Introduction

Le Canada doit s’engager à faire respecter les droits fondamentaux et à rétablir la justice dans son système d’immigration.

Au cours de l’année écoulée, le gouvernement fédéral a mis en place une série de changements politiques qui resserrent et renforcent les exigences de sécurité pour tous les principaux flux d’immigration—des décisions qui aggravent les inégalités de longue date au sein du système. Les migrants et les réfugiés racisés, les femmes, les personnes 2ELGBTQI+ et les personnes handicapées, qui dépendent souvent de parrainages communautaires, de permis de travail ouverts ou de sources d’emplois à bas salaires, sont désormais confrontés à des séparations familiales plus longues, à une précarité accrue et à une surveillance renforcée.

Au cours des deux dernières décennies, le Canada a résolument opté pour une immigration « en deux étapes ». Pour ce faire, il sélectionne les candidats à l’immigration permanente principalement parmi les titulaires de permis d’études ou de travail temporaires1Rupa Banerjee, Naomi Alboim, Anna Triandafyllidou et Georgiana Mathurin, Canada’s Long-Standing Openness to Immigration Comes Under Pressure, Migration Policy Institute, 24 juin 2025, https://www.migrationpolicy.org/article/canada-immigration-policy-inflection-point.. Cette pratique a pour effet cumulatif de créer une architecture d’accueil des immigrants et des réfugiés qui prétend célébrer la diversité tout en opérant une exclusion et en renforçant les schémas historiques de racisme et d’iniquité structurelle, alors que le Canada se présente comme un exemple de réussite en matière d’immigration.

En renforçant la précarité et le contrôle racialisé, le Canada compromet ses obligations au titre de la Convention de 1951 relative aux droits des réfugiés, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Le gouvernement doit réaligner son cadre migratoire sur les principes des droits fondamentaux, de l’équité et de la justice mondiale.

Vue d’ensemble

Au cours des 12 derniers mois, les responsables politiques fédéraux ont apporté des modifications importantes aux règles d’immigration. En septembre 2024, Ottawa a annoncé un plafond de deux ans qui réduira le nombre de nouvelles approbations de permis d’études à 437 000 pour 2025 et limitera l’admissibilité des conjoints aux permis de travail. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un plan plus large visant à réduire la part des résidents temporaires de 7 % à 5 % de la population canadienne2Anna Mehler Paperny, « Canada Further Tightens Rules on Temporary Workers, Students », Reuters, 18 septembre 2024, https://www.reuters.com/world/americas/canada-further-tightens-rules-temporary-workers-students-2024-09-18/.. Le plan d’octobre 2024 sur les niveaux d’immigration a réduit de près de 20 % les objectifs en matière de résidents permanents (de 395 000 pour 2025) et a formalisé les plafonds pour les résidents temporaires3Anna Mehler Paperny, « Canada to Cut Immigration Numbers, Government Source Says », Reuters, 23 octobre 2024, https://www.reuters.com/world/americas/canada-cut-immigration-numbers-2024-10-23/., tandis que les attributions de janvier 2025 ont imposé une nouvelle baisse de 10 % des permis d’études4Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Attributions provinciales et territoriales de 2025 dans le cadre du plafond d’étudiants étrangers, 24 janvier 2025, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/avis/attributions-provinciales-territoriales-2025-cadre-plafond-etudiants-etrangers.html.. D’autres mesures ont limité les permis de travail ouverts aux conjoints et aux personnes à charge de la plupart des étudiants internationaux et des travailleuses et travailleurs à bas salaire (janvier 2025)5Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Changements apportés aux permis de travail ouverts pour les membres de la famille des résidents temporaires, 14 janvier 2025, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/avis/changements-apportes-permis-travail-ouverts-membres-famille-residents-temporaires.html.. Ces changements ont laissé des milliers d’étudiants et de travailleuses et travailleurs à la recherche d’un statut6Shiva S. Mohan, Broken promises are why some international students turn to seeking asylum, Université métropolitaine de Toronto, 21 janvier 2025, https://www.torontomu.ca/cerc-migration/news/2025/01/conversation-international-student-asylum/, d’autant que les demandes d’asile déposées par les seuls étudiants internationaux ont fait un bond de 22 % au cours du premier trimestre 2025, tandis que d’autres voies d’accès se sont fermées7« Surge in Asylum Reveals Struggles of International Students Amid Canada’s Immigration Crackdown », The Economic Times, 13 mai 2025, https://economictimes.indiatimes.com/news/international/canada/surge-in-asylum-reveals-struggles-of-international-students-amid-canadas-immigration-crackdown/articleshow/121141102.cms..

Parallèlement, les décideurs politiques ont réduit les flux de réfugiés, en instaurant une pause temporaire sur les parrainages privés de « groupes de cinq » (dans lesquels cinq Canadiennes et Canadiens peuvent « parrainer » ensemble une personne déplacée) de novembre 2024 à décembre 20258Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Suspension temporaire des demandes de parrainage de réfugiés présentées par des groupes de cinq et des répondants communautaires, 29 novembre 2024, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/avis/suspension-temporaire-demandes-parrainage-refugies-presentees-groupes-cinq-repondants-communautaires.html.. Depuis avril 2025, les documents expirés des demandeurs d’asile sont considérés comme invalides, ce qui ajoute des obstacles administratifs pour les personnes qui attendent déjà des années pour une audience9Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Les documents du demandeur d’asile périmés ne seront plus valides à partir du 1er avril 2025, 29 août 2024, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/avis/documents-demandeur-asile-perimes-ne-seront-plus-valides-partir-1-avril-2025.html.. Parallèlement, Ottawa a lancé une campagne numérique multilingue prévenant les demandeurs potentiels que le processus de demande d’asile au Canada est « difficile »10Anna Mehler Paperny, « Canada Pulls Refugee Welcome Mat, Launches Ads Warning Asylum Claims Hard », Reuters, 2 décembre 2024, https://www.reuters.com/world/americas/canada-pulls-refugee-welcome-mat-launches-ads-warning-asylum-claims-hard-2024-12-02/., et a accordé aux agents d’immigration et des services frontaliers de nouveaux pouvoirs pour annuler les visas, les permis d’études et les permis de travail sur place (février 2025)11Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Nouvelles règles pour renforcer l’annulation des documents de résident temporaire, ainsi que la sécurité et l’intégrité des frontières, 12 février 2025, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/avis/nouvelles-regles-renforcer-annulation-documents-resident-temporaire-ainsi-securite-integrite-frontieres.html..

Présenté le 3 juin 2025, le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, élargirait considérablement le contrôle exécutif sur l’immigration. Il propose notamment d’accorder au cabinet le pouvoir d’interrompre, de résilier ou d’annuler des catégories entières de demandes (par opposition à des cas individuels) ou des documents d’immigration existants « dans l’intérêt public ». Il introduit aussi de nouvelles exigences strictes concernant les délais de présentation de certaines demandes de statut de réfugié. Le projet de loi renforce également l’échange transfrontalier de renseignements, permet à Postes Canada et à l’ASFC d’ouvrir le courrier et confère à la Garde côtière des pouvoirs d’exécution policiers.

Par ailleurs, le Canada demeure signataire de l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs (ETPS), qui interdit aux demandeurs d’asile de présenter une demande de statut de réfugié au Canada s’ils ont déjà mis le pied sur le territoire d’un autre pays sûr—et cette désignation qui s’applique aux États-Unis, bien que ce pays ait fermé presque tous les flux d’admission de réfugiés. Malgré la récente prédilection du gouvernement américain à envoyer des migrants dans des camps de concentration à l’étranger, notamment au Salvador, à Djibouti et à Guantanamo, le gouvernement canadien continue de désigner les États-Unis comme un pays « sûr » pour les réfugiés, ce qui empêche un grand nombre de demandeurs d’asile de présenter une demande légitime au Canada.

Mesures

Protection des réfugiés et asile

Le BFA annulera l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs (ETPS). Cette entente compromet la protection équitable des réfugiés. Les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour tous les demandeurs d’asile.

Le BFA retirera le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière.

Le BFA mettra fin à la détention des immigrants. Dans l’intervalle, il mettra en œuvre des alternatives à la détention, telles que des modèles de supervision communautaires gérés en partenariat avec des organisations à but non lucratif.

Statut et régularisation

Le BFA lancera un programme de régularisation complet pour toutes les personnes sans papiers ou ayant un statut d’immigration précaire—y compris un parcours en une seule étape vers la résidence permanente pour les personnes sans papiers, les demandeurs d’asile déboutés et les personnes ayant un statut temporaire précaire.

Le BFA rétablira les objectifs de résidence permanente et démantèlera le système « en deux étapes ». Il inversera la tendance à l’immigration temporaire de masse. Le BFA réinvestira dans une immigration humanitaire, familiale et économique robuste.

Le BFA garantira un statut permanent à l’arrivée et des permis de travail ouverts à tous les travailleurs et travailleuses.

Le BFA garantira un parcours prévisible vers la résidence permanente aux détenteurs de permis d’études qui sont devenus inadmissibles en raison de modifications apportées aux politiques et à la réglementation en matière d’immigration.

Le BFA éliminera les permis fermés ou spécifiques à un employeur pour tous les programmes de travailleurs étrangers, y compris les temporaires, afin de garantir la mobilité de la main-d’œuvre et une protection juridique complète.

Droits du travail et mobilité

Le BFA établira des normes nationales contraignantes en matière d’emploi et de logement pour les travailleuses et travailleurs agricoles migrants et à bas salaire, conformément aux recommandations du document d’orientation intitulé Normes de logement nationales pour les travailleurs agricoles migrants du Canada12C. Susana Caxaj, Anelyse Weiler et d’autres contributeurs à la recherche, Normes de logement nationales pour les travailleurs agricoles migrants du Canada, MIHA Project, 9 mai 2025, https://farmworkerhousing.ca/wp-content/uploads/2025/05/Franc_May2025_Normes-de-logement-nationales_digital-1.pdf..

Le BFA garantira un accès complet aux prestations fédérales et aux régimes sociaux (tels que l’assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada, etc.) à toutes les personnes cotisantes, quel que soit leur statut d’immigration, y compris aux travailleuses et travailleurs migrants.

Justice et respect des procédures

Le BFA réformera l’interdiction de territoire pour motif de criminalité et mettra fin aux conséquences d’accusations mineures ou d’arrestations liées à des manifestations.

Le BFA introduira un pouvoir humanitaire discrétionnaire, un droit d’appel et une interdiction d’expulser toute personne arrivée au Canada en tant qu’enfant, quel que soit son statut d’immigration.

Le BFA demandera un audit indépendant en matière d’équité raciale dans l’ensemble du système d’immigration et de réfugiés.

Le BFA étudiera les disparités systémiques dans les taux d’approbation par pays d’origine, en particulier pour les demandeurs africains, caribéens et noirs. À la suite de cette étude, le BFA imposera des mesures correctives, des normes de transparence et des réformes contraignantes en matière d’équité à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et aux agences partenaires, le cas échéant.

Santé et droits fondamentaux

Le BFA garantira à tous les migrants vivant au Canada, quel que soit leur statut d’immigration, y compris aux personnes sans papiers, une couverture et un accès à des traitements médicaux à l’échelle provinciale ou territoriale.

Le BFA garantira à tous les migrants vivant au Canada, quel que soit leur statut d’immigration, y compris aux personnes sans papiers, une couverture et un accès à des services de santé mentale adaptés à leur culture.

Le BFA légiférera sur des normes nationales pour le Programme fédéral de santé intérimaire et administrera l’indemnisation des prestataires afin d’éliminer les obstacles à la dispensation de soins et de traitements aux réfugiés et demandeurs d’asile.

Le BFA protégera et investira dans les services d’aide juridique, les agences d’établissement et les centres d’aide aux travailleurs migrants.

Réforme du système et engagements internationaux

Le BFA éliminera les retards de traitement des demandes chez IRCC et respectera les normes de traitement en temps voulu.

Le BFA créera un nouvel organisme de surveillance de l’Agence des services frontaliers du Canada, conformément au projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires, qui a reçu la sanction royale en octobre 202413Parlement du Canada, Chambre des communes, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires, Projet de loi C20, 44e législature, 1re session, sanctionnée le 31 octobre 2024, https://www.parl.ca/documentviewer/fr/44-1/projet-loi/C-20/sanction-royal..

Le BFA annulera les réductions de personnel à IRCC, modernisera les systèmes et publiera régulièrement des indicateurs avec des données démographiques désagrégées afin de garantir un accès rapide et la transparence des processus.

Le BFA ratifiera la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que la Convention sur les travailleurs migrants (no 97), la Convention sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) (no 143) et la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Le BFA réaffirmera l’engagement mondial du Canada en faveur des droits des migrants et alignera sa politique nationale sur les obligations internationales en matière de droits fondamentaux.

Services d’établissement

Le BFA adoptera un « plan national pour l’asile dans la dignité ». Il s’inspirera du soutien holistique fourni aux réfugiés ukrainiens en 2022-2023, qui comprenait notamment des centres d’accueil, des permis de travail immédiats et un soutien fédéral en matière de logement et d’hébergement.

Le BFA investira dans des services d’établissement suffisants et adaptés, ainsi que dans des formations linguistiques pour tous les réfugiés et migrants, quel que soit leur statut d’immigration.