, ainsi que les droits des femmes et des filles et des personnes 2SLGBTQ+. Cela implique de soutenir des services de santé complets pour les femmes en finançant adéquatement les programmes clés et en veillant à ce que toutes les femmes disposent des ressources et des moyens nécessaires pour contrôler leur corps et leur avenir. La santé des femmes et l’accès aux droits sexuels et reproductifs sont des droits humains fondamentaux.


