Résumé

Nous en sommes à notre dixième sondage annuel sur les frais de garde à l’enfance et sans doute au dernier en son genre puisque le Canada progresse rapidement vers un régime de tarifs fixés et beaucoup moins élevés. Dans l’optique de la prochaine étape importante de réduction des frais de garde du Programme pancanadien d’apprentissage et garde de jeunes enfants (PPAGJE), qui est prévue en avril 2026—les frais de garde moyens passant à 10 $ par jour pour tous les enfants âgés de 0 à 5 ans, nous voulions faire le point pour voir dans quelle mesure les frais de garde perçus actuellement sont près (ou loin) d’atteindre cet objectif.

Comme par les années passées, notre sondage a aussi évalué les progrès réalisés au chapitre de l’abordabilité des services de garde offerts à temps plein en garderies agréées et en services de garde en milieu familial réglementés aux poupons, aux bambins et aux enfants d’âge préscolaire (jusqu’à la fréquentation de la maternelle). Notre sondage téléphonique nous a permis de recueillir des données sur les frais de garde dans 37 villes au Canada et sur d’autres facteurs, y compris sur les variations de tarifs depuis l’avènement en 2021 du Programme pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (PPAGJE).

La plupart des provinces et territoires ont des tarifs fixés, mais nous n’en sommes pas encore à des frais de garde à 10 $ par jour

Les réductions de frais de garde vont bon train dans toutes les provinces et tous les territoires. Toutefois, en avril 2026, beaucoup de parents dont les enfants fréquentent des services de garde financés dans le cadre du PPAGJE devront débourser plus que les 10 $ par jour visés.

Il faut cependant souligner que l’objectif du gouvernement fédéral : « d’un tarif moyen de 10 $ par jour » est bien différent « d’un tarif maximum de 10 $ par jour ». La « moyenne » ne donne pas le même niveau de transparence que le tarif fixé ou limité (plafonné). Ainsi, certains parents pourraient devoir débourser des frais de garde plus élevés que 10 $ par jour.

L’absence de détails sur la réduction ultime prévue en avril 2026 pour atteindre même un « tarif moyen à 10 $ par jour » en Alberta, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique est ce qui nous inquiète le plus. Au moment de la publication de notre rapport, il n’y avait pas de précisions sur la façon dont les tarifs allaient changer dans ces provinces par rapport à ce qu’ils étaient en avril 2025 ou même s’ils allaient changer.

Principaux constats

  • Six provinces et territoires ont déjà atteint ou excédé l’objectif du PPAGJE pour avril 2026 de frais de garde à 10 $ par jour : Nunavut, Saskatchewan, Manitoba, Québec, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador.
  • Dans neuf provinces et territoires, on a adopté un régime de tarifs fixés. Ce qui comprend les six provinces et territoires susmentionnés où les frais de garde sont déjà à 10 $ par jour, mais également le Nouveau-Brunswick, l’Alberta et l’Ontario où les tarifs sont fixés, mais plus élevés que 10 $ par jour. Aussi, la Colombie-Britannique compte une minorité de places à 10 $ par jour.
  • Les provinces et territoires qui ont conservé un régime de tarifs au prix courant du marché, mais qui les réduisent d’un montant fixe sont le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique (les tarifs de la plupart des places en C.-B. sont au prix courant du marché).
  • Dans les villes de l’Ontario, à titre d’exemple, les frais de garde pour poupons sont à 22 $ par jour—deux fois plus élevés que l’objectif pour 2026.
  • L’Alberta a adopté la formule des tarifs fixés, mais à 326,25 $ par mois (ou 15,03 $ par jour), les frais de garde sont loin de l’objectif de 10 $ par jour.
  • Les villes où s’applique un régime de tarifs au prix courant du marché affichent les frais de garde médians pour poupons les plus élevés. Par exemple, Richmond en C.-B. remporte la palme des frais de garde pour poupons les plus élevés à 46 $ par jour, suivie de près par la ville de Surrey en C.-B. à 39 $ par jour, soit quatre fois l’objectif de 10 $ par jour.
  • Dans onze villes, les frais de garde pour enfants d’âge préscolaire sont déjà à 10 $ par jour ou moins. Mais une fois de plus, les frais de garde dans les villes de la C.-B. sont beaucoup plus élevés que l’objectif. Richmond se démarque avec des frais de garde médians pour enfants d’âge préscolaire de 39 $ par jour. Par contre, la médiane de 29 $ par jour de Vancouver pour les enfants d’âge préscolaire est moins élevée, car elle tire parti du programme provincial à 10 $ par jour.
  • Dans toutes les villes, des parents ont réalisé des économies sur les places pour poupons en 2025 par rapport à 2019 ou 2020. Les économies étaient moindres (moins de 200 $ par mois) dans les villes de Richmond et de Surrey en C.-B. Elles étaient les plus élevées pour les places poupons à Toronto, dans ses banlieues, ainsi qu’à Iqaluit (plus de 1 000 $ par mois).
  • Dans la catégorie des enfants d’âge préscolaire, les plus grandes économies réalisées entre 2019 ou 2020 et 2025 ont été de loin à Iqaluit, où les parents ont économisé un peu moins de 1 000 $ par enfant. Les parents à Toronto et dans ses banlieues économisent maintenant environ 700 $ par mois par rapport à 2020, et les parents de Calgary qui ont des enfants d’âge préscolaire économisent un peu plus de 700 $ par mois par rapport à 2019.
  • Une fois de plus, les parents de Richmond et de Surrey en Colombie-Britannique sont ceux qui économisent le moins, soit un peu plus de 100 $ par mois à Richmond et environ 200 $ par mois à Surrey.
  • Alors que dans la plupart des villes, les frais de garde ont à nouveau diminué depuis décembre 2022, dans les villes de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse, ils ont plutôt augmenté. Les montants fixes versés pour réduire les frais de garde n’ont pas changé depuis décembre 2022. Entretemps, les tarifs au prix courant sous-jacent du marché ont continué d’augmenter, grugeant d’autant les économies des parents.

Généralement, plus les frais de garde étaient élevés au départ, plus les économies découlant des réductions imputables au PPAGJE sont considérables. Et lorsque les économies sont moindres, en général, c’est parce la province ou le territoire avait un meilleur programme avant l’avènement du PPAGJE.

Dans sa phase finale, le PPAGJE devra s’attaquer à un deuxième problème, plus compliqué à résoudre, c’est-à-dire répondre à la demande beaucoup plus importante de services de garde à tarifs moins élevés. Il faudra procéder rapidement à la création de nouvelles places tout en gardant à l’esprit l’équité—afin d’accroître l’accès dans les déserts de services de garde. Pour y parvenir, il faudra que le développement et l’expansion des services soient dirigés et financés par les pouvoirs publics, comme le sont l’école de la maternelle à la douzième année et le système de santé. Le recrutement d’éducatrices et d’éducateurs de la petite enfance fait partie de la donne, mais la rétention des employés actuels également. Les tarifs fixés sont la solution pour que les frais de garde soient moins élevés, mais les salaires déterminés dans des grilles salariales sont vraisemblablement la solution pour avoir le personnel nécessaire au développement et à l’expansion des réseaux.

Introduction : Comment en est-on arrivé ici?

Il y a maintenant cinq ans, ce printemps, la plupart des lieux publics étaient fermés. Le Canada était en pleine pandémie de COVID-19. Rapidement, il est devenu évident que la distribution efficace d’aliments et de biens élémentaires, un système de transport opérationnel et l’accès aux soins de santé étaient des services essentiels au bien-être fondamental de la population, à la santé publique et à l’économie. Et, comme la plupart des services de garde à l’enfance avaient été fermés par les autorités de la santé publique, il est également devenu tout aussi évident que la garde à l’enfance pour soutenir les parents qui fournissaient ces biens et ces services s’avérait également un service essentiel.

Il a fallu que le Canada traverse une pandémie au 21e siècle pour mettre en évidence le paradoxe des services de garde, montrant à la fois la fragilité de l’offre au Canada et le rôle crucial de services de garde fiables pour l’activité économique de notre pays. Cette période a puissamment démontré qu’il n’était pas juste « agréable » d’avoir des services de garde—en réalité, les parents dont le travail était essentiel et ceux qui travaillaient à domicile avaient du mal à pouvoir travailler sans ce service. Les années de la pandémie ont aussi mis en relief les écueils résultant de l’échec de longue date du Canada à créer un système public de services de garde à l’enfance pour régler les problèmes de garde d’enfants, comme l’ont fait de nombreux autres pays de l’OCDE au cours des 30 dernières années.

Nous voilà cinq années plus tard et les services de garde à l’enfance au Canada ont changé de façon spectaculaire et substantielle. La pandémie a engendré une prise de conscience généralisée de l’importance de services de garde abordables et fiables pour la prospérité du pays. Ce qui a pavé la voie à la décision du gouvernement fédéral d’appuyer une ambitieuse initiative pancanadienne de services de garde à l’enfance, la première à passer le cap de l’intention au déploiement.

Plan pour des services de garde à 10 $ par jour et frais de garde

Dans son budget de 2021, le gouvernement fédéral a annoncé l’historique Programme pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (PPAGJE) (ou plan à 10 $/jour), assorti d’une enveloppe financière pluriannuelle substantielle. Dans l’année qui a suivi, les provinces et les territoires ont tous souscrit à l’initiative, acceptant de collaborer (bien qu’à niveaux variés d’enthousiasme) avec le gouvernement fédéral à la transformation du marché canadien des services de garde à l’enfance en un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Les gouvernements provinciaux et territoriaux avaient tous signé en mars 2022 un accord et déposé une première série de plans d’action acceptés par les deux ordres de gouvernement.

Le PPAGJE a été lancé par le gouvernement fédéral et la responsabilité est partagée par les provinces, les territoires et les corps dirigeants autochtones.1En fonction des rôles et des responsabilités constitutionnels pour les programmes sociaux et des engagements en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. La responsabilité principale pour la mise en œuvre du PPAGJE incombe à ces instances. Le gouvernement fédéral, quant à lui, fournit une bonne partie du financement et détermine les considérations stratégiques de haut niveau, comme il le fait pour le régime public d’assurance-maladie, le logement et les autres programmes sociaux de compétence provinciale ou territoriale.

Le budget 2021 promettait rien de moins que la transformation des services de garde d’enfants au Canada. On y définissait une vision et on s’engageait à mettre en place un système universel, accessible « à tous » et fondé sur les principes d’abordabilité, d’accessibilité, de qualité, de flexibilité et d’inclusion. Ces principes ont été enchâssés dans la première loi canadienne sur la garde d’enfants, qui a été promulguée en mars 2024.

Le gouvernement fédéral a pour objectif global de « veiller à ce que toutes les familles aient accès à un apprentissage et à des services de garde des jeunes enfants qui soient souples, abordables et de haute qualité, peu importe où elles vivent ». Il s’agit « d’un plan qui vise à stimuler la croissance économique, à assurer la place des femmes dans la population active et à donner le même départ à chaque enfant canadien ».2Ministère des Finances du Canada Budget 2021 : une relance axée sur les emplois, la croissance et la résilience Gouvernement du Canada, 19 avril 2021, p. 101 https://www.budget.canada.ca/2021/report-rapport/p2-fr.html

Les frais de garde déboursés par les parents ont été le premier écueil auquel s’est attaqué le PPAGJE. La stratégie s’articulait autour de deux objectifs initiaux. Pour le premier objectif, le gouvernement fédéral exigeait que les provinces et territoires réduisent les frais de garde de 50 pour cent (en moyenne) au plus tard en décembre 2022—l’année de référence étant 2019 (sauf pour l’Ontario qui n’a adhéré au plan qu’en 2022—par conséquent, dans son cas, l’année de référence était 2020). Pour le deuxième objectif, les provinces et territoires devaient réduire les frais de garde à 10 $ par jour « en moyenne » au plus tard en avril 2026.

Où en est-on en 2025? Les frais de garde ont chuté de façon radicale partout. Le financement fédéral les a remplacés devenant la principale source de revenus dans le budget des garderies. De nouveaux services de garde ont été créés, pour une augmentation d’environ 150 000 places autorisées depuis 2019. Les faibles salaires et les conditions de travail médiocres de la main-d’œuvre des services de garde—socle classique du fonctionnement des services de garde—ont enfin été reconnus comme un obstacle à la qualité des services et à l’expansion des réseaux. Le règlement de ces problèmes de main-d’œuvre a commencé, mais il reste beaucoup à faire.

À propos de nos rapports de sondages annuels sur les frais de garde

Le Centre canadien de politiques alternatives effectue annuellement depuis plus d’une décennie maintenant—soit de 2014 à 2025—des sondages sur les frais de garde d’enfants. Lorsque nous avons commencé en 2014, le Canada se classait en queue de peloton des pays de l’OCDE en matière de garde d’enfants et l’idée d’un système de services de garde à l’enfance abordables et accessibles ici était de l’ordre du rêve. Dans notre rapport du sondage de 2014, nous écrivions : « En dépit d’une concentration élevée de mères actives sur le marché du travail, tous les rapports indiquent que le Canada investit très peu dans les services éducatifs et de garde à l’enfance (SEGE) à comparer aux autres pays de l’OCDE. Les dépenses du Canada en SEGE se situent quelque part entre 0,2 pour cent et 0,34 pour cent de son PIB, extrêmement bas dans le meilleur des cas. Au mieux, le Canada dépense la moitié de la moyenne des pays de l’OCDE et un tiers du minimum recommandé d’un pour cent du PIB pour les enfants âgés de 0 à 5 ans ».3David Macdonald et Martha Friendly, The Parent Trap: Child Care, Taxes and Rhetoric (Ottawa : Centre canadien de politiques alternatives, novembre 2014), https://www.policyalternatives.ca/news-research/the-parent-trap/.

Nos sondages sur les frais de garde sont annuels et les données recueillies sont les seules disponibles sur les frais de garde à l’échelle du Canada. Nous recueillons des données uniquement dans les grandes villes, mais elles représentent la moitié des places en services de garde au Canada. Nous utilisons aussi le sondage pour recueillir et analyser des données limitées sur des questions connexes : frais de garde en milieu rural; listes d’attente des garderies; facturation supplémentaire (frais d’inscription à une liste d’attente); et possibilités d’expansion.

Après notre sondage de 20194David Macdonald et Martha Friendly, « En évolution : Les frais de garde d’enfants au Canada en 2019 » (Ottawa: Centre canadien de politiques alternatives, 2020), , qui s’est déroulé quelque temps avant le début de la pandémie, nous avions noté dans notre rapport « qu’une des forces de ces sondages [était] qu’une méthode uniforme de collecte de données [était] utilisée au fil des ans de sorte que des comparaisons [étaient] possibles d’une année à l’autre ». Par conséquent, nous pouvions témoigner des hausses locales de frais de garde, lesquelles étaient habituellement plus élevées que le taux d’inflation.

Le nombre de villes incluses dans l’analyse de 2019 était passé des vingt plus grandes villes originales (en fonction de leur population) à trente-sept villes, dont au moins une était située dans chaque province et chaque territoire. Le sondage de 2019 incluait également, pour une première fois, des questions sur le régime de propriété des garderies (à savoir si elles étaient à but non lucratif, à but lucratif ou publiques). Ces données indiquèrent que le régime de propriété faisait une différence sur le plan de l’abordabilité, les frais de garde dans les garderies à but lucratif étant presque toujours plus élevés que les frais de garde médians. Parfois, l’écart était mince et d’autres fois, important.

Nous avions conclu dans notre rapport de cette année-là que « les frais de garde les moins élevés observés dans certaines provinces au Canada [étaient] le résultat de politiques publiques plutôt que de pressions exercées par le marché ». Et que cela « [démontrait] aussi le rôle que jouent au chapitre des frais de garde certains volets des politiques publiques, notamment la réglementation des tarifs, le régime de propriété des garderies et le niveau de financement public ».

Sautant rapidement quelques années, nous arrivons au sondage sur les frais de garde de 20225David Macdonald et Martha Friendly, Mesurer ce qui compte : Évaluer les progrès en vue de doter le Canada de services de garde à l’enfance à 10 $/jour pour tous (Ottawa: Centre canadien de politiques alternatives, 2020), https://www.policyalternatives.ca/news-research/mesurer-ce-qui-compte/, le premier dans lequel l’effet sur les frais de garde du nouveau programme à 10 $ par jour était clairement évident. Dans le rapport de cette année-là, nous avons évalué les progrès réalisés en vue d’atteindre l’objectif du PPAGJE de réduire de 50 pour cent des frais de garde pour les poupons, les bambins et les enfants d’âge préscolaire (jusqu’à l’âge de la fréquentation de la maternelle). Nous avons également analysé les variations des frais de garde depuis l’avènement du PPAGJE et trouvé que les données de cette année-là montraient « que le Canada [était] sur la bonne voie dans sa volonté d’accroître l’abordabilité des services de garde » puisque la moitié des villes hors Québec atteignait ou excédait l’objectif initial de réduire de 50 pour cent les frais de garde au pays. À l’époque, sept provinces avaient opté pour un régime de tarifs fixés et cinq (incluant le Québec) avaient déjà atteint sinon avaient dépassé l’objectif visé pour 2026 de 10 $ par jour.

Étant donné que la mise en œuvre du nouveau PPAGJE était en cours, l’analyse des données sur les frais de garde permettait de recenser les politiques les plus efficaces. Ainsi, dans le rapport du sondage sur les frais de garde de 2023, en fonction des données et de nos analyses des sondages depuis 2014, nous avons formulé les recommandations suivantes6idem :

1. Mettre rapidement en place un régime à tarifs fixés dans toutes les provinces et tous les territoires et, par la suite, d’ici 2025–2026, réduire ces tarifs à 10 $ par jour au maximum pour les rendre plus transparents, efficaces, simples du point de vue administratif et équitables. Cette transformation doit s’accompagner de mécanismes d’ajustement basés sur le revenu des parents et remplacer les programmes actuels de subventions individuelles pour frais de garde.

2. Que chaque province et chaque territoire élaborent des stratégies de développement (expansion) concrètes pour créer, en fonction d’objectifs convenus, des places à tarifs abordables dans les secteurs des services de garde publics et des services de garde sans but lucratif.

3. Que les gouvernements priorisent les services de garde sans but lucratif en restreignant le développement (expansion) aux secteurs des services de garde publics et à but non lucratif et en mettant en place des mécanismes de reddition de comptes pour appuyer cette volonté.

4. Que le financement public devienne la principale source de revenus des services de garde, les fonds publics remplaçant les recettes provenant des frais de garde versés par les parents. Les modèles de financement nécessaires au bon fonctionnement des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants au pays n’ont pas encore été mis en place. La nouvelle formule de subvention de fonctionnement doit prévoir des fonds suffisants pour améliorer la rémunération de la main-d’œuvre.

Sur quoi porte le présent rapport

Nous en sommes à notre dixième sondage annuel sur les frais de garde et ce sera sans doute le dernier, car le Canada se dirige rapidement vers un régime à tarifs fixés.

Avril 2026 marquera la prochaine étape importante de réduction des frais de garde, soit environ un an après la publication du présent rapport. Il faut donc faire le point et examiner dans quelle mesure nous sommes proches ou encore loin d’atteindre le deuxième objectif de réduction des frais de garde, soit un tarif moyen de 10 $ par jour pour tous les enfants âgés de 0 à 6 ans.

Il est important de mentionner que l’objectif du gouvernement fédéral d’un « tarif moyen de 10 $ par jour »7À titre d’exemple, voir : Accord entre le Canada et l’Ontario sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada—2021 à 2026 https://www.canada.ca/fr/accord-apprentissage-garde-jeunes-enfants/accords-provinces-territoires/ontario-echelle-canada-2021.html est bien différent de l’objectif « d’un tarif maximum de 10 $ par jour ». Dans notre rapport de 2022, nous avons souligné que la « moyenne » était un concept imprécis et problématique.

La moyenne suggère un tarif moyen dans toute la province ou tout le territoire, mais un tarif moyen pourrait aussi être déterminé à l’échelle régionale. La moyenne pourrait également signifier différents tarifs selon le groupe d’âge de l’enfant, de sorte que les frais de garde pour poupons pourraient demeurer plus élevés que ceux des enfants d’âge préscolaire. Ou encore, la moyenne pourrait signifier des tarifs différents en fonction du revenu familial, de sorte que les frais de garde payés par les parents à faible revenu pourraient être inférieurs à ceux des parents à revenu élevé. Ces façons de faire ont différents avantages et problèmes et elles auront toute bien sûr une incidence différente sur la réduction des frais de garde dans la perspective à la fois d’atteindre les objectifs du gouvernement fédéral et de répondre aux besoins des familles.8David Macdonald and Martha Friendly, Changer les règles du jeu : les effets du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants sur les frais de garde d’enfants au Canada. Centre canadien de politiques alternatives, 2022) https://policyalternatives.ca/wp-content/uploads/attachments/Game%20changer.pdf

Qu’est-ce que cela signifie en termes concrets? La « moyenne » ne donne pas le même niveau de transparence que le tarif fixé ou limité (plafonné). Certains parents pourraient continuer de payer plus cher leurs services de garde selon l’endroit où ils vivent ou l’âge de leur enfant. Comme nous l’abordons ci-dessous, certaines provinces et certains territoires adoptent l’approche de la « moyenne » alors que d’autres fixent à 10 $ par jour pour tous leurs frais de garde. Et la plupart des provinces/territoires qui adoptent le tarif à 10 $ par jour fournissent également une subvention aux parents à faible revenu qui sont admissibles.

Dans notre rapport annuel du sondage sur les frais de garde de 2023, nous avons présenté quatre approches utilisées par les provinces et territoires pour réduire les frais de garde.9David Macdonald et Martha Friendly, Mesurer ce qui compte : Évaluer les progrès en vue de doter le Canada de services de garde à l’enfance à 10 $/jour pour tous (Ottawa, Centre canadien de politiques alternatives, 2023), p. 20, tableau 1 https://www.policyalternatives.ca/news-research/mesurer-ce-qui-compte/ Maintenant, en 2025, ces quatre approches ont été réduites à deux :

1. Passer d’un modèle de tarifs au prix courant du marché à un régime de tarifs fixés par le gouvernement provincial ou territorial

Fixer les tarifs ou établir un tarif maximum est l’approche la plus transparente et la plus facile à comprendre pour les parents. Peu importe le service de garde utilisé, le tarif est le même. Neuf des treize provinces et territoires utilisent cette approche, comme on peut le voir dans le tableau 1. La Colombie-Britannique a recours à cette approche ainsi qu’à la deuxième.

Le régime à tarifs fixés par la province ou le territoire fonctionne bien pour les fournisseurs de services de garde s’il est accompagné de subventions de fonctionnement fondées sur le coût de fournir des services de garde de qualité élevée. Une formule de financement efficace fait en sorte que les coûts liés à la prestation de services de garde de qualité élevée sont couverts de façon juste et équitable.

Les tarifs fixés à l’échelle provinciale rendent les services plus abordables, mais uniquement si les frais de garde maximums sont peu élevés et s’il y a d’autres mesures en place pour faire en sorte que les ménages à faible revenu paient moins que le tarif maximum ou reçoivent les services gratuitement.

2. Réduire d’un montant fixe les tarifs au prix courant du marché

En vertu de cette deuxième approche, la province ou le territoire paie un montant fixe pour réduire les tarifs au prix courant du marché. Ce qui signifie que les frais de garde déboursés par les parents diffèrent en fonction du fournisseur, mais ces frais de garde sont tous réduits d’un même montant. Pour certains gouvernements provinciaux et territoriaux, cette approche sert peut-être d’étape intermédiaire afin de réduire rapidement les frais de garde avant d’en arriver à un régime à tarifs fixés. Toutefois, les frais de garde que doivent payer les parents varient et ne sont pas 10 $ par jour.

Trois des treize provinces et territoires utilisent cette approche, comme on peut le voir dans le tableau 2. La Colombie-Britannique a recours à cette approche ainsi qu’à la première.

Ni l’une ni l’autre de ces approches ne rend nécessairement les frais de garde plus abordables

Les tarifs peuvent être fixés par la province ou le territoire et néanmoins l’être à un niveau plus élevé (comme en Ontario à 22 $ par jour). Ou ils peuvent être fixés par le gouvernement, mais variables selon l’âge ou la région (comme au Nouveau-Brunswick). Ou les tarifs au prix courant du marché peuvent être réduits d’un montant fixe important (comme au Yukon). En 2019, les mécanismes de réduction des frais de garde et les tarifs au prix courant du marché dans les provinces et territoires variaient beaucoup. Ce qui peut signifier, comme nous le verrons ci-dessous, que même si leurs frais de garde ne sont pas de 10 $ par jour en 2025, la réduction de ceux-ci depuis 2019 peut avoir été considérable.

Les tableaux 1 et 2 illustrent les régimes de tarifs en vigueur dans les provinces et territoires en 2019 et en avril 2025.

Dans le sondage de cette année, nous nous sommes concentrés sur les villes dans les provinces et territoires où s’appliquent principalement les tarifs au prix courant du marché. Pour déterminer les frais de garde médians dans ces villes, nous avons mené un sondage au téléphone et par Internet auprès des fournisseurs de services de garde détenteurs de permis dans ces villes (à la fois les garderies et les services de garde en milieu familial). Le sondage téléphonique s’est déroulé de novembre à décembre 2024.

Dans les données qui suivent, nous avons présumé que les tarifs au prix courant du marché avaient peu changé entre la tenue du sondage et avril 2025. Nous avons reporté la date de notre analyse en avril 2025 parce que nous voulions rendre compte du passage au régime à tarifs fixés en Ontario et en Alberta, ce qui est survenu respectivement en janvier 2025 et en avril 2025. Tous les tarifs dont il est question dans le présent rapport sont pour des places à temps plein et sur une journée entière en garderie et en milieu familial. Les tarifs de places en demi-journée en jardin d’enfants et prématernelle ne sont pas inclus, ni les tarifs pour la garde parascolaire (avant et après l’école).

Frais de garde moyens par groupe d’âge en avril 2025

Il existe deux mesures de tendance centrale : la moyenne et la médiane. Pour représenter le mieux possible le tarif que paient les parents dans une ville donnée, l’une ou l’autre peut être utilisée. Pour établir le tarif moyen, il faut additionner tous les tarifs de chaque place prise individuellement et diviser le total par ce nombre de places. Pour cela, il faut connaître tous les tarifs; la moyenne peut par ailleurs être influencée par un nombre important de tarifs élevés.

Pour établir le tarif médian, il faut classer toutes les places en services de garde dans une ville donnée en fonction de leurs tarifs, puis s’arrêter à la place située en plein centre—le tarif de cette place est le tarif médian. Le tarif médian tout comme le tarif moyen peut aussi être influencé par les tarifs très élevés. Aussi, il n’est pas nécessaire de connaître tous les tarifs d’une ville pour obtenir la médiane; on n’a qu’à connaître les 50 % de tarifs les moins élevés. Dans les villes des provinces qui ont adopté le modèle à tarifs fixés, nous savons que ces tarifs seront les plus bas, même si certaines garderies ne participent pas au régime et si leurs tarifs correspondent au prix courant du marché. Ainsi, si au moins la moitié des places dans une ville sont à tarif fixé, le tarif de cette place qui se trouve en plein centre de la fourchette sera également le tarif fixé. En d’autres termes, le tarif fixé est le tarif médian.

Dans le cas de la Colombie-Britannique, seulement dix pour cent des places environ dans la province participent au programme à 10 $ par jour. Donc, le tarif médian n’est pas de 10 $ par jour. Toutefois, plus il y a de places dans une ville qui participent au programme à 10 $ par jour, généralement plus le tarif médian sera bas.

Au Québec, le tarif de la plupart des services de garde est fixé à 9,35 $ par jour, mais il y des garderies dont les tarifs sont au prix courant du marché. Dans certaines villes, les garderies au prix courant du marché regroupent une minorité appréciable de places autorisées. À Laval, par exemple, 37 pour cent des places sont au tarif courant du marché. Par contre, ces garderies ne regroupent jamais plus de la moitié des places, de sorte que le tarif fixé est la médiane.

Pour les villes où la province ou le territoire réduit les tarifs au prix courant du marché, c’est-à-dire où le gouvernement paie un montant fixe pour réduire le tarif demandé, le tarif médian a été calculé d’abord en déterminant le plein tarif au prix courant du marché puis en soustrayant la contribution provinciale pour créer une nouvelle médiane pondérée.

En tenant compte des données du tableau 1, les graphiques 1 et 2 montrent dans quelle mesure chaque ville est proche d’atteindre le tarif médian de 10 $ par jour en avril 2025.

Dans un système fondé sur le marché, ce sont les frais de garde pour poupons qui sont les plus élevés. Par poupons, on entend généralement les enfants âgés de moins de deux ans (la définition précise varie quelque peu selon la province ou le territoire). Les services de garde pour poupons coûtent plus cher, car il demande plus de personnel. Ainsi, dans un système fondé sur le marché, cette dépense de personnel augmente les coûts d’exploitation.

Toutefois, dans un régime à tarifs fixés, les frais de garde pour poupons sont habituellement les mêmes que pour les autres groupes d’âge (plusieurs provinces au régime de tarifs fixés sont passées d’un tarif fixé lié à l’âge à un tarif unique, tous groupes d’âge confondus). Cette transition a eu pour effet de diminuer considérablement les frais de garde pour poupons, comme nous le verrons ci-dessous pour l’Ontario. Malheureusement, il y a généralement peu de places pour poupons à comparer au nombre réel de poupons, ce qui fait que le taux de couverture des poupons est très inférieur à celui des enfants plus âgés.

En avril 2025, dans onze des villes dont il est question dans notre rapport, les tarifs pour poupons étaient déjà à 10 $ par jour ou moins. Ces villes incluaient les cinq villes du Québec (à 9,35 $ par jour10Notez que les frais de garde au Québec sont indexés; ils augmentent le 1er janvier chaque année.) ainsi que Charlottetown, Winnipeg, St. John’s, Saskatoon, Regina et Iqaluit.

Il convient de noter que dans toutes les villes où s’appliquait déjà en 2019 le modèle des tarifs fixés, les frais de garde étaient à 10 $ par jour en avril 2025. Nous en déduisons que l’administration d’un régime à tarifs fixés a facilité et accéléré la transition de la province ou du territoire à un tarif fixe de 10 $ par jour, voire plus bas.

Maintenant, dans presque toutes les villes sondées, les frais de garde pour poupons sont à tarif fixé, mais dans certains cas ils sont plus élevés que 10 $ par jour. Par exemple, dans les villes de l’Ontario, les frais de garde pour poupons sont de 22 $ par jour—deux fois plus élevés que l’objectif pour 2026 du gouvernement fédéral. L’Alberta a adopté le modèle de tarif fixé à 326,25 $ par mois (ou 15,03 $ par jour) et les tarifs fixés au Nouveau-Brunswick varient en fonction des groupes d’âge et de la région.

Les villes où s’appliquent encore les tarifs au prix courant du marché affichent les frais de garde médians pour poupons les plus élevés, et ce, malgré les montants fixes versés au nom des parents par les provinces et territoires pour réduire leurs frais de garde. Richmond en C.-B. se trouve au sommet de la pyramide des frais de garde les plus élevés pour poupons à 46 $ par jour, soit plus de quatre fois l’objectif de 10 $ par jour du PPAGJE. À Surrey en C.-B., les frais de garde pour poupons ne sont que légèrement moins chers à 39 $ par jour. En C.-B., un pourcentage relativement élevé des places à Vancouver participent au programme provincial de places à 10 $ par jour, ce qui réduit quelque peu la médiane dans cette ville. Kelowna complète les villes de la C.-B., avec un tarif médian pour poupons de 24 $ par jour. Ce qui ressemble à Halifax, une ville également dans une province au régime de tarifs au prix courant du marché.

Dans les années précédentes, nous publions les frais de garde pour bambins (enfants âgés approximativement d’un an et demi à deux ou trois ans). Par contre, il est moins pertinent de le faire cette année, car dans une majorité de provinces et de territoires, les gouvernements ont adopté un tarif fixé unique pour tous les groupes d’âge, comme mentionné précédemment. Cela étant, nous passons directement aux frais de garde pour enfants d’âge préscolaire, c’est-à-dire les enfants âgés de deux à trois ans environ jusqu’à l’âge de la fréquentation de la maternelle.

Dans les régimes de tarifs au prix courant du marché, lesquels étaient prédominants avant le PPAGJE, les frais de garde pour enfants d’âge préscolaire étaient inférieurs à ceux pour poupons, car leurs soins exigent moins de personnel que les poupons. Quoique, les régimes à tarifs fixés pour la plupart estompent cette différence et fixent les tarifs au même montant sans égard à l’âge des enfants.

Aussi, les places pour les enfants d’âge préscolaire étaient plus nombreuses. Beaucoup de parents restent à la maison avec leur enfant pour une partie de sa première année de vie et parfois jusqu’à l’âge de 18 mois (politique de congé parental) puis ils retournent au travail. Ce qui signifie que les garderies sont plus enclines à se spécialiser dans les places qui entraînent moins de coûts et pour lesquelles la demande est plus élevée. Aussi, les parents sont plus susceptibles de rechercher la socialisation que procure la garderie pour un enfant d’âge préscolaire que pour un poupon.

Le graphique 2 nous indique que les frais de garde pour enfants d’âge préscolaire dans onze villes ont déjà atteint l’objectif de 10 $ par jour ou moins. En fait, les frais de garde dans les villes au Québec à 9,35 $ par jour pour ce groupe d’âge sont légèrement inférieurs à l’objectif. Quant aux villes de la C.-B., leurs frais de garde sont encore bien au-dessus de l’objectif. La ville de Richmond se démarque avec des frais de garde médians pour enfants d’âge préscolaire de 39 $ par jour, presque quatre fois plus chers que l’objectif de 10 $ par jour. Vancouver a l’avantage qu’une grande partie de ses places pour enfants d’âge préscolaire font partie du programme à 10 $ par jour de la C.-B., ce qui fait baisser le tarif médian dans la ville. Il reste que la médiane demeure à 29 $ par jour, presque trois fois l’objectif pour 2026.

Économies des parents en 2025 par rapport à 2019

Généralement, plus les frais de garde étaient élevés au départ, plus les économies découlant des réductions imputables au PPAGJE sont considérables. Dans les provinces et territoires où les frais de garde étaient plus contrôlés par des interventions gouvernementales, les économies ont manifestement été moindres. Et si les économies étaient moindres, en général, c’est parce la province ou le territoire avait un meilleur programme avant l’avènement du PPAGJE.

Comme l’indique le tableau 1, les points de départ des provinces et territoires étaient très différents en matière d’abordabilité. En 2019, quatre provinces (Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec et le Manitoba) avaient déjà adopté les tarifs fixés, quoique, sauf au Québec, toutes affichaient des tarifs de beaucoup supérieurs à 10 $ par jour. Par contre, à comparer aux tarifs au prix courant du marché dans la plupart des villes, les tarifs fixés dans ces provinces étaient beaucoup plus bas. Par conséquent, les économies imputables après 2019 aux réductions de frais de garde du PPAGJE dans les villes qui avaient déjà adopté les tarifs fixés étaient moindres pour les familles dans ces villes comparativement aux économies des familles d’autres provinces.

En revanche, les grandes villes en Ontario et en Alberta, ainsi que la ville d’Iqaluit, affichaient des tarifs au prix courant du marché très élevés en 2019 et 2020, notamment pour les groupes d’enfants plus jeunes. Leur passage à un régime à tarifs fixés au début de 2025 a donc engendré des économies beaucoup plus importantes pour les parents, même si leurs frais de garde demeurent parmi les plus élevés aujourd’hui, comme l’indiquent les graphiques 2 et 3.

Le graphique 3 illustre les variations des tarifs médians mensuels entre l’année de référence 2019 du PPAGJE (ou 2020 pour l’Ontario) et le mois d’avril 2025. En 2020, les frais de garde pour poupons dans le régime de marché de la ville de Toronto étaient de loin les plus élevés au pays. Les villes des banlieues de la grande agglomération de Toronto et la ville d’Iqaluit suivaient de près avant le début du PPAGJE. Après le passage en Ontario au tarif de 22 $ par jour en janvier 2025, les parents de Toronto ont eu droit à des économies considérables, même si les frais de garde ne sont pas encore à 10 $ par jour. À comparer au tarif médian d’une place pour poupons en 2020, les parents de Toronto économisaient 1 385 $ par mois en 2025. Dans les villes de Mississauga, Richmond Hill, Brampton et Vaughan en banlieue de Toronto, les économies entre 2019 et 2025 atteignaient approximativement 1 000 $ par mois pour une place pour poupons. Les parents d’Iqaluit ont aussi eu droit à des économies de 1 000 $ par mois lorsque leurs frais de garde sont passés à 10 $ par jour.

À l’autre extrémité, dans les villes du Québec, le tarif fixé pour poupons a augmenté de 24 $ par mois par rapport à 2019 (car les tarifs sont indexés chaque année par le gouvernement provincial), mais il demeure inférieur à 10 $ par jour. Notons une fois de plus qu’en vertu de l’accord asymétrique du Québec dans le cadre du PPAGJE, la province n’était pas tenue de réduire ses frais de garde, qui étaient déjà moins élevés que partout ailleurs au pays.

Autrement, les parents de toutes les villes ont économisé sur les places pour poupons en 2025 à comparer à 2019 ou 2020, quoique certaines de ces économies étaient inférieures à 200 $ par mois à Richmond et Surrey en Colombie-Britannique.

Les variations dans les frais de garde pour enfants d’âge préscolaire touchent plus de parents que les variations pour les bambins et les poupons, car les places pour les enfants de ce groupe d’âge sont beaucoup plus nombreuses. En outre, les tarifs pour enfants d’âge préscolaire étaient moins élevés au départ dans les systèmes provinciaux et territoriaux d’avant 2019, lesquels étaient principalement des régimes de marché. De sorte que lorsque l’on compare les économies réalisées par les parents sur les tarifs pour enfants d’âge préscolaire de 2019 ou 2020, elles ont tendance à être inférieures à celles sur les tarifs pour poupons.

Dans la catégorie des enfants d’âge préscolaire, les plus grandes économies réalisées de 2019/2020 à 2025 ont été de loin à Iqaluit, où les parents ont économisé un peu moins de 1 000 $ par enfant. Iqaluit affichait les frais de garde médians pour enfants d’âge préscolaire les plus élevés au cours des années précédant 2019 (et 2019 inclus). En 2025, les parents d’enfants d’âge préscolaire à Toronto et dans les banlieues (Oakville, Markham, Mississauga et Richmond Hill) économisent environ 700 $ par mois par rapport à 2020 et, dans le cas des parents de Calgary, ils économisent un peu plus de 700 $ par mois.

Les parents de Richmond et de Surrey en Colombie-Britannique économisent, quant à eux, respectivement un peu plus de 100 $ par mois et environ 200 $ par mois. Les parents de Winnipeg économisent, pour leur part, environ 200 $ par mois en 2025 par rapport à 2019; les frais de garde à Winnipeg étaient déjà à taux plutôt bas en 2019 et maintenant, ils sont à 10 $ par jour, tous âges confondus.

Seuls les parents des villes au Québec n’ont pas économisé en vertu du nouveau régime étant donné que le tarif fixé médian pour les enfants d’âge préscolaire est plus élevé maintenant de 24 $ par mois qu’en 2019 (les frais de garde sont indexés tous les ans au Québec en fonction de l’inflation). Néanmoins, les frais de garde au Québec demeurent les plus bas au pays, comme ils l’étaient avant l’avènement du PPAGJE.

En résumé, nos données du sondage sur les frais de garde indiquent que les montants qu’économisent les parents chaque mois en vertu du programme à 10 $ par jour varient considérablement en fonction de plusieurs facteurs. Ces facteurs sont notamment les politiques de tarification des provinces et des territoires en 2019 et en 2025, la manière dont on fixe les tarifs pour les différents groupes d’âge et le niveau initial des tarifs avant la mise en œuvre du PPAGJE. Dans l’ensemble, les parents dans les provinces et territoires ayant adopté un régime à tarifs fixés paient moins cher leurs services de garde que les parents où s’applique encore un régime de marché.

Tarifs au prix courant du marché en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse

La Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse sont les deux seules provinces11Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont également conservé un régime de marché. Mais comme il n’a pas été possible d’inclure ces deux territoires dans notre rapport cette année, nous n’analysons pas leur situation. où les frais de garde demeurent au prix courant du marché. Dans ces provinces, le gouvernement provincial paie un montant fixe pour réduire les frais de garde. Les grandes villes dans ces provinces affichent dorénavant les frais de garde les plus élevés du pays. Et comme nous l’avons vu dans la section précédente, les parents dans les villes de la C.-B. sont également ceux qui économisent le moins sur leurs frais de garde pour poupons et enfants d’âge préscolaire en 2025 par rapport à 2019.

En Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, en décembre 2022, les gouvernements ont augmenté le montant fixe qu’ils versaient afin d’atteindre l’objectif de réduction de 50 pour cent des frais de garde du PPAGJE pour cette année-là. Depuis, ces deux provinces n’ont pas augmenté le montant fixe versé pour réduire les frais de garde.

En Nouvelle-Écosse, les tarifs au prix courant ont été fixés à leur niveau de juillet 2021. Il n’existe aucun mécanisme pour les augmenter, et les nouvelles places doivent facturer des frais égaux ou inférieurs à la moyenne régionale.

En Colombie-Britannique, les tarifs au prix courant sous-jacent du marché ont continué d’augmenter. La C.-B. fixent quand même une limite à l’augmentation de ces tarifs d’une année à l’autre. Les services de garde doivent obtenir une autorisation spéciale pour excéder cette limite. Néanmoins, nous observons des hausses de tarifs de 50 $ à 170 $ par mois depuis 2023 dans les garderies de Richmond—le pire des scénarios que permet cette situation.

La plupart des autres villes du sondage ont eu droit à une deuxième réduction de frais de garde depuis décembre 2022, mais les villes de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse n’ont pas eu cette chance, car il n’y a pas eu de modifications à l’échelle provinciale depuis. Par conséquent, les hausses de tarifs ont grugé les économies dont avaient profité les parents de ces villes depuis décembre 2022.

En fait, la Colombie-Britannique utilise en parallèle deux mécanismes de réduction des frais de garde : un montant fixe appliqué au prix courant du marché pour réduire les tarifs et puis un tarif de 10 $ par jour appliqué à une minorité croissante de places. Le pourcentage de services de garde convertis à 10 $ par jour varie radicalement d’une ville à l’autre, et ce, parce que la province convertit au nouveau régime principalement les garderies à but non lucratif, lesquelles sont très inégalement réparties dans les différentes villes. Ainsi, la conversion est beaucoup plus fréquente à Vancouver, qui a une politique municipale de soutien aux services de garde sans but lucratif.

À mesure qu’il y aura plus de services de garde à 10 $ par jour, le tarif médian chutera jusqu’à ce qu’il atteigne 10 $ par jour et que la moitié de toutes les places soient à ce tarif ou moins. En fait, le phénomène est sur le point de se produire à Vancouver, car près de la moitié des places sont maintenant converties à 10 $ par jour. Le tarif médian des places pour poupons et bambins dans les garderies de Vancouver est maintenant de 10 $ par jour. Toutefois, comme très peu de services de garde en milieu familial agréés offrent des places à 10 $ par jour, lorsque l’on inclut leurs places poupons et bambins dans nos calculs, la médiane bondit de 10 $ par jour à 34 $ par jour (le chiffre illustré dans le graphique 1). Ce bond de 24 $ illustre l’écart énorme entre le tarif à 10 $ par jour et les tarifs au prix courant du marché, moins la contribution fixe provinciale de 900 $ par mois.

Dans le cas des enfants d’âge préscolaire, 44 pour cent des places qui leur sont destinées à Vancouver sont à 10 $ par jour et celles qui restent sont au prix courant du marché, moins la réduction fixe de 545 $ par mois.

Aucune autre ville de la C.-B. faisant partie de notre analyse n’était proche d’avoir la moitié de ses places à 10 $ par jour. Après les 50 pour cent ou presque de places à 10 $ par jour de Vancouver, Burnaby est la ville qui s’en approchait le plus avec quinze pour cent de ses places à 10 $ par jour. Dans Kelowna, treize pour cent des places pour enfants d’âge préscolaire et neuf pour cent des places pour poupons et bambins étaient à 10 $ par jour. Dans Richmond et Surrey, les autres villes de la C.-B. de notre sondage, bien moins de dix pour cent des places étaient à 10 $ par jour. Nous notons que nos sondages annuels sur les frais de garde démontrent systématiquement que les villes où il y a une prédominance de services de garde à but lucratif affichent des frais de garde médians plus élevés que les villes où les services de garde sont principalement sans but lucratif. Ce constat s’avère plus manifeste en Colombie-Britannique et en Ontario.

Places occupées et autres questions liées aux frais de garde

Nos sondages sur les frais de garde, s’étalant sur une décennie, ont toujours été réalisés au téléphone. Nous appelons les fournisseurs de services de garde et nous leur posons des questions sur leurs frais de garde et quelques autres questions. Toutefois, comme sonder les fournisseurs de services de garde au téléphone devient de plus en plus difficile, cette année nous avons complété nos appels téléphoniques par des communications électroniques. Nous utilisons maintenant plusieurs sources de données, incluant les ensembles de données provinciales et, au besoin, des recherches en ligne. Cette stratégie ne s’est pas toujours avérée efficace. Nous n’avons pas pu inclure Yellowknife et Whitehorse dans notre analyse cette année en raison du faible taux de réponse et de l’absence de bonnes données de remplacement.

Dans nos sondages précédents, nous ajoutions à nos questions sur les frais de garde des questions complémentaires et cette année n’a pas fait exception. Cette année, nous avons demandé si les garderies étaient occupées au maximum de leur capacité. Si elles ne l’étaient pas, nous avons demandé la raison. Nous avons aussi demandé si des frais additionnels, au-delà du tarif de base, étaient perçus pour des choses comme la nourriture, des sorties de groupe ou d’autres activités (que les frais de garde soient fixés ou qu’ils soient au prix courant du marché).

Malheureusement, les taux de réponse à ces questions complémentaires ont été particulièrement bas. Nous pouvons simplement donner des indications plutôt que comparer avec des données solides les villes entre elles pour chaque question. Nous présentons néanmoins un sommaire des réponses à titre indicatif, mais non concluant.

Dans l’ensemble, pour ce qui est de l’occupation au maximum de leur capacité, les garderies pour lesquelles nous disposons les données ont dit qu’elles atteignaient leur capacité d’accueil autorisée. Bon nombre ont dit qu’elles pourraient inscrire un autre enfant la semaine suivante dans tous les groupes d’âge. Malheureusement, notre sondage s’est déroulé au cours de la transition dans plusieurs provinces d’un régime de tarifs au prix courant du marché, donc plus élevés, à un régime à tarifs fixés de sorte que ces données ne sont peut-être plus valides.

La raison la plus souvent invoquée pour expliquer que le service de garde n’était pas occupé au maximum de leur capacité était l’absence de demande, ce qui englobe plusieurs raisons : les frais de garde des autres garderies sont moins élevés, les parents ne veulent pas payer des tarifs élevés ou les parents ont décidé de garder leur enfant à la maison. Ces raisons ont surtout été invoquées dans les provinces/territoires ou dans les services de garde où les frais de garde étaient encore au prix courant du marché.

Toutefois, la situation change rapidement puisque l’Ontario et l’Alberta passaient au régime à tarifs fixés pendant que se déroulait notre sondage. Comme raison, la difficulté de trouver du personnel était secondaire par rapport à l’absence de demande. Mais les problèmes de personnel prenaient plus d’importance dans les garderies dont les frais de garde avaient baissé en raison du PPAGJE ou de politiques provinciales.

Une autre contrainte opérationnelle à l’occupation au maximum de leur capacité vient du fait que les garderies se réservent souvent des places pour les enfants qui vont bientôt passer d’un groupe d’âge à un autre. Faute de souplesse dans leur capacité d’accueil, les garderies pourraient se retrouver avec un enfant sur le point de changer de groupe d’âge, mais sans pouvoir lui fournir une place.

Les services de garde ont vraisemblablement hésité à répondre à nos questions sur les frais additionnels perçus au-delà du tarif de base. Il reste que nous avons trouvé une minorité de garderies qui percevaient des frais additionnels, mais conformément aux règles stipulées dans les politiques provinciales. Par exemple, l’Ontario a interdit les frais d’inscription aux listes d’attente et exige que le service de garde fournisse un repas chaud (inclus dans le tarif de base). Nous n’avons pas trouvé de frais additionnels de ce type en Ontario. Évidemment, il est peu probable que l’on déclare une activité illégale.

Dans les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick, qui n’interdisent pas la perception de frais additionnels pour un repas, une minorité de garderies semblent facturer les repas (il n’y a pas non plus d’exigences dans ces provinces de fournir de repas, comme c’est le cas en Ontario12Pour des détails, voir le tableau 20 dans “Early Childhood Education and Care in Canada 2023 ». Martha Friendly, Jane Beach, Gayaththiri Aruran, Alexie Cossette, Jade Lillace, et Barry Forer. Childcare Resource and Research Unit, 2023, https://childcarecanada.org/sites/default/files/ECEC-2023-Full-publication_0.pdf .). La perception de frais additionnels pour des sorties de groupe survient également, mais seulement dans une minorité de garderies. Cette pratique semble assez fréquente au Québec, autant dans les CPE que dans les garderies à but lucratif.

Un peu partout au Canada, dans une minorité de garderies, on remarque l’apparition de frais d’administration, notamment des frais d’inscription.

Analyse

Les tarifs fixés et les salaires déterminés sont les deux principales leçons à tirer de notre sondage pour assurer le succès du déploiement du PPAGJE au Canada.

Les réductions des frais de garde pour les parents vont bon train dans toutes les provinces et tous les territoires. Toutefois, en avril 2026, beaucoup de parents dont les enfants occupent des places financées par le PPAGJE devront débourser plus que les 10 $ par jour visés.

À cette date, les parents dans six provinces et territoires paieront un maximum de 10 $ par jour, tandis qu’ils paieront assurément plus dans les autres provinces et territoires, car dans ces provinces et territoires, on manie à sa satisfaction la formulation « tarif moyen de 10 $ par jour » des ententes du PPAGJE. À titre d’exemple, le plan en Ontario est que les parents 12 $ par jour au maximum.13Accord entre le Canada et l’Ontario sur la petite enfance et la garde de jeunes enfants, 26 mars 2025, gouvernement de l’Ontario. https://www.ontario.ca/fr/page/accord-entre-le-canada-et-lontario-sur-la-petite-enfance-et-la-garde-de-jeunes-enfantst

L’absence de détails sur la réduction ultime en avril 2026 pour atteindre même le « tarif moyen de 10 $ par jour » en Alberta, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique est ce qui nous inquiète le plus. Au moment de la publication de notre rapport, il n’y avait pas de précisions sur la façon dont les tarifs allaient changer par rapport à ce qu’ils étaient en avril 2025 ou même s’ils allaient changer.

Maintenant, l’Alberta a adopté le régime à tarifs fixés—un gros changement survenu en 2025. Le tarif fixé est de 15,03 $ par jour (326,25 $ par mois), quand même bien au-dessus de l’objectif de 10 $ par jour.

La Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique n’ont toujours pas adopté le régime à tarifs fixés ou tarifs maximums. Les deux conservent un régime de tarifs au prix courant du marché, quoique les frais de garde soient réduits d’un montant fixe. Dans les provinces où s’appliquent les tarifs fixés, tous les parents dont les enfants ont une place dans le système du PPAGJE paient le même montant mensuellement, ou possiblement moins. Mais en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse, les écarts de tarifs demeurent importants. Dans les villes de la C.-B. en particulier, le montant fixe de la réduction des frais de garde n’a pas changé depuis décembre 2022, tandis que les tarifs au prix courant sous-jacent du marché grimpent systématiquement. Ce qui veut dire que les frais de garde augmentent en C.-B. au lieu de baisser, comme c’est le cas presque partout ailleurs durant cette période. Prendre rapidement des mesures pour établir un régime à tarifs fixés et maximums dans ces deux provinces sera une étape importante en vue d’atteindre l’objectif de 10 $ par jour, même si ces tarifs sont supérieurs au départ à 10 $ par jour.

Avant les ententes du PPAGJE, les services de garde présentaient deux problèmes principaux du point de vue du public : des frais de garde élevés et de longues listes d’attente. Pour ce qui est des frais de garde, les parents paient beaucoup moins maintenant qu’en 2019, même dans les provinces qui ne sont pas encore à 10 $ par jour.

À présent, le PPAGJE devra s’attaquer au deuxième problème, le plus compliqué à résoudre : répondre à la demande beaucoup plus grande pour des services de garde devenus abordables. Pour ce faire, il faut procéder à la création rapide de places, mais également à la création équitable de places afin d’assurer un meilleur accès dans les déserts de services de garde. Pour y parvenir, il faut que le développement et l’expansion des services soient dirigés et financés par les pouvoirs publics, comme le sont l’école de la maternelle à la douzième année et le système de santé. Il faudra des fonds d’immobilisation, de la planification publique et du personnel pour doter les nouvelles places.

Le recrutement d’éducatrices et d’éducateurs de la petite enfance fait partie de la donne, mais la rétention des employés actuels aussi. Les tarifs fixés sont la solution pour que les frais de garde soient moins élevés, mais les salaires déterminés dans des grilles salariales sont vraisemblablement la solution pour avoir le personnel nécessaire à l’expansion des réseaux. Des grilles salariales convenables peuvent éliminer du jour au lendemain les problèmes de rétention, comme il a été démontré récemment à l’Île-du-Prince-Édouard.14Kathleen Flanagan and Associates, “Early Learning and Child Care Recruitment and Retention: PEI’S 2024 Director and Staff Surveys: Final Report”, Janvier 2025, https://mcusercontent.com/aff981eb17e452f90e6094988/files/50178ef2-2c85-9175-8afd-59f7f42ff215/2024_ELCC_Director_and_Staff_Survey_Final_Report.pdf

Cela étant dit, parmi les leçons à tirer du PPAGJE, les principales sont les tarifs fixés et les salaires déterminés.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier les personnes suivantes pour leurs commentaires sur une version préliminaire de ce document : Lynell Anderson, Morna Ballantyne, Jane Beach et Eric Swanson.