Introduction

Dans le contexte de la guerre commerciale menée par Donald Trump, le développement de l’infrastructure nationale du Canada est un sujet brûlant en 2025. Le gouvernement fédéral et les provinces ont conjointement établi une courte liste de projets stratégiques pour bâtir notre pays et ont pris des mesures pour concentrer le pouvoir afin d’accélérer leur réalisation. Bien que la perspective d’un nouvel investissement majeur dans les infrastructures peut sembler une réponse sensée, le danger est que les gouvernements gaspillent des dizaines de milliards de dollars publics dans de nouveaux pipelines et d’autres infrastructures de combustibles fossiles comme les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL)—sans oublier l’imposture du captage et du stockage du carbone (voir le chapitre Environnement et changement climatique) et les partenariats public-privé douteux qui cherchent à générer des profits privés aux dépens du public.

Le BFA revient à l’essentiel en investissant des montants similaires dans les infrastructures qui sont essentielles à notre prospérité. Moderniser des réseaux d’eau et d’égouts peut sembler ennuyeux, mais ce genre de projet améliore directement la qualité de vie des citoyennes et des citoyens, tout en favorisant la croissance et la densification du parc de logements. Les investissements dans les transports en commun facilitent les déplacements des personnes et des marchandises. Nous envisageons également une série différente de projets nationaux pour mieux relier le Canada, comme un réseau électrique propre est-ouest et de nouvelles capacités ferroviaires à grande vitesse.

Les infrastructures sont à la base de la prospérité commune et elles sont essentielles pour créer des emplois de qualité, lutter contre le changement climatique et construire des collectivités plus inclusives. Face à la menace qui pèse sur la souveraineté canadienne, nous devons inciter le gouvernement fédéral à agir et à lancer de grands chantiers qui renforceront notre indépendance et nous permettront de nous positionner pour l’avenir. Cela implique notamment de connecter les grands projets aux chaînes d’approvisionnement canadiennes afin de soutenir des industries comme l’acier et l’aluminium, qui subissent les effets négatifs de l’administration Trump, ainsi que les secteurs de la fabrication et de l’assemblage des pièces automobiles, des autobus électriques et d’autres véhicules de transport en commun.

Vue d’ensemble

Infrastructure municipale

Des gouvernements locaux font depuis longtemps pression pour obtenir un financement fédéral afin de pallier les lacunes en matière d’infrastructures dues à des décennies de négligence. En l’absence de financement fédéral et provincial, les responsabilités en matière d’infrastructures sont « transférées » aux gouvernements locaux qui ne disposent pas de la même assiette fiscale pour financer les améliorations—et qui sont nombreux à ne pas pouvoir faire de déficit. Des administrations municipales ont tenté de pallier ce manque de financement en imposant des taxes et des redevances sur les nouveaux projets d’aménagement, plutôt que d’augmenter l’impôt foncier, afin de financer la modernisation des infrastructures.

Depuis le budget fédéral de 2017, le gouvernement fédéral aide à combler ce fossé grâce à un plan d’infrastructure décennal, qui doit maintenant être renouvelé. Le budget de 2024 a créé un Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement doté de 6 milliards de dollars sur 10 ans afin de financer les infrastructures nécessaires à la construction intensive de nouveaux logements. Les Libéraux réélus ont promis d’injecter 1,5 milliard de dollars par année pendant quatre ans pour soutenir les infrastructures locales et réduire de 50 % les redevances d’aménagement des gouvernements locaux en les prenant en charge directement. C’est un bon début, mais il s’agit en fin de compte d’un montant très faible si on le répartit sur l’ensemble du pays.

Par ailleurs, le programme électoral du parti ne prévoit guère de réinvestissements majeurs dans les infrastructures des gouvernements locaux, comme les routes, l’approvisionnement en eau et la gestion des déchets. L’agglomération de Vancouver a besoin de plusieurs milliards de dollars pour traiter les eaux usées; l’agglomération de Victoria rejette encore des eaux usées brutes dans l’océan; les rivières et les lacs autour de Winnipeg sont pollués par 10 milliards de litres d’eaux usées. De nombreuses installations culturelles et récréatives, telles que les piscines, les bibliothèques et les centres communautaires, sont en mauvais état1Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes, Suivi de l’état des infrastructures publiques essentielles du Canada : Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes de 2019, http://canadianinfrastructure.ca/downloads/bulletin-rendement-infrastructures-canadiennes-2019.pdf..

Infrastructures climatiques et énergétiques

Les infrastructures sont essentielles pour s’adapter au réchauffement de la planète, notamment aux phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent nos collectivités de plus en plus fréquemment et de manière plus intense. Il faut donc moderniser les digues et les réseaux d’égouts pour faire face aux précipitations extrêmes, et les systèmes de refroidissement pour faire face aux vagues de chaleur.

Le Canada a longtemps dépendu de l’extraction et de la consommation de combustibles fossiles pour faire tourner son économie. Face aux défis commerciaux actuels, nos dirigeants politiques envisagent de continuer à s’appuyer sur les industries polluantes du passé. Ce serait une erreur qui détournerait le pays de la voie d’un avenir propre et sécuritaire.

Seule une infrastructure publique ambitieuse et bien financée nous permettra d’atteindre la décarbonation. Malgré l’intensification de l’action climatique au cours de la dernière décennie, le Canada ne dépense pas assez pour être compétitif dans un monde qui se détourne rapidement des combustibles fossiles pour se tourner vers les énergies propres (voir le chapitre Environnement et changement climatique). Il est temps que le gouvernement fédéral établisse un plan d’investissement pluriannuel à la hauteur de l’ampleur des enjeux, tout en rejetant les solutions de pacotille comme le captage et le stockage du carbone.

Ces investissements de grande ampleur permettront d’accélérer la décarbonation de tous les secteurs de l’économie canadienne et de rendre la vie plus abordable pour les Canadiennes et les Canadiens, en réduisant notamment les coûts de l’énergie domestique et en les rendant plus résistants aux chocs extérieurs, comme l’inflation récente alimentée par les prix du pétrole et du gaz. Les nouveaux investissements publics dans le domaine du climat peuvent favoriser un bien-être durable, renforcer les communautés et réduire les inégalités économiques. Des investissements bien conçus peuvent également contribuer de manière significative à apaiser les relations avec les peuples autochtones (voir le chapitre Premières Nations).

L’électricité propre est au cœur de ces investissements dans les infrastructures climatiques et énergétiques. La Colombie-Britannique et le Manitoba développent de nouvelles sources d’électricité propre en collaboration avec les Premières Nations locales. Cependant, ces projets sont trop souvent mis au service de l’augmentation de la production de combustibles fossiles2Marc Lee, Painting Itself into a Corner: LNG and the Climate-Affordability Trade-Off in B.C., Centre canadien de politiques alternatives, 14 mai 2025, https://www.policyalternatives.ca/news-research/painting-itself-into-a-corner-lng-and-the-climate-affordability-trade-off-in-b-c/..

Le Canada doit accélérer le développement d’un réseau électrique propre est-ouest, tout en déployant l’infrastructure de recharge des véhicules électriques (VE) sur l’ensemble du territoire. Des accords améliorés de partage des coûts d’infrastructure avec les provinces et les territoires pourraient accélérer le raccordement au réseau et l’obtention des permis, qui constituent actuellement un important goulot d’étranglement pour le déploiement des bornes de recharge publiques.

Investissements dans les transports en commun et les trains à grande vitesse

L’annonce d’Alto, le projet de train à grande vitesse (TGV) qui reliera Toronto à Québec, change la donne en matière de transport dans le corridor le plus fréquenté du pays. Il faut simultanément faire progresser le TGV dans d’autres corridors prioritaires, notamment dans l’ouest du Canada, entre Winnipeg-Edmonton-Calgary, Vancouver-Calgary et Toronto-Winnipeg, afin de mettre en place un réseau national en une génération. Ces couloirs de TGV pourraient tirer parti du réseau électrique vert est-ouest et de son expansion.

Le Fonds pour les transports en commun du Canada, annoncé pour la première fois en 2024, devrait être lancé en 2026-2027. Il fournira un financement fédéral stable, mais ses 3 milliards de dollars seront principalement destinés à soutenir des projets d’investissement. Pour beaucoup, le transport en commun est déjà une véritable planche de salut. Il permet de se rendre au travail, d’accéder à des services essentiels et de rejoindre ses proches. Toutefois, les systèmes de transport en commun de tout le pays sont mis à rude épreuve et le gouvernement fédéral doit intervenir en apportant une aide opérationnelle. Pour s’affranchir de la dépendance à l’automobile, les transports en commun doivent être pratiques, fiables et abordables. Le financement fédéral des opérations pourrait faire du transport en commun une option viable pour la plupart des gens, la plupart du temps.

À cette fin, nous aspirons à doubler le nombre d’autobus (électriques ou hybrides, fabriqués au Canada) dans les services locaux d’ici cinq ans, puis à le tripler d’ici dix ans, afin d’assurer des services de transport local plus fréquents et plus fiables dans les collectivités de l’ensemble du pays. L’interconnexion des réseaux locaux de transport en commun par le biais d’un service VIA Rail élargi ou d’autobus express interurbains permettrait d’améliorer grandement la mobilité des populations des petites villes et des régions rurales, facilitant ainsi l’accès aux soins de santé et à d’autres services, les visites familiales ou les déplacements de vacances. De plus, le renforcement des liaisons de transport en commun à travers le Canada serait bénéfique pour le tourisme.

Comme les Canadiennes et les Canadiens l’ont appris avec le fiasco du train léger d’Ottawa, le modèle de partenariat public-privé (PPP) ne fonctionne tout simplement pas. Au lieu de tenir sa promesse d’économiser de l’argent, il a même été fortement corrélé à l’escalade rapide des coûts de construction des transports publics, entre autres dans les pays où le secteur public manque d’expertise et de savoir-faire en matière de construction de systèmes de transport en commun. Par ailleurs, notre soutien financier à l’expansion des transports en commun sera conditionné à la création d’emplois syndiqués dans le secteur public.

Mesures

Le BFA conclura des accords de partage des revenus avec les municipalités, afin de leur donner un accès aux deux tranches supérieures d’imposition (revenus de 172 714 $ et plus). Les municipalités pourront ainsi percevoir des revenus supplémentaires en imposant les contribuables à revenu élevé, l’Agence du revenu du Canada se chargeant d’administrer cet impôt en fonction de l’adresse du domicile. Les municipalités seraient libres de fixer les taux d’imposition.

Le BFA renouvellera les transferts fiscaux existants aux municipalités, sous la forme d’accords avec le Fonds pour le développement des collectivités du Canada. Il les augmentera pour refléter la baisse du pouvoir d’achat attribuable à l’inflation, et il liera leur indexation annuelle à la croissance de l’économie. Le taux de croissance, actuellement fixé à 2 %, serait ainsi remplacé par un mécanisme d’indexation en fonction de la croissance du PIB nominal (ou 2 %, selon le taux le plus élevé). Le gouvernement fédéral utilisera le programme existant pour verser les recettes supplémentaires que les municipalités percevront en accédant à l’impôt sur

Le BFA créera un mandat de financement pour VIA Rail afin d’étendre les services ferroviaires à travers le pays et de mettre en place des bureaux de projet dédiés aux connexions ferroviaires à grande vitesse dans les corridors prioritaires. Ce mandat, financé à hauteur de 2 milliards de dollars par année et indexé à l’inflation, permettra à VIA Rail de constituer une réserve ou de garantir des emprunts. Le BFA abolira la Banque de l’infrastructure du Canada et transférera les fonds publics restants à VIA Rail, qui pourra ainsi commencer immédiatement à construire des projets d’expansion. Le BFA s’engage à consacrer 50 milliards de dollars de dépenses d’investissement aux projets de TGV, à condition qu’ils soient dirigés et gérés par le secteur public, et non par des PPP.

Le BFA engagera 20 milliards de dollars sur cinq ans pour construire un réseau électrique propre, en mettant l’accent sur la transmission interrégionale et sur des investissements ciblés dans les collectivités rurales, isolées et autochtones. Le BFA créera un nouveau programme national d’infrastructure de recharge des véhicules électriques à travers le Canada, en partenariat avec les provinces, les territoires et les compagnies d’électricité afin de partager les coûts de mise en place d’un réseau national de stations de recharge. Ce programme financera les plans des réseaux de recharge provinciaux qui répondent aux normes fédérales sur les plans de la couverture, de la fiabilité et de la normalisation des prises de recharge.

Le BFA créera pour le gouvernement fédéral un nouveau rôle de soutien aux opérations de transport public afin de faciliter l’expansion tout en maintenant les tarifs aussi bas que possible. Le BFA investira 35,4 milliards de dollars supplémentaires sur 11 ans (de 2026 à 2036) par rapport aux dépenses prévues pour les transports en commun. Pour ce faire, il accélérera la date de démarrage du futur Fonds pour le transport en commun du Canada et élargira son rôle pour inclure le fonctionnement des transports en commun. Cette mesure est essentielle pour augmenter l’achalandage et réduire les émissions de carbone. Notre objectif est de soutenir simultanément l’expansion des transports en commun et le maintien de tarifs abordables.

Le financement du fonctionnement sera inclus dans un mécanisme de financement de base. Pour encourager les municipalités à mettre en place des transports en commun plus rapides, des primes de fonctionnement leur seront versées en fonction du nombre de kilomètres de voies réservées aux transports en commun prioritaires (y compris les bus et les tramways). Pour encourager l’efficacité, une composante supplémentaire de ce mécanisme de financement sera directement liée à l’augmentation du nombre d’usagers. Les villes pourront également utiliser ces fonds pour réduire le coût des titres de transport.

Ce nouveau programme imposera également que tous les fonds fédéraux soutiennent le déploiement d’autobus à zéro émission, grâce à de nouvelles exigences en matière d’approvisionnement, tout en compensant les coûts supplémentaires engendrés pour les systèmes de transport en commun. Ce nouveau programme négociera également des accords ville-région avec les grandes agglomérations urbaines pour financer des investissements publics majeurs, y compris un Fonds pour le transport actif revitalisé, de manière coordonnée et en accord avec les objectifs en matière d’offre de logements, d’abordabilité et de climat. Cette méthode de financement fondée sur un plan, plutôt que sur un projet, exigera des villes qu’elles acceptent des conditions minimales conçues pour empêcher l’érosion de l’abordabilité des logements, et pour planifier une densification accrue ainsi qu’une offre de logements à proximité des services fréquents de transport en commun.

Les accords ville-région exigeront également que les plans de développement des transports en commun et des logements des villes soient alignés sur les objectifs de transfert modal et de réduction des véhicules-kilomètres parcourus (VKP). Le gouvernement fédéral fixera des attentes minimales pour ce qui peut être réalisé en fonction de la taille de la ville, des circonstances locales et de l’importance du financement fédéral. Ces objectifs locaux s’ajouteront à l’objectif national global de doubler la fréquentation des transports en commun d’ici 2035.

Le BFA élargira le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural parallèlement au Fonds pour le transport actif. Ce financement supplémentaire permettra d’élargir les critères d’admissibilité au financement dans le cadre de ces programmes, afin d’inclure les coûts de fonctionnement pour ce qui est du Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, et le financement des programmes municipaux de partage de vélos gérés par l’État pour ce qui est du Fonds pour le transport actif. Le Fonds pour le transport en commun à zéro émission sera incorporé au Fonds pour le transport en commun du Canada afin d’aider les municipalités à atteindre des objectifs d’acquisition d’autobus à zéro émission de plus en plus élevés.