Introduction

Les personnes autochtones, noires et racisées sont confrontées à un racisme systémique et à une discrimination qui persistent encore aujourd’hui dans les différentes sphères de leur vie au Canada. Au cours des 12 derniers mois, les données et les expériences vécues sont venues mettre en évidence des disparités croissantes en matière de victimisation par les crimes motivés par la haine, d’accès aux possibilités économiques, de santé environnementale et de représentation dans les instances décisionnelles. S’attaquer à ces inégalités1L’équité est la reconnaissance du fait que, dans certaines circonstances, un traitement différent peut être nécessaire pour parvenir à l’équité et à la justice. L’égalité consiste à traiter tout le monde de la même manière. est non seulement un impératif moral, mais aussi un investissement stratégique dans la croissance économique collective, la compétitivité, l’innovation et la cohésion sociale du pays. Bien que le gouvernement fédéral ait annoncé des initiatives et des consultations ciblées, les progrès restent inégaux et largement fragmentaires.

Vue d’ensemble

Les obligations du Canada en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de divers traités internationaux, tels que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, restent inchangées. Au cours de la période étudiée, des mesures progressives ont été prises, notamment l’adoption de la Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale, mais aucun cadre législatif global n’a été mis en place pour démanteler le racisme systémique dans l’ensemble des institutions fédérales.

Voici quelques-unes des principales évolutions/données des 12 derniers mois :

  • La Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale (L.C. 2024, c. 11) a reçu la sanction royale le 20 juin 2024 et prévoit l’obligation de mettre en place une stratégie nationale dans les deux ans2Parlement du Canada, projet de loi C-226, Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale, consulté le 18 juin 2025 sur https://www.parl.ca/legisinfo/fr/projet-de-loi/44-1/c-226..
  • L’énoncé économique de l’automne 2024 a prévu un financement de 77,9 millions de dollars sur deux ans (à partir de 2025-2026) pour le lancement de la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires, mais les détails de sa mise en œuvre restent flous3Ministère des Finances Canada, « Des communautés plus en santé et en sécurité » et « Établir la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires », dans Énoncé économique de l’automne 2024, décembre 2024.. Cette stratégie s’inscrit dans un cadre décennal.
  • Le projet de loi C-63 (Loi sur les préjudices en ligne) a été présenté le 26 février 2024, mais est mort au feuilleton après la prorogation du Parlement le 6 janvier 20254Mandy Lau, « Canada’s Online Harms Bill Is Dead (Again): Three Questions to Consider for the Next Round », TechPolicy Press, 28 avril 2025, https://www.techpolicy.press/canadas-online-harms-bill-is-dead-again-three-questions-to-consider-for-the-next-round/..
  • Les consultations sur la modernisation de la Loi sur l’équité en matière d’emploi se sont déroulées du 3 mai au 30 août 2024, mais; aucun projet de loi mettant en œuvre les recommandations du groupe de travail Blackett n’a encore été déposé5Emploi et Développement social Canada, Consultation sur la modernisation de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, du 3 mai au 30 août 2024..
  • La police a rapporté 4 777 crimes haineux en 2023, soit une hausse de 32 % par rapport à 2022; les incidents contre les Noirs, les Musulmans, les Arabes et les Autochtones sont à l’origine de cette augmentation6Statistique Canada, Crimes haineux déclarés par la police, nombre d’affaires et taux pour 100 000 habitants, provinces, territoires, régions métropolitaines de recensement et Police militaire des Forces canadiennes, tableau 35-10-0191-01 publié le 25 juillet 2024, https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3510019101&request_locale=fr.. Les Noirs ont subi la proportion la plus élevée de crimes haineux, soit 36 %, ce qui est plus de 300 % supérieur à la moyenne pour tous les autres groupes raciaux et ethniques combinés7Statistique Canada, “Chart 5: Number of police-reported hate crimes motivated by race or ethnicity, Canada, 2019 to 2023”, « Les crimes haineux déclarés par la police au Canada, 2023 », Graphique 5 : Nombre de crimes haineux déclarés par la police, selon la race ou l’origine ethnique ciblée, Canada, 2019 à 2023, Le Quotidien, 25 mars 2025, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/250325/dq250325a-fra.htm.. Les données provisoires pour la première moitié de 2024 font état de 2 384 crimes haineux, dont 48 % ciblaient la race ou l’appartenance ethnique8Statistique Canada, « Les crimes haineux déclarés par la police au Canada, données provisoires pour 2024 », Le Quotidien, 24 octobre 2024..
  • Le rapport 2023-2024 de la Commission de la fonction publique confirme que les fonctionnaires noirs sont toujours les moins susceptibles d’être embauchés ou promus9Commission de la fonction publique du Canada, Étude sur les taux de promotion des groupes visés par léquité en matière d’emploi—Mise à jour quinquennale, 2025, https://www.canada.ca/fr/commission-fonction-publique/services/publications/open-info/etude-taux-promotion-groupes-vises-equite-matiere-emploi-mise-a-jour-quinquennale-2024.html..
  • En mars 2025, la Cour fédérale a rejeté le Recours collectif noir de 2,5 milliards de dollars; les plaignants ont fait appel10Eleanor A. Vaughan et Sean M. Reginio, Federal Court Dismisses $2.5 Billion Class Action Alleging Systemic Anti-Black Racism in Federal Public Service Hiring Decisions and Promotional Opportunities, Hicks Morley, 24 mars 2025, https://hicksmorley.com/2025/03/24/federal-court-dismisses-2-5-billion-class-action-alleging-systemic-anti-black-racism-in-federal-public-service-hiring-decisions-and-promotional-opportunities/..
  • En juin 2025, la Commission canadienne des droits de la personne a publié une mise à jour de son plan d’action contre le racisme, qui présente des réformes en matière de traitement des plaintes et de recrutement11Commission canadienne des droits de la personne, Mise à jour concernant le travail de lutte contre le racisme de la Commission canadienne des droits de la personne, juin 2025, https://www.ccdp-chrc.gc.ca/ressources/publications/mise-jour-concernant-le-travail-de-lutte-contre-le-racisme-de-la-commission..

Une loi canadienne autonome contre le racisme reste essentielle. Cette loi pourrait notamment intégrer un engagement pangouvernemental en faveur de l’équité raciale, conférer une autorité statutaire à un secrétariat indépendant de lutte contre le racisme, rendre obligatoire la collecte uniforme et cohérente de données désagrégées et exiger des ministères qu’ils agissent en fonction de ces données et des résultats obtenus en matière d’équité.

Le tableau de bord Equi’Vision sur l’équité en matière d’emploi et les travaux en cours de Statistique Canada pour publier des données de recensement et d’enquête ventilées par race confirment la pertinence d’avoir des données solides pour mettre en évidence les inégalités. Toutefois, des lacunes persistent dans les ensembles de données relatives à la justice, à l’immigration et à la santé. Le statut d’immigrant est parfois utilisé à tort et à travers comme indicateur de racisation et d’ethnicité. En 2021, le Canada a lancé et financé un plan d’action sur les données désagrégées, doté d’un budget de 172 millions de dollars sur cinq ans, dont 36,3 millions de dollars sont présentement à l’œuvre12Statistique Canada, Plan d’action sur les données désagrégées, dernière modification le 27 novembre 2024. https://www.statcan.gc.ca/fr/confiance/modernisation/donnees-desagregees.. Ce plan est sur le point de s’achever sans avoir permis de collecter des données ventilées uniformes, cohérentes et comparables dans l’ensemble du gouvernement. Il faut le renouveler et le renforcer, en lui donnant un fondement législatif dans une loi nationale contre le racisme.

Les communautés racisées, en particulier les Noirs, les Autochtones, les Musulmans, les Arabes et les Palestiniens, continuent de signaler une discrimination disproportionnée dans les domaines de l’emploi, des interventions policières, du logement, du financement public et des espaces en ligne. Hormis les subventions ponctuelles, comme le financement du Sommet pancanadien des communautés noires annoncé en janvier 2025, le financement opérationnel de base des organisations de justice sociale dirigées par des Noirs est insuffisant.

Le faible niveau de confiance dans les mécanismes d’application de la loi et de réparation du gouvernement renforce la sous-déclaration et les préjudices cycliques. L’Enquête sociale générale de 2019 sur la sécurité des Canadiens a révélé une disparité importante entre le nombre de crimes haineux rapportés par la police et le nombre d’incidents et de crimes motivés par la haine signalés par les Canadiennes et les Canadiens13Statistique Canada, Enquête sociale générale de 2019 sur la sécurité des Canadiens : rapport technique, dernière modification le 2 juillet 2025. https://www.statcan.gc.ca/fr/programmes-statistiques/document/4504_D1_V1.. Les obstacles systémiques et les préjugés qui subsistent dans le processus de reconnaissance et de traitement des incidents haineux découragent les Autochtones, les Noirs et les autres personnes racisées de signaler le racisme et la haine dont ils sont victimes. L’augmentation du nombre d’incidents haineux, y compris les préjudices en ligne, a des effets sociaux et économiques néfastes sur les individus et les communautés.

Mesures

Le BFA exigera que chaque mesure budgétaire publie les résultats de son évaluation de l’impact sur l’équité raciale.

Le BFA promulguera une loi contre le racisme qui établira un secrétariat indépendant et doté de ressources suffisantes relevant directement du Parlement.

Le BFA modernisera la Loi sur l’équité en matière d’emploi d’ici 2026, en adoptant toutes les recommandations du groupe de travail Blackett et en élargissant les groupes désignés.

Le BFA consacrera au moins 3 % des dépenses de programmes et des acquisitions fédérales à des organisations et entreprises dirigées par des Noirs et d’autres personnes racisées.

Le BFA modifiera les exigences actuelles en matière de rapports sur les contrats gouvernementaux pour les contrats de plus de 10 000 $, afin d’indiquer chaque année si ces contrats ont été attribués à des entreprises ou des groupes dirigés par des Noirs ou d’autres personnes racisées, de la même manière qu’il faut actuellement indiquer si les entreprises ou groupes sont dirigés par des Autochtones.

Le BFA financera entièrement et mettra en œuvre la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires, y compris un financement opérationnel durable pour les organisations de la communauté noire.

Le BFA rendra permanente l’Initiative Appuyer les communautés noires du Canada et élargira l’enveloppe de capital du Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires.

Le BFA rendra obligatoire la collecte uniforme et cohérente et la publication de données ventilées par race dans l’ensemble du gouvernement fédéral, et travaillera avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour améliorer la transparence des données et la production de rapports sur l’équité.

Le BFA modifiera le Code canadien du travail afin de reconnaître explicitement le racisme comme une forme de violence au travail et d’obliger les employeurs à le signaler.

Le BFA annexera à tous les investissements fédéraux d’un montant supérieur à 10 millions de dollars des accords sur les retombées communautaires comprenant des clauses d’embauche et de passation de marchés fondées sur l’égalité raciale.

Le BFA lancera une campagne d’éducation publique sur le racisme visant les Musulmans, les Noirs et les Autochtones, conçue en collaboration avec les communautés concernées.

Le BFA réalisera une étude indépendante sur les réponses de la police aux crimes haineux et au profilage racial.

Le BFA réintroduira le projet de loi C-63 afin de promulguer une loi sur les préjudices en ligne qui luttera contre la haine en ligne tout en protégeant la liberté d’expression.

Le BFA demandera à la Commission canadienne des droits de la personne de publier des données ventilées sur le racisme subi par les personnes noires au sein de son personnel, ainsi que sur le traitement des plaintes, afin de garantir la transparence, la responsabilité et le rétablissement de la confiance du public.