Résumé
Depuis 2021, le gouvernement fédéral finance le déploiement à l’échelle du Canada d’un programme de services de garde à l’enfance à 10 dollars par jour. La réduction des frais de garde à 10 $ par jour d’ici avril 2026 est un des objectifs les plus connus du public, mais la volonté d’augmenter de façon importante de nombre de places est un objectif moins connu du public.
Pour suivre les tendances, le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) a créé une base de données exclusive portant le nom de CLAR—Childcare Licensing and Accessibility by Region. Elle suit individuellement les 1,32 million de places en services de garde agréés dans les provinces. Elle mesure aussi l’accès aux services de garde dans les 53 861 îlots urbains des provinces (aires de diffusion). La base de données CLAR nous permet de suivre les changements survenus du quatrième trimestre de 2022 au premier trimestre de 2025. Voici les principaux constats :
Croissance avérée du nombre de places en services de garde, mais progrès variables
Les provinces s’étaient engagées à créer 210 604 nouvelles places à temps plein avant avril 2025 à l’aide des fonds fédéraux, mais il manque 57 030 places.
- Le Nouveau-Brunswick a créé 47 pour cent de places de plus que promis et la province dépasse déjà son objectif de création de places pour 2025-2026.
- La Colombie-Britannique a créé plus de 25 000 nouvelles places, excédant la cible d’un peu plus de 20 000 places qu’elle s’était fixée pour avril 2025. La province est bien placée pour atteindre son objectif d’un peu plus de 30 000 nouvelles places en 2025-2026 et de 40 000 nouvelles places d’ici la fin de 2027-2028.
- L’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard sont proches d’atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés pour avril 2025 et sont sur la bonne voie d’atteindre les objectifs de création de nouvelles places qu’ils se sont fixés pour 2025-2026.
- La plupart des autres provinces tirent de l’arrière en ce qui concerne la création de places. Le Manitoba et la Saskatchewan n’ont créé qu’une fraction des places promises. Les deux provinces ont créé de nouvelles places, mais elles sont bien loin d’atteindre leurs objectifs ambitieux.
Qui atteindra la cible de couverture fédérale de 5,9 places à temps plein pour dix enfants?
Le véritable combat n’est pas de savoir si les objectifs de création de places nettes sont atteints ou non, mais plutôt si les parents peuvent obtenir une place. Pour l’évaluer, il faut connaître le nombre de places disponibles pour dix enfants. Si les provinces atteignent leurs objectifs de création de places nettes, et c’est loin d’être certain, on peut dresser le portrait suivant :
- Le Québec et l’Î.-P.-É ont déjà atteint, voire dépasser la cible de couverture fédérale de 5,9 places pour dix enfants.
- La Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse atteindraient plus ou moins le seuil de 5,9 places pour dix mais enfants, malheureusement, aucune n’est en voie d’atteindre ses objectifs.
- Si elles créent les places promises, les provinces du Manitoba et de la Colombie-Britannique seront légèrement sous le seuil visé de 5,9 places pour dix enfants. Malheureusement, le Manitoba est très loin de son objectif pour 2025.
- Il est possible que l’Alberta, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick atteignent leurs objectifs de création de places nettes. Mais même si ces provinces créent les places promises, leurs taux de couverture seront inférieurs à 5,9 places pour dix enfants.
Les fournisseurs de services de garde à but lucratif tirent profit de ce programme financé par les fonds publics
Une clause importante des ententes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants signées avec le gouvernement fédéral veut que les places créées soient principalement à but non lucratif ou publiques. Les coûts afférents au système de services de garde dans la plupart des provinces et des territoires sont maintenant assumés presque totalement par le trésor public. Les fournisseurs des services de garde à but lucratif tirent profit du programme :
- Depuis 2022, 57 pour cent de toutes les nouvelles places autorisées (assujetties à un permis) pour les enfants d’âge non scolaire ont été créées dans le secteur commercial (à but lucratif)—et les grandes chaînes commerciales se sont arrogées le quart de cette croissance.
- Seulement 30 pour cent des places ont été créées dans le secteur public ou à but non lucratif et les autres places ont été attribuées à de nouveaux services de garde en milieu familial.
- Nous n’assistons pas au développement public des services de garde au Canada, mais plutôt au développement massif du secteur privé et à but lucratif.
Persistance des déserts de services de garde
La cible de couverture fédérale est de 5,9 places pour dix enfants. Mais beaucoup d’enfants habitent un îlot urbain qui compte, à proximité, moins de trois places pour dix enfants (en retranchant les besoins simultanés d’autres enfants), ce qui constitue un désert de services de garde.
- En Colombie-Britannique, le pourcentage d’enfants vivant dans un désert de services de garde a chuté de 38 pour cent en 2022 à 16 pour cent en avril 2025, une baisse de près d’un quart.
- L’Alberta, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Ontario ont réduit le pourcentage de leurs enfants vivant dans un désert de services de garde d’environ quinze points de pourcentage.
- La Saskatchewan demeure la province où le pourcentage d’enfants vivant dans un désert de services de garde est le plus élevé à 51 pour cent, mais la situation s’est améliorée par rapport au point de départ de 70 pour cent en 2022.
- L’Î.-P.-É, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont parvenus à accroître d’environ dix points de pourcentage la proportion d’enfants habitant des îlots urbains dont le taux de couverture atteint ou dépasse la cible fédérale.
- Il existe une corrélation évidente entre les déserts de services de garde et la densité de la population. Ces déserts sont moins nombreux dans les grandes villes et il y en a plus dans les régions rurales. Par contre, au Québec, les secteurs ruraux ont moins de déserts de services de garde que les grandes villes de l’Ouest, comme Calgary et Winnipeg.
- Les déserts de services de garde ne sont pas systématiquement reliés au revenu des parents. Dans certaines provinces, dans les îlots urbains les plus riches, l’accès est effectivement meilleur, mais dans d’autres provinces, les îlots les plus pauvres remportent la palme.
Accès aux services de garde dans 45 villes canadiennes
- Les trois quarts des enfants dans Kitchener, Oshawa et Fort McMurray vivent dans un désert de services de garde et comptent très peu des services de garde agréés à proximité, en tenant compte des besoins d’autres îlots d’enfants.
- Bien que la moitié des enfants dans Calgary vit dans un désert de services de garde, on constate qu’une minorité surprenante de 17 pour cent d’enfants bénéficie de la cible de couverture fédérale de 5,9 places pour dix enfants. C’est dire à quel point la distribution des déserts de services de garde est inégale.
- À l’autre extrémité du spectre, beaucoup de villes du Québec ainsi que Charlottetown n’ont presque pas d’enfants qui vivent dans un désert de services de garde et presque tous les îlots atteignent la cible de couverture fédérale d’au moins 5,9 places pour dix enfants.
- Certaines villes, comme Vaughan, Coquitlam, Burnaby et Oakville, contrecarrent la tendance provinciale et n’ont presque pas d’enfants qui vivent dans un désert de services de garde. Par contre, le taux de couverture pour la plupart des enfants y est inadéquat—soit de 3 à 5,89 places pour dix enfants.
Prochain défi à relever
Les tarifs très élevés au prix courant du marché étant chose du passé, les décideurs vont devoir s’attaquer au prochain défi : créer rapidement des places et voir à ce que ces places soient créées et conservées dans le secteur public et à but non lucratif.
Il faut maintenant une planification publique robuste. Le gouvernement doit identifier les fournisseurs de services de garde sans but lucratif (SBL) et publics qui augmenteront leur capacité d’accueil et il doit leur fournir les outils dont ils ont besoin pour ce faire. Autrement, nous nous retrouverons avec un système privé à but lucratif plus répandu qui se développera là où c’est pratique de le faire pour les fournisseurs de services et pas nécessairement là où habitent les enfants.
Introduction
Le budget fédéral de 2021 annonçait un changement radical dans la gestion des services de garde à l’enfance au Canada avec la création du Programme pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (PPAGJE). Il a fallu une pandémie pour illustrer le rôle critique que jouent les services de garde sur le plan du fonctionnement de base de l’économie canadienne. Sans services de garde à l’enfance, les parents ne peuvent pas travailler. Non seulement la pandémie a-t-elle démontré l’effet de la perte des services de garde, mais elle a aussi mis en lumière le potentiel que présentait leur développement accru. Les défenseurs des services de garde le savaient depuis longtemps, mais c’est grâce à la pandémie que leurs bienfaits ont percé le mur de la conscience politique de monsieur et de madame tout le monde au Canada.
Le premier et plus visible des objectifs du PPAGJE était de réduire les frais de garde. Il était bien connu que les tarifs élevés sont un obstacle majeur pour les parents, limitant leur capacité à utiliser les services de garde dans la plupart des provinces et territoires. Le premier objectif : que les frais de garde soient réduits de 50 pour cent au plus tard en décembre 2022 dans toutes les provinces et tous les territoires et qu’en avril 2026, ils soient à 10 $ par jour en moyenne. La question de l’atteinte ou non de ces objectifs a été abordée en long et en large dans d’autres ouvrages.1David Macdonald et Martha Friendly, « Mesurer ce qui compte : évaluer les progrès en vue de doter le Canada de services de garde à l’enfance à 10 $/jour pour tous, Centre canadien de politiques alternatives, Ottawa 2023. 2David Macdonald et Martha Friendly, D’un modèle de marché à un régime géré : le parcours inégal des services de garde à 10 $ par jour, Centre canadien de politiques alternatives, juillet 2023. Toutefois, généralement parlant, on constate que les frais de garde diminuent rapidement au Canada et que la plupart des provinces et des territoires fixent désormais un tarif maximum. Malgré cette avancée, quelques provinces ont encore du chemin à faire pour atteindre l’objectif de 10 $ par jour. Cependant, elles ont encore une année pour y parvenir.
Les tarifs très élevés au prix courant du marché étant chose du passé, les décideurs devront maintenant s’attaquer au prochain défi, à savoir créer rapidement des places. Les tarifs étant moins élevés, un plus grand nombre de parents souhaitent utiliser des services de garde agréés (c’est le but, justement). Mais ils font face à de longues listes d’attente qui risquent de s’allonger à moins que les gouvernements stimulent la croissance et investissent considérablement dans la création de places. Les avantages sous-jacents de la croissance massive des places renforcent également les bienfaits économiques du PPAGJE, notamment une croissance économique plus robuste, la hausse de la participation des femmes au marché du travail et l’augmentation des recettes fiscales.
Ces défis n’ont pas été perdus de vue dans la négociation des ententes initiales sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Les ententes du PPAGJE précisent le nombre de nouvelles places qu’entendent créer chaque province et chaque territoire et leur calendrier de réalisation. On y précise aussi le type de places à prioriser, à savoir publiques ou à but non lucratif.
Les ententes ont maintenant quelques années. On peut donc mesurer les progrès réalisés par les provinces et territoires en vue d’atteindre leurs objectifs et voir aussi si ce sont des objectifs satisfaisants et si l’accès aux services de garde a changé depuis l’avènement du PPAGJE.
Suivi des places dans notre nouvelle base de données
À cette fin, le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) a créé une base de données exclusive sur l’accès aux services de garde agréés du pays : Childcare Licensing and Accessibility by Region (CLAR) Database. Cette base de données permet de suivre chaque place individuelle en service de garde agréé dans n’importe quelle province, que ce soit une place en garderie, en CPE3Aux fins du présent document, lorsqu’il est question de garderies ou de centres de garde d’enfants, les centres de la petite enfance (CPE) du Québec sont inclus dans ces désignations. ou en service de garde en milieu familial. Malheureusement, en raison des limites des données, un suivi similaire n’est pas possible pour les territoires. La base de données CLAR enregistre pour chaque place le type de permis dont il est question, le mode de propriété du service de garde, l’endroit où il se trouve et les enfants qui vivent à proximité. Nous mettrons à jour cette base de données au fil du temps afin de surveiller la croissance des services de garde agréés et pour nous assurer que les données ne sont pas périmées. À moins d’avis contraire, les données les plus récentes utilisées dans le présent rapport datent du 31 mars 2025. En général, nous comparons les données du premier trimestre de 2025 à notre première capture de données du quatrième trimestre de 2022.
Présentement, nous suivons 1,32 million de places autorisées dans toutes les provinces. Elles se trouvent dans 19 976 services de garde en milieu familial agréés et 23 692 garderies détentrices d’un permis. De ces places, 94 pour cent sont en garderies et six pour cent, en services de garde en milieu familial agréés. Ces garderies sont détenues ou sont exploitées par 11 496 entités (à but lucratif, sans but lucratif et publiques). Notre base de données suit activement les ouvertures et les fermetures des installations détentrices d’un permis ainsi que leur agrandissement et réduction.
Pour autant que l’on sache, c’est l’exercice le plus vaste mené à l’échelle du pays au sein et à l’extérieur des gouvernements dans le but de recueillir, de systématiser et d’évaluer sur une base régulière le fonctionnement d’un des plus importants programmes de financement public. Notre but est de rendre compte de nos conclusions afin d’informer les décideurs, les militants et les parents du déploiement du PPAGJE et des corrections à apporter en cours de route.
Pour d’autres précisions sur la création de la base de données CLAR, ses sources, ses groupes d’âge et ses limites, consultez la section du présent document portant sur la méthodologie.
Notre base de données CLAR fait le suivi des places autorisées en se basant sur les registres provinciaux. Lorsque le nombre de places nettes varie, c’est parce qu’il y a eu un changement dans le permis et non à cause d’une promesse gouvernementale de créer des places. Par contre, la capacité d’accueil autorisée au permis diffère de la capacité opérationnelle ou d’occupation. Ce n’est pas parce qu’une place est autorisée en vertu d’un permis qu’elle est nécessairement occupée par un enfant. En effet, le service de garde peut avoir du mal à trouver et à retenir du personnel. On peut décider de laisser des places libres pour y accueillir des enfants qui changent de groupe d’âge. Si le service de garde vient d’ouvrir ses portes, il se peut qu’il ne soit pas pleinement opérationnel. Et il peut y avoir d’autres raisons de ne pas fonctionner au maximum de sa capacité autorisée. Cela étant, les chiffres de notre base de données CLAR et ceux utilisés dans le présent rapport représentent le « meilleur des scénarios » si chaque place autorisée est occupée—ce qui n’est pas toujours le cas.
Dans le présent rapport, les places offertes avant et après l’école (garde parascolaire) sont exclues. Nous visons uniquement les enfants qui ne fréquentent pas encore l’école publique ni un service de garde parascolaire. Nous utilisons les expressions « enfants d’âge non scolaire » et « places pour enfants d’âge non scolaire » pour les désigner. On utilise souvent le terme « préscolaire » pour désigner ces enfants et ces places, mais il a différentes significations techniques selon la province. Par exemple, en Ontario, par « préscolaire », on entend les enfants âgés de trois ans à l’âge scolaire, mais en C.-B., le terme « préscolaire » renvoie aux services de garde offerts avant et après l’école. Pour éviter la confusion, nous utilisons donc les expressions « enfants d’âge non scolaire » et « places pour enfants d’âge non scolaire ».
L’âge d’entrée à l’école diffère d’une province à l’autre et nous prenons en compte ces différents paramètres de fréquentation scolaire.
La plupart des places pour enfants d’âge non scolaire sont des places à temps plein. Lorsque l’on dispose de données sur les places à temps partiel, nous les transformons au prorata en places à temps plein (deux places à temps partiel pour une place à temps plein). Dans certains services de garde, on offre des horaires prolongés; par exemple, des services pour la nuit ou jusqu’à 15 heures consécutives. Ces places sont difficiles à identifier, on ne peut donc pas les convertir au prorata en places à temps plein.
Lorsque nous comparons les places et les populations d’enfants, nous ne comptons que les enfants qui ne fréquentent pas encore l’école publique et qui ne sont pas encore admissibles à la prématernelle ou la maternelle dans leur province. Certaines provinces (notamment la Saskatchewan, le Manitoba et l’Alberta) offrent uniquement la maternelle une partie de la journée. Ainsi, leur première année en services de garde scolaire est effectivement à temps plein pour beaucoup d’enfants. Néanmoins, ces places en services de garde scolaire, quoique à temps plein, sont exclues.
Dans les ententes du PPAGJE, il est précisé que les enfants à partir de la naissance jusqu’à cinq ans devraient être couverts par le programme. Or, les régimes de délivrance de permis de services de garde des provinces ne fonctionnent pas uniquement sur la base de l’âge. Les permis sont attribués pour différentes tranches d’âge inférieures à l’âge scolaire, l’âge scolaire étant une variable clé des permis. Nous utilisons l’entrée à l’école publique comme seuil clé pour dénombrer les places autorisées et les enfants, à moins d’avis contraire.
Consultez la méthodologie pour plus de précisions sur le calcul des âges inclus pour les différentes provinces.
Objectifs de création de places en vertu du PPAGJE : chiffres concrets et taux de couverture
Les ententes fédérales-provinciales du PPAGJE contiennent des objectifs précis de création de places à temps plein. Par contre, ces objectifs suivent différents calendriers et sont souvent imprécis : « jusqu’à tant de places ». Aux fins de notre analyse ci-dessous, nous avons uniformisé les échéances et présumé que tous les objectifs « jusqu’à tant de places » étaient atteints.
Dans les ententes originales du PPAGJE, la combinaison de l’ensemble des places qu’entendaient créer les provinces donnait près de 250 000 nouvelles places en 2025-2026. Toutefois, dans la foulée d’estimations plus récentes, on parle plutôt de la création de 284 000 nouvelles places d’ici 2025-2026. Si nous reportons l’échéance à 2027-2028, l’objectif est d’un peu plus de 300 000 places, puisque l’Ontario et la Colombie-Britannique se sont engagés à la création de places additionnelles au-delà de la date limite de 2025-2026 du PPAGJE.4Voir Emploi et Développement social Canada, « Vers des services de garde à 10 $ par jour : Document d’information sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants », section « meilleur accès pour les familles », mars 2025, https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/nouvelles/2025/03/vers-des-services-de-garde-a-10–par-jour–document-dinformation-sur-lapprentissage-et-la-garde-des-jeunes-enfants0.html.
Nous utilisons notre base de données CLAR pour suivre les progrès des provinces en vue d’atteindre leurs objectifs de création de places. Au premier trimestre de 2025, nous avons répertorié 153 574 nouvelles places autorisées équivalentes à temps plein pour enfants d’âge non scolaire. La figure 1 présente la variation nette réelle de places autorisées à comparer à ce que les provinces avaient promis. Aux fins de comparaison, 211 000 nouvelles places à temps plein auraient dû avoir été créées à la fin de 2024-2025 par les provinces. On voit qu’il manque 57 030 places à la fin du premier trimestre de 2025, mais les provinces sont sur la bonne voie.
Nous pouvons même ventiler davantage les données pour savoir dans quelle mesure les provinces sont proches d’atteindre leurs objectifs à la fin de l’exercice financier de 2024-2025 ou du T1 de 2025. La figure 2 indique où devraient se trouver les provinces pour ce qui est de la création de places au premier trimestre de 2025 en fonction des ententes du PPAGJE. En utilisant la base de données CLAR, nous pouvons évaluer où elles en sont rendues par rapport à leurs objectifs. Comme le suggère la figure 1, la plupart des provinces ont du mal à atteindre les objectifs indiqués dans les ententes du PPAGJE. Même que les provinces, sauf le Québec, ont des objectifs de création de places encore plus élevés pour la fin de 2026 (ce sont les lignes additionnelles en haut du graphique dans la figure 3). Pour atteindre les objectifs prévus en 2025-2026, les provinces devront combler les manques à gagner à date et ensuite, poursuivre le développement.
D’un point de vue positif, plusieurs provinces ont dépassé les objectifs de création de places du PPAGJE et elles semblent bien en selle pour réaliser leurs engagements de 2025-2026. Le Nouveau-Brunswick a créé 47 pour cent de places de plus que prévu dans son entente sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au premier trimestre de 2025. En fait, au T1 2025, le N.-B. avait excédé son objectif de création de places pour toute la période allant jusqu’à la fin de 2025-2026. La création de places en Colombie-Britannique se fait rapidement. Plus de 25 000 nouvelles places avaient été créées au T1 de 2025, ce qui excède l’objectif de 20 000 nouvelles places pour cette même période. La C.-B. est bien placée pour atteindre son objectif d’un peu plus de 30 000 nouvelles places d’ici la fin de 2025-2026. La province s’est aussi engagée à créer un nombre additionnel de places—non incluses dans la figure 2—afin d’atteindre 40 000 nouvelles places à la fin de 2027-2028.
L’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard sont très proches d’atteindre les objectifs du T1 de 2025 et sont sur la bonne voie de réaliser leurs objectifs de création de places pour 2025-2026.
La plupart des autres provinces tirent de l’arrière en ce qui concerne la création de places. Le Manitoba et la Saskatchewan n’ont créé qu’une fraction des places promises. Les ententes sur l’AGJE des deux provinces promettaient une augmentation ambitieuse du nombre de places. Si elles livrent la marchandise, le nombre de places au Manitoba doublera et il triplera en Saskatchewan. Des places ont été créées dans les deux provinces, mais elles sont bien loin d’atteindre leurs cibles ambitieuses.
Bien que la création de 250 000 ou de 300 000 nouvelles places en services de garde puisse paraître impressionnante, ces chiffres imposants ne peuvent être évalués à moins de les comparer aux besoins. En d’autres termes, ces nombres sont-ils suffisants pour que les parents trouvent une place sans avoir à patienter sur une liste d’attente pendant de nombreuses années?
Pour que l’accès soit adéquat, il faut comparer le compte brut de places au nombre d’enfants susceptibles de vouloir occuper une de ces places. Nous mettons de côté les chiffres bruts imposants pour analyser plutôt les taux de couverture c’est-à-dire le nombre de places disponibles par enfant. Le taux de couverture peut s’exprimer en pourcentage, mais il peut être plus simple à comprendre si on l’exprime en nombre de places autorisées (c’est-à-dire assujetties à un permis) pour dix enfants.
Dans le contexte de l’école publique, par exemple, on veut près de dix pupitres pour dix enfants d’âge scolaire. Tous les enfants d’âge scolaire ont le droit et sont tenus de fréquenter l’école. Le nombre recherché de pupitres pour dix enfants serait légèrement inférieur à dix parce qu’un très petit nombre d’enfants font l’école à la maison ou fréquentent une école privée.
Dans le cas des services de garde, on prévoirait probablement moins de dix places autorisées pour dix enfants d’âge non scolaire. Ce, parce que certains parents restent à la maison pour une partie ou pour toute la première année de vie de leur enfant. D’autres parents ne sont pas actifs sur le marché du travail et prennent soin eux-mêmes de leurs enfants à la maison. Aussi, il n’y a pas d’obligation légale à fréquenter la garderie alors que les enfants sont obligés d’aller à l’école. Néanmoins, le taux de couverture est un bien meilleur moyen d’évaluer l’accès aux services de garde qu’un chiffre hors contexte, comme 250 000 nouvelles places, lequel peut ou non suffire à assurer l’accès.
Huit des ententes du PPAGJE contiennent une cible de couverture5Ces ententes concernent la Nouvelle-Écosse, le Yukon, la Saskatchewan, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest, Terre-Neuve-et-Labrador et le Nouveau-Brunswick. identique dans tous les cas, soit 59 pour cent ou 5,9 places autorisées à temps plein pour dix enfants âgés de moins de six ans. La C.-B., l’Alberta, le Manitoba et l’Ontario n’ont pas convenu d’une cible de couverture précise, mais ces provinces ont convenu de créer un nombre précis de places autorisées. Le Québec s’est engagé à créer 37 000 nouvelles places à contribution réduite, mais il n’a pas accepté de cible de couverture.6Gouvernement du Québec, gouvernement du Canada, 2021 à 2026. Canada-Québec – Accord asymétrique 2021 à 2026 concernant le volet pancanadien pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, juillet 2021, https://www.canada.ca/fr/accord-apprentissage-garde-jeunes-enfants/accords-provinces-territoires/quebec-pancanadien-2021.html. 7Gouvernement du Québec, gouvernement du Canada, Accord 2021 à 2025 de mise en œuvre de l’entente asymétrique du 10 mars 2017—volet concernant l’apprentissage et la garde des jeunes enfants https://www.canada.ca/fr/accord-apprentissage-garde-jeunes-enfants/accords-provinces-territoires/quebec-2021.html.
L’origine du taux de couverture de 59 pour cent n’est pas claire; il se peut toutefois qu’elle soit reliée au taux de couverture au Québec. Mais ce qui est clair, c’est sa constance en tant que cible fédérale transitoire. Dans le cadre du présent rapport, nous utilisons 59 pour cent—ou 5,9 places pour dix enfants—comme cible ou objectif fédéral intérimaire de couverture pour les places autorisées à temps plein même si toutes les provinces ne l’ont pas accepté.
Il importe de souligner que le taux de couverture de 59 pour cent est relativement faible et n’éliminera vraisemblablement pas la frustration des parents qui ont du mal à trouver une place, mais il s’agit d’un bon point de départ et d’un objectif à court terme assurément raisonnable. Les objectifs de couverture actualisés adoptés par l’Union européenne à Barcelone sont de 45 pour cent pour les enfants âgés de moins de trois ans et de 96 pour cent pour les enfants âgés de trois ans jusqu’à l’âge scolaire.8Conseil de l’Union européenne, Council Recommendation of 8 December 2022 on Early Childhood Education and Care: the Barcelona targets for 2030 (2022/C 484/01), Official Journal of the European Union, C 484, 20 December 2022, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?from=EN&uri=OJ%3AC%3A2022%3A484%3AFULL#:~:text=TARGETS%20ON%20EARLY%20CHILDHOOD%20EDUCATION%20AND%20CARE. En fonction de la population infantile estimée en 2025 au Canada, cela donnerait un taux de couverture pondéré de 67 pour cent pour les enfants d’âge non scolaire au pays. Ce qui excède de beaucoup le taux de 59 pour cent prévu aux ententes du PPAGJE. Les cibles de couverture de l’Union européenne adoptées à Barcelone s’avéreraient une prochaine étape de développement des services de garde logique pour le Canada. Néanmoins, le taux de couverture de 59 pour cent est un pas dans la bonne direction.
Comme on le voit dans la figure 3, même si les provinces atteignaient les objectifs de création de places indiquées dans leurs ententes du PPAGJE, les taux de couverture seraient bien moindres que 5,9 places pour dix enfants. Si les taux de couverture sont inadéquats, les parents ne trouveront pas de places, ce qui créera un épineux problème politique. L’expérience négative des parents à la recherche d’une place contrecarrera tout message politique positif vantant le succès du gouvernement à créer un certain nombre de places.
La figure 3 montre d’où partait chaque province en 2021 (bas de la ligne), où elles sont rendues au premier trimestre de 2025 et où elles en seront en 2027-2028 si elles atteignent leurs objectifs de création de places du PPAGJE. La première ronde d’objectifs de création de places du PPAGJE se termine en 2025-2026, mais l’échéance est prolongée afin d’inclure les engagements additionnels de la C.-B et de l’Ontario pour les deux années subséquentes. La figure 3 s’appuie également sur les projections de population de Statistique Canada pour chacune de ces années.
Le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard ont toujours affiché des taux de couverture plus élevés qu’ailleurs au Canada. Ces provinces ont déjà atteint ou dépassé la cible fédérale de couverture de 5,9 places pour dix enfants.
Si elles créent le nombre de places prévues dans leurs ententes du PPAGJE et si les projections de populations infantiles sont exactes, les provinces de la Saskatchewan, de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse vont sans doute atteindre la cible fédérale de couverture ou sinon, elles s’en approcheront. Toutefois, comme nous l’avons mentionné précédemment, aucune de ces provinces n’est en bonne voie d’y parvenir au T1 de 2025, ce qui sème un certain doute quant à leur capacité d’atteindre les objectifs ultimes indiqués dans leurs ententes du PPAGJE.
Le Manitoba et la Colombie-Britannique seront proches de leur but en 2027-2028, mais atteindre la cible fédérale de 5,9 places pour dix enfants pourra s’avérer plus ardu. Malheureusement, le Manitoba est bien loin de sa cible pour 2025, ce qui compromet l’atteinte de ses objectifs à plus long terme. La C.-B., de son côté, maintient le cap, dépassant légèrement à ce moment-ci les objectifs qu’elle s’était donnés.
L’Alberta, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick sont à l’autre extrémité du spectre et même si ces provinces atteignaient leurs objectifs de création de places en fonction du PPAGJE, leurs taux de couverture seraient inférieurs à la cible de 5,9 places pour dix enfants. L’Ontario tire profit de son programme de maternelle quatre ans à temps plein et a besoin de moins de places à temps plein, mais son taux de couverture demeure peu élevé. Ces provinces s’emploient à créer de nouvelles places depuis l’avènement du PPAGJE en 2021, mais leurs efforts ne seront vraisemblablement pas suffisants pour diminuer la pression que ressentent les parents à la recherche d’une place en services de garde. Pour le moment, le Nouveau-Brunswick fait mieux en 2025 qu’il avait prévu faire. L’Ontario suit d’assez près le rythme de développement qu’elle avait planifié pour 2025. Mais l’Alberta tire de l’arrière. À moins qu’elle ne modifie rapidement ses politiques, l’Alberta ratera ses cibles en 2027-2028, lesquelles de toute manière auraient donné un faible taux de couverture.
Les parents des provinces parmi les plus populeuses, soit l’Ontario, l’Alberta et la C.-B., vont sans doute continuer d’être aux prises avec de longues listes d’attente et éprouver la frustration de ne pas avoir de place même si les objectifs de création de places de ces provinces en vertu du PPAGJE sont atteints. Les parents constateront l’existence de places à tarif abordable, mais ils auront du mal à en obtenir une.
Ce n’est pas uniquement en créant de nouvelles places que le taux de couverture des services de garde peut s’améliorer. La population canadienne vieillit, ce qui signifie que les familles n’ont plus suffisamment d’enfants pour remplacer ceux qui vieillissent : la population de jeunes enfants chute. Cette tendance se reflète dans les projections de populations infantiles de Statistique Canada.9Statistique Canada, Tableau 17-10-0005-01, Estimations de la population au 1er juillet, par âge et genre, (https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv!recreate-nonTraduit.action?pid=1710000501&selectedNodeIds=1D2%2C1D3%2C1D4%2C1D5%2C1D6%2C1D7%2C1D8%2C1D9%2C1D10%2C1D11%2C3D2%2C3D3%2C3D4%2C3D5%2C3D6%2C3D8&checkedLevels=1D1&refPeriods=20200101%2C20240101&dimensionLayouts=layout3%2Clayout2%2Clayout2%2Clayout3&vectorDisplay=false&request_locale=fr) et Statistique Canada, Tableau 17-10-0057-01, Population projetée, selon le scénario de projection, l’âge et le genre, au 1er juillet(https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv!recreate-nonTraduit.action?pid=1710005701&selectedNodeIds=1D2%2C1D3%2C1D4%2C1D5%2C1D6%2C1D7%2C1D8%2C1D9%2C1D10%2C1D11%2C2D3%2C4D3%2C4D4%2C4D5%2C4D6%2C4D7%2C4D9&checkedLevels=2D1&refPeriods=20250101%2C20270101&dimensionLayouts=layout3%2Clayout2%2Clayout2%2Clayout2%2Clayout3&vectorDisplay=false&request_locale=fr ).
Une diminution de la population infantile augure mal pour le marché du travail à long terme et pour la croissance économique, mais elle a comme retombée pratique d’améliorer l’accès aux services de garde. Si le nombre de places assujetties à un permis (autorisées) est maintenu et si la population d’enfants d’âge non scolaire diminue, le taux de couverture des services de garde s’améliorera, car il sera plus facile d’obtenir une place.
En examinant ces tendances à l’échelle provinciale dans la figure 4, on voit que le déclin de la population infantile est le plus marqué à Terre-Neuve-et-Labrador, où elle a chuté de 15 pour cent de 2021 à 2027. Mais ce n’est pas la seule province où cette tendance est manifeste. Des diminutions prononcées de la population de jeunes enfants sont projetées au Manitoba, en Saskatchewan et en C.-B., où l’on perd près de 10 pour cent de la population infantile sur la période des accords du PPAGJE. Ce déclin de la population infantile vient simplement du fait que les enfants atteignant l’âge scolaire ne sont pas entièrement remplacés par de nouveaux bébés et par des enfants issus de l’immigration.
On s’attend à ce que la population de jeunes enfants en Ontario et en Alberta demeure plus ou moins semblable, tandis que la population infantile du Québec devrait chuter de six pour cent d’ici 2027.
Les projections de population de 2025 jusqu’à 2027 (figure 4) peuvent changer, car elles concernent l’avenir et elles peuvent être profondément influencées par des politiques gouvernementales. Par exemple, les projections utilisées à la publication du présent rapport ne prenaient pas en compte les modifications importantes apportées aux politiques et programmes fédéraux pour les étudiants étrangers ni, plus généralement, les réductions des cibles d’immigration.10Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada « Le gouvernement du Canada réduit l’immigration », 24 octobre 2024, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/2024/10/le-gouvernement-du-canada-reduit-limmigration.html. Ces restrictions fédérales en matière d’immigration vont vraisemblablement réduire la croissance de la population infantile.
Aucune province ne souhaite assister au déclin de sa population d’enfants, car cela présage un avenir en déclin. Des services de garde abordables et de qualité élevée et plus généralement accessibles peuvent faire office de rempart et protéger contre ces tendances.
Dans notre analyse plus détaillée des taux de couverture ci-après, nous tenons compte des variations de la population infantile. Les variations depuis le 1er juillet 2024 sont connues et nous les avons intégrées. Les seules projections pour les données du T1 de 2025 (ci-dessous) sont celles des trois trimestres entre juillet 2024 et avril 2025. Les taux de couverture sont plus élevés lorsque la population de jeunes enfants diminue et ils sont moins favorables lorsque le nombre de jeunes enfants augmente si le nombre de places autorisées ne change pas. Voir la méthodologie pour une description plus détaillée de ce processus.
Le développement des services de garde dans le cadre du PPAGJE s’est avéré une entreprise à but lucratif
Une condition importante des ententes du PPAGJE était que les nouvelles places créées devaient être principalement à but non lucratif ou publiques (c’est-à-dire exploitées par le gouvernement ou les municipalités, les autorités scolaires ou les corps dirigeants autochtones). Considérant que les coûts afférents aux services de garde dans la plupart des provinces et territoires sont presque totalement payés par des deniers publics et qu’une faible partie seulement des sommes requises provient des frais de garde versés par les parents, le système est en grande partie public (quoique, au moment de la publication du présent rapport, les frais de garde demeuraient élevés en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse).11David Macdonald et Martha Friendly, D’un modèle de marché à un régime géré : le parcours inégal des services de garde à 10 $ par jour, Centre canadien de politiques alternatives, juillet 2023. Assurer une qualité élevée tout en contrôlant les coûts est vraisemblablement ce qui conduit à inclure cette stipulation, c’est-à-dire prioriser les places sans but lucratif ou publiques.
De nombreuses études ont établi une corrélation solide et persistante entre le mode de propriété et la qualité des services de garde, le rendement des garderies/CPE sans but lucratif (SBL) étant systématiquement supérieur à celui des garderies à but lucratif (BL) sur des indicateurs importants, et ce même en tenant compte de nombreuses variables.12Gordon Cleveland et Michael Krashinsky, “The Nonprofit Advantage: Producing quality in thick and thin child care markets,” Journal of Policy Analysis and Management, 28, no. 3 (2009): 440–460, https://doi.org/10.1002/pam.20440; Martha Friendly, et col., Risky Business: Child Care Ownership in Canada Past, Present and Future, Childcare Resource and Research Unit, 2021; Gordon Cleveland et col., An Economic Perspective on the Current and Future Role of Nonprofit Provision of Early Learning and Child Care Services in Canada, University of Toronto, 2007;Elizabeth Dhuey, “Will the Increased Investment in Early Childhood Education and Care in Canada Pay Off? It Depends!” Canadian Public Policy, 50, no. S1, avril 2024. Les garderies SBL sont surreprésentées dans les sphères de qualité plus élevée et elles sont sous-représentées dans les sphères de qualité inférieure.13Cleveland et Krashinsky, 2004; Drouin et col., 2004, cité dans Friendly et col., Risky Business. Ces variations de qualité sont liées de près aux pratiques d’emploi. Les fournisseurs de services de garde SBL ont tendance à embaucher du personnel mieux formé, à verser des salaires plus élevés et à investir davantage dans le perfectionnement professionnel de leurs employés, autant de mesures qui favorisent une culture de qualité plus solide.14Friendly et col., 2021; Cleveland et Krashinsky, 2009; Cleveland et col., 2007. Certaines provinces ont adopté des grilles salariales provinciales, réduisant ainsi la concurrence salariale entre garderies SBL. En revanche, les garderies commerciales dont une des motivations est la recherche de bénéfices restreignent souvent leurs investissements dans le personnel, de sorte que les salaires sont bas, elles embauchent moins de personnel formé et les rapports éducatrice-enfant (ratios) prescrits par le règlement ne sont pas toujours respectés.15Friendly et al., 2021, 10. Certains présument qu’en raison des salaires plus élevés versés dans les garderies SBL, la rentabilité des services serait compromise. Or, la recherche ne démontre pas de différence significative sur le plan de l’efficacité opérationnelle entre les deux secteurs (BL et SBL).16David M. Blau et H. Naci Mocan, “The Supply of Quality in Child Care Centers,” Review of Economics and Statistics 84, no. 3 (2002): 483–496. À vrai dire, les garderies SBL ont tendance à mieux répartir leurs ressources pour assurer la qualité des services.17Cleveland et col., 2007. Contrairement aux garderies BL, les garderies SBL investissent la totalité de leurs recettes dans la prestation des services18Goelman, H., Forer, B., Kershaw, P., Doherty, G., Lero, D., LaGrange, A., “Towards a Predictive Model of Quality in Canadian Child Care Centers,” Early Childhood Research Quarterly, 21: 280–95, 2006., ce qui en fait des instances plus responsables, transparentes et durables.19Cleveland et col., 2007; Dhuey, 2024; Kershaw, Paul, Barry Forer, et Hillel Goelman, 2005, “Hidden Fragility: Closure among Licensed Child-Care Services in British Columbia,” Early Childhood Research Quarterly, 20 (4): 417–32, https://doi.org/10.1016/j.ecresq.2005.10.003.
Notre base de données CLAR contient de l’information sur le mode de propriété et la structure financière des garderies. Ci-dessous, la catégorie sans but lucratif (SBL) inclut les garderies exploitées par des organismes communautaires à but non lucratif (incluant les coopératives), les municipalités, les conseils scolaires et les corps dirigeants autochtones. Il est possible de séparer ces exploitants les uns des autres dans la base de données CLAR, mais nous les avons groupés pour faciliter la comparaison.
Depuis 2022, 57 pour cent des nouvelles places nettes et autorisées créées en garderie pour les enfants d’âge non scolaire ont été des places à but lucratif. Seulement 30 pour cent des places ont été créées dans le secteur public ou à but non lucratif et les autres places ont été attribuées à de nouveaux services de garde en milieu familial. On ne peut pas parler du développement « public » des services de garde à l’échelle du Canada, mais plutôt du développement écrasant du secteur à but lucratif.
L’augmentation de nouvelles places depuis 2022 a presque totalement eu lieu dans le secteur BL en Alberta, en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick. À l’Île-du-Prince-Édouard, la plupart des nouvelles places créées l’ont été dans le secteur BL, mais il n’y en a pas eu beaucoup.
La délivrance de permis à de nouveaux services de garde en milieu familial (nouveaux domiciles) a joué pour beaucoup dans l’augmentation du nombre de places en Ontario et en Saskatchewan. Cependant, on ne sait pas au juste si ces places sont vraiment « nouvelles » ou s’il s’agit simplement de services de garde en milieu familial qui se sont fait reconnaître ou ont obtenu un permis. Les services de garde en milieu familial ont véritablement intérêt à faire le saut et se faire reconnaître, car ils peuvent alors réduire de beaucoup leurs tarifs.
Les services de garde en milieu familial peuvent fonctionner légalement sans permis s’ils adhèrent aux ratios éducatrice/enfants prescrits. Les garderies quant à elles doivent détenir un permis pour fonctionner. Ainsi, dans leur cas, il est plus certain qu’une place créée est effectivement une « nouvelle » place. Le nombre de services de garde en milieu familial a diminué en Colombie-Britannique. Par contre, c’est parce que les permis de plusieurs d’entre eux ont été convertis en permis de garderie—ce qui est possible uniquement dans le régime de permis de la C.-B.
Le développement dans le secteur SBL est plus manifeste au Manitoba et en Saskatchewan; il faut dire que presque toutes les places y sont déjà à but non lucratif. Depuis 2022, la plupart des nouvelles places créées à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse l’ont été dans le secteur SBL.
La figure 6 présente les places en garderie/CPE et exclut les places en services de garde en milieu familial, lesquelles pourraient ne pas être nouvelles, mais simplement faire dorénavant partie du secteur agréé. Dans cette section, nous nous intéressons également aux chaînes de trois installations ou plus par rapport aux garderies individuelles ou aux petites chaînes de moins de trois installations. La catégorie SBL ou publique inclut les garderies exploitées par des municipalités, des conseils scolaires, des corps dirigeants autochtones et des coopératives.
Au pays, ce sont surtout les propriétaires de petites garderies BL individuelles ou les petites chaînes de garderies commerciales qui ont créé la plupart des nouvelles places. Elles représentent 42 pour cent de l’augmentation du nombre de places en garderie. Les grandes chaînes de garderies commerciales de trois installations ou plus représentent le quart de la croissance, c’est-à-dire 21 pour cent de l’augmentation des places autorisées.
L’augmentation des places en Alberta s’est déroulée presque exclusivement dans le secteur à but lucratif et, pour l’essentiel, dans les petites garderies individuelles. Il n’y a presque pas eu d’expansion des chaînes de garderies SBL en Alberta, mais de petites garderies SBL s’emploient présentement à créer un petit pourcentage de nouvelles places.
Un peu moins de la moitié des nouvelles places en C.-B. ont été créées par des propriétaires de garderies BL individuelles et dans de petites chaînes commerciales. Un tiers des nouvelles places autorisées en C.-B. ont été créées dans les grandes chaînes de garderies commerciales.
La croissance des places autorisées pour enfants d’âge non scolaire en Ontario a été plus équilibrée, mais aucunement dirigée par le secteur à but non lucratif. Les plus grands créateurs individuels de places en Ontario ont été les petites garderies commerciales, suivis de près par les chaînes de garderies SBL. Au Québec, les quatre catégories de fournisseurs de services de garde ont créé plus ou moins le même nombre de nouvelles places.
À Terre-Neuve-et-Labrador, en Saskatchewan, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, le secteur SBL a piloté le développement conformément à l’intention des ententes du PPAGJE. Les chaînes à but non lucratif ont ouvert la voie à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, tandis qu’en Saskatchewan et au Manitoba ce sont les petites garderies SBL qui ont fait le gros du travail (les services de garde à but non lucratif prédominaient déjà dans ces provinces). Dans ces quatre provinces, les garderies BL ont étendu leurs services, mais ils ne comptent pas pour la majorité des nouvelles places créées.
À Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, la plus grande croissance dans une chaîne de garderies SBL a été pilotée par le YMCA. À Terre-Neuve-et-Labrador, c’est parce que le YMCA est chargé d’offrir le programme provincial de prématernelle.
En Nouvelle-Écosse, nous observons une diminution des petites garderies à but lucratif individuelles. Ce n’est pas parce qu’elles ont perdu des places, mais plutôt parce qu’elles ont été reprises par de grandes chaînes de garderies SBL. Par exemple, le YMCA a pris en charge le Beaver Bank Children’s Learning Center Ltd et le Collège Jane-Norman, le My Pride & Joy Child Learning Centre Inc.
Les ententes du PPAGJE stipulaient clairement une préférence pour la création de places dans le secteur public ou à but non lucratif afin d’améliorer la qualité des services et de contenir les coûts, ce qui est tout à fait à l’opposé de ce qui s’est passé dans la plupart des provinces.
Accès aux services de garde par province et amélioration
Calculs à l’échelle des îlots
Comme démontré précédemment, l’accès aux services de garde varie grandement d’une province à l’autre. Mais au final, les services de garde se jouent à l’échelle locale et en mesurer l’accès doit traduire cette réalité. Qu’il y ait des places excédentaires dans une ville n’est d’aucune utilité pour les parents qui cherchent une place dans la ville d’à côté ou même dans la même ville. En effet, s’il y a des places libres dans l’est de la ville, cela n’aide pas les parents qui vivent dans l’ouest, sauf s’ils veulent passer une bonne partie de la journée dans des bouchons de circulation.
Dans la version précédente de nos rapports sur l’accès aux services de garde, la méthodologie utilisée pour mesurer l’accès était plus simple. Pour chaque région de tri d’acheminement (RTA), les trois premiers éléments du code postal, le nombre d’enfants d’âge non scolaire, les places autorisées (assujetties à un permis) et la population de jeunes enfants étaient comparés les uns avec les autres. Dans les villes, les RTA sont géographiquement petits et sont de bons substituts de quartiers, mais ce n’est pas aussi vrai dans les petites municipalités ou en milieu rural. Par ailleurs, les RTA sont simplement des boîtes géographiques dessinées sur une carte pour créer un effet de frontière. Tous les enfants vivent d’un côté de la ligne du code postal, mais il se peut que toutes les places soient de l’autre côté de la ligne. Ce qui fait qu’un côté ressemble à un désert de services de garde, tandis que l’autre ressemble à une oasis. Dans la vraie vie, les parents traversent simplement la ligne du code postal pour se rendre à la garderie la plus proche.
Pour l’analyse géographique détaillée dans le présent rapport, nous n’avons pas utilisé les RTA pour unité d’analyse comme par le passé. Par conséquent, les résultats du présent rapport ne pourront pas être directement comparés à ceux de nos rapports antérieurs. Au lieu d’utiliser les 1 666 RTA, nous utilisons les aires de diffusion (AD) au Canada. Les AD correspondent plus ou moins à un ou deux îlots urbains et contiennent de 400 à 700 personnes. Autour de chaque AD, nous dessinons un cercle de 5 km de rayon dans les villes et les villages ou de 10 km de rayon dans les secteurs ruraux et nous indiquons toutes les places en services de garde agréés à l’intérieur de ces cercles. Utilisant la méthode de la zone de captage flottante en deux étapes (méthode utilisée pour mesurer l’accès spatial aux services), nous ajustons les taux de couverture pour tenir compte du fait que ces mêmes places peuvent se retrouver dans des cercles (AD) qui se chevauchent. Ainsi, nous éliminons l’effet de frontière mentionné précédemment. Pour plus de détails, voyez la méthodologie.
Nous avons donc calculé l’accès des services de garde à l’échelle des îlots urbains pour plus de 55 000 aires de diffusion au Canada pour lesquelles on dispose de données. Ce niveau d’accès très détaillé des services de garde peut être reporté à des niveaux géographiques plus élevés, comme à l’échelle des villes, des régions ou des provinces en pondérant les moyennes ou les nombres selon différents seuils d’accès. Comme auparavant, nous nous intéressons uniquement aux enfants d’âge non scolaire et aux places autorisées auxquelles ils sont admissibles.
Nous groupons souvent les enfants en fonction de trois seuils : moins de trois places à proximité pour dix enfants—un désert de services de garde; de 3 à 5,89 places pour dix enfants—taux inadéquat de couverture; et plus de 5,9 places pour dix enfants—taux adéquat de couverture parce qu’il correspond à la cible de couverture transitoire de 59 pour cent du gouvernement fédéral.
Nombre d’enfants bénéficiant du taux de couverture visé
En ce qui concerne l’accès des services de garde au Canada cette année, la situation varie considérablement.
Nous avons vu précédemment qu’au Québec et à l’Île-du-Prince-Édouard, les taux de couverture moyens atteignent voire dépassent la cible fédérale de 5,9 places pour dix enfants. Mais la moyenne ne dit pas tout. Dans ces deux provinces, les deux tiers des enfants vivent déjà dans des îlots qui comptent 5,9 places ou plus à proximité pour dix enfants. Toutefois, 10 pour cent des enfants au Québec et 17 pour cent des enfants à l’Î.-P.-É vivent dans des îlots comptant moins de trois places à proximité pour dix enfants—ce que nous appelons un désert de services de garde. Même si leur moyenne est bonne, en regardant de plus près, on voit qu’il reste beaucoup de travail à faire : plus de 45 000 enfants au Québec vivent dans un désert de services de garde et ils sont plus de 1 400 à l’Île-du-Prince-Édouard.
À peine la moitié des enfants au Nouveau-Brunswick vit dans des îlots qui ont atteint la cible de couverture fédérale. Le pourcentage d’enfants qui vit dans un désert de services de garde est semblable à celui de l’Î.-P.-É (17 pour cent). Par contre, le N.-B. compte beaucoup plus d’enfants que l’Î.-P.-É qui vivent entre le désert de services de garde et la cible de couverture. Ces enfants ont des places à proximité, mais le nombre est nettement insuffisant.
En Colombie-Britannique, 16 pour cent des enfants vivent dans un désert de services de garde, ce qui est relativement peu élevé à comparer à d’autres provinces. Toutefois, relativement peu d’enfants en C.-B. habitent un îlot urbain où la cible de couverture fédérale est atteinte. Les deux tiers des enfants de la C.-B. habitent des îlots urbains qui contiennent de 3 à 5,9 places à proximité pour dix enfants. Et il y a beaucoup de places à temps partiel en C.-B. Celles-ci sont calculées comme la moitié d’une place à temps plein (0,5), mais beaucoup de ces places sont offertes seulement de deux à trois heures par jour et deux ou trois jours par semaine. Ce ne sont pas suffisamment d’heures de garde pour permettre la participation des parents au marché du travail. À cause de ces places, les déserts de services de garde sont peut-être sous-estimés.
Les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Alberta se situent à l’autre extrémité du spectre. Comme l’indiquent nos données détaillées, elles affichent des taux de couverture moyens faibles. Environ la moitié des enfants dans ces provinces vit dans un désert de services de garde et seulement 10 pour cent habitent un îlot urbain où l’accès des services de garde est adéquat ou excède la cible de couverture fédérale.
Beaucoup d’enfants au Canada continuent de vivre dans des déserts de services de garde, mais depuis 2022, il y a eu des améliorations notables. Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’amélioration peut être attribuable à l’ajout de nouvelles places ou encore au déclin de la population d’enfants—ces deux variables sont prises en compte.
La figure 8 compare le pourcentage de la population infantile pour chaque seuil d’accès en 2022 par rapport à 2025.
La Colombie-Britannique a affiché les réductions proportionnellement les plus importantes d’enfants vivant dans un désert de services de garde. Le pourcentage d’enfants vivant dans un désert de services de garde est passé de 38 pour cent en 2022 à 16 pour cent aujourd’hui, une baisse de près du quart. La C.-B. a également augmenté considérablement le pourcentage d’enfants habitant des îlots urbains où est atteinte la cible de couverture fédérale; il était de 6 pour cent des enfants en 2022 et aujourd’hui, il se situe à 21 pour cent.
L’Alberta, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Ontario ont réduit le pourcentage de leurs enfants vivant dans des déserts de services de garde d’environ 15 points de pourcentage. La Saskatchewan demeure la province où le pourcentage d’enfants vivant dans un désert de services de garde est le plus élevé à 51 pour cent, mais la situation s’est améliorée par rapport au point de départ de 70 pour cent en 2022.
L’Î.-P.-É, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont parvenus à accroître d’environ dix points de pourcentage la proportion de leurs enfants habitant des îlots urbains où est atteinte ou dépassée la cible de couverture fédérale.
Déterminants des déserts de services de garde
Les aires de diffusion (AD) sont une catégorie géographique utilisée par Statistique Canada, ce qui veut dire que d’autres variables du recensement peuvent être facilement corrélées à nos données sur l’accès des services de garde. Dans cette section, nous examinons la relation entre l’accès des services de garde, la taille de la collectivité et le revenu familial.
Chaque AD de Statistique Canada contient quatre tailles de collectivité, variant d’une grande ville de plus de 100 000 habitants à un secteur rural.
Souvent on pense qu’il est plus difficile d’offrir des services de garde en milieu rural ou dans de petites municipalités. Or les services de garde sont très adaptables : une garderie peut être plus petite dans une petite collectivité ou on peut délivrer des permis à des services de garde en milieu familial pour servir de petites populations. Aussi, on fait passer la distance que nous désignons comme « à proximité » pour mesurer l’accès des services de garde d’un rayon de 5 km à 10 km en région rurale.
Comme l’illustre la figure 9, il y a une gradation nette du pourcentage d’enfants vivant dans un désert de services de garde entre les milieux urbains et ruraux. Par exemple, en Saskatchewan, 70 pour cent des enfants habitant en zone rurale vivent dans un désert de services de garde. Ce pourcentage chute à 56 pour cent dans les petites municipalités et se situe au final à 45 pour cent pour les enfants habitant de grandes villes, comme Saskatoon et Regina.
La gradation de l’accès des services de garde en fonction de la taille des collectivités est relativement consistante au sein des provinces, mais elle diffère sensiblement d’une province à l’autre. Ces différences entre provinces démontrent que l’accès adéquat aux services de garde en milieu rural n’est pas hors de portée. À titre d’exemple, seulement 30 pour cent des enfants habitant en région rurale au Québec, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick vivent dans un désert de services de garde. Ce qui est beaucoup mieux que dans les plus grandes villes de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Les enfants habitant le Québec rural ont un meilleur accès aux services de garde que les enfants d’Edmonton, de Calgary, de Winnipeg ou de Regina.
Prenons Charlottetown et les grandes villes du Québec, pratiquement aucun enfant n’y vit dans un désert de services de garde à comparer aux provinces des Prairies où 40 à 50 pour cent des enfants des grandes villes vivent dans un désert de services de garde.
On critique souvent les services de garde parce qu’ils desserviraient principalement les familles de la classe moyenne supérieure et les familles riches. Nous pouvons examiner cette affirmation à l’aide de la question suivante : est-ce uniquement les enfants riches qui ont accès à un service de garde à proximité (à faible distance)?
Contrairement au rapport entre l’accès des services de garde et la taille de la collectivité, la réponse à cette question n’est pas du tout claire. La figure 10 ne montre pas de corrélation systématique entre le revenu des parents et l’accès des services de garde. Dans certaines provinces, comme au Manitoba, les parents à revenu élevé ont un meilleur accès aux services de garde que les parents en situation de pauvreté ou de la classe moyenne.
Dans d’autres provinces, comme en C.-B, on observe une tendance contraire. Dans certains cas, les taux d’accès sont relativement les mêmes, peu importe le revenu. Les îlots urbains où les habitants sont à revenu élevé n’offrent pas nécessairement un meilleur accès aux services de garde que ceux où les habitants sont à faible revenu.
Dans six des dix provinces, le meilleur accès se trouve dans les îlots urbains où les parents sont à revenu élevé. Mais dans les quatre autres, le meilleur accès se trouve là où les parents sont à faible revenu.
Manifestement, avoir une place en services de garde agréés à proximité de la maison et avoir les moyens de payer cette place sont deux choses différentes. Même si la géographie n’est pas un obstacle à l’accès pour les familles à faible revenu, les tarifs élevés peuvent certainement l’être. Les gouvernements qui fixent les tarifs peuvent réduire encore plus les frais de garde peu élevés actuels selon le revenu familial et ainsi atténuer la barrière financière à l’accès. Les tarifs universels peu élevés sont une caractéristique commune du PPAGJE dans la plupart des provinces et territoires, mais il est plus rare de voir des tarifs progressivement plus faibles pour les familles à faible revenu.
Il faut procéder à des études plus approfondies sur les facteurs qui déterminent l’accès aux services de garde—cette question déborde du cadre du présent document. Par contre, la base de données CLAR nous donne les moyens de réaliser de telles études.
Les déserts de services de garde dans les plus grandes villes du Canada
La plupart des enfants au Canada vivent dans de grandes villes de plus de 100 000 habitants et le niveau de détail très poussé de nos données nous permet d’analyser les taux d’accès à l’intérieur des villes. À l’instar de l’analyse pour les provinces, nous avons trois grands seuils de couverture : désert (zéro à trois places pour dix enfants), inadéquat (3 à 5,89 places pour dix enfants), et adéquat (>= 5,9 pour dix enfants).
La figure 11 présente certaines villes choisies, incluant au moins une ville dans chaque province et des villes dans différentes régions d’une province donnée. Ce ne sont pas les 45 villes les plus grandes du Canada.
Dans Kitchener, Oshawa et Wood Buffalo (Fort McMurray), les trois quarts des enfants vivent dans des îlots ayant peu de services de garde agréés à proximité—pourcentage ajusté en fonction des besoins d’autres groupes d’enfants. Les déserts de services de garde qui comptent peu de places autorisées, voire aucune place autorisée à proximité, compliquent la vie des parents dans ces villes à la recherche d’un service de garde, même si les tarifs ont diminué.
Bien que la moitié des enfants dans Calgary vit dans un désert de services de garde, on constate avec surprise qu’une minorité surprenante (17 pour cent d’enfants) vit à un endroit où la cible de couverture fédérale de 5,9 places pour dix enfants est atteinte. C’est dire à quel point la distribution des déserts de services de garde est inégale.
À l’autre extrémité du spectre, bon nombre des villes au Québec ainsi que Charlottetown n’ont pratiquement aucun enfant vivant dans un désert de services de garde et presque tous les îlots urbains atteignent la cible de couverture fédérale de 5,9 places au moins pour dix enfants.
Certaines villes, comme Vaughan, Coquitlam, Burnaby et Oakville, contrecarrent la tendance provinciale et n’ont presque pas d’enfants vivant dans un désert de services de garde. Cependant, le taux de couverture dans ces villes est inadéquat : de trois à 5,89 places autorisées pour dix enfants. Ces villes comptent aussi de grandes populations minoritaires qui ont effectivement accès à des services de garde à proximité, vivant à des endroits où le taux de couverture correspond à la cible fédérale.
Augmentation du nombre de places requis pour atteindre les cibles fédérales
Politiquement parlant, l’argument de vente du PPAGJE repose maintenant sur une augmentation rapide des places.
Les tarifs sont beaucoup plus bas par rapport à ce qu’ils étaient avant l’avènement du PPAGJE même s’ils ne sont pas tous à 10 $ par jour. Toutefois, à moins d’une augmentation rapide du nombre de places en services de garde agréés de qualité élevée, les listes d’attente risquent de gonfler. Aussi, les bienfaits pour la société en général liés à un nombre accru de places en services de garde—notamment la croissance économique, une plus grande participation des femmes au marché du travail et les recettes fiscales additionnelles—ne se concrétiseront que si un nombre suffisant de parents obtiennent une place. Même si les chiffres bruts indiqués dans les ententes du PPAGJE correspondent en gros à la trajectoire souhaitée, les atteindre aura peu d’importance si concrètement les parents vivant dans les provinces clés n’obtiennent pas une place.
La figure 12 examine le nombre minimum de places requises par ville afin qu’à l’intérieur d’un rayon de 5 km de leur maison, il y ait au moins 5,9 places autorisées pour dix enfants. Ces estimations doivent être considérées comme des minimums, car elles présument que chaque nouvelle place créée est parfaitement située pour faire grimper le niveau de couverture à 5,9 places pour dix enfants.
Les estimations présentées dans la figure 12 sont du premier trimestre de 2025 et une partie du développement nécessaire tient compte des places promises dans les ententes du PPAGJE pour les prochaines années. Les provinces ont déjà ajouté 158 572 places depuis 2021, mais elles en ont promis 303 694 d’ici 2027-2028. Si toutes les places promises pour 2027-2028 étaient attribuées à ces seules 45 villes, leur nombre serait insuffisant pour atteindre la cible de couverture fédérale pour leurs populations d’enfants.
Pour assurer une distribution adéquate des nouvelles places, il faut avoir recours à la planification publique. Les conseils scolaires procèdent régulièrement à ce type d’exercice, mais jusqu’à tout récemment ce genre de planification était étrangère au secteur des services de garde. Avant l’avènement du PPAGJE, les nouvelles places en services de garde étaient créées là où le promoteur les voulait. Cela doit changer à présent. Les conseils scolaires bâtissent les écoles non pas en fonction de ce qui convient au directeur, mais plutôt à proximité d’où vivent les enfants. Le but est de fournir, dans une mesure raisonnable, un même accès géographique à l’éducation, sans entassement et sans déplacements sur de longues distances.
Dans les grandes villes, qui comptent beaucoup d’enfants et ont peu de services de garde, il faut augmenter de façon substantielle le nombre de places. La ville de Calgary est l’endroit qui a besoin du plus grand nombre de nouvelles places, près de 23 000. Considérant que près de la moitié des enfants de Calgary vivent dans un désert de services de garde, l’emplacement de ces nouvelles places sera critique.
La ville de Toronto aurait besoin de 17 000 nouvelles places en plus des places qu’elle a actuellement.
Les villes d’Edmonton, de Winnipeg, d’Ottawa et de Brampton ont toutes besoin de plus de 10 000 nouvelles places à temps plein pour les enfants d’âge non scolaire afin que tous leurs enfants soient dans un milieu où la cible de couverture fédérale est atteinte.
D’autre part, les villes comme North Vancouver, Coquitlam, Oakville ou Richmond auraient besoin de seulement 600 places de plus à temps plein pour atteindre la cible de couverture fédérale.
De nombreuses villes au Québec et à l’Î.-P.-É n’auraient besoin pratiquement d’aucune place additionnelle, car presque tous leurs enfants disposent d’une place en services de garde agréés dans un rayon de 5 km de leur maison.
Dans un système fondé sur les règles du marché—c’est ainsi que fonctionnaient les services de garde dans les grandes provinces hors Québec avant le PPAGJE—il n’y avait pas de planification publique pour déterminer où devaient être créées les nouvelles places autorisées en vue d’assurer l’accès aux services de garde. Cela étant, s’il se créaient de nouvelles places dans un désert de services de garde souvent, c’était par inadvertance. Les conseils scolaires sont des entités publiques qui planifient les services en fonction des populations d’enfants. Or, ils ne sont pas les seuls organismes publics à qui on pourrait octroyer le pouvoir de planifier le développement des services de garde. On pourrait accorder à d’autres corps publics locaux, comme les municipalités ou les autorités sanitaires, un mandat de planification.
Ce mandat pourrait inclure la tâche de déterminer le nombre de places à créer, comme nous l’avons indiqué précédemment, mais aussi de faire respecter l’obligation de créer ces places dans le secteur à but non lucratif ou public.
Conclusion
En date de juin 2025, onze des provinces et des territoires avaient renouvelé leurs ententes du PPAGJE avec le gouvernement fédéral pour les cinq prochaines années.20Emploi et Développement social Canada, « Vers des services de garde à 10 $ par jour : Document d’information sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants », 6 mars 2025, https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/nouvelles/2025/03/vers-des-services-de-garde-a-10–par-jour–document-dinformation-sur-lapprentissage-et-la-garde-des-jeunes-enfants0.html. Dans une grande mesure, les frais de garde de 10 $ par jour (ou proche de ce montant) s’appliquent un peu partout au pays.21David Macdonald et Martha Friendly, D’un modèle de marché à un régime géré : Le parcours inégal vers des services de garde à 10 $ par jour, juillet 2025. La réduction des tarifs a eu pour effet de transformer rapidement les sources de financement des services de garde. Dans le passé, les frais de garde des parents étaient leur principale source de financement, alors qu’aujourd’hui ce sont presque totalement les deniers publics qui les financent. En d’autres termes, les services de garde font maintenant partie d’un système presque complètement financé par l’État, tout en étant bien loin d’être public. À vrai dire, on s’éloigne graduellement d’une forme de prestation publique.
Le nombre de places en services de garde agréés au Canada est sur la bonne voie d’atteindre les chiffres bruts auxquels se sont engagées la plupart des provinces. Par contre, atteindre ces chiffres bruts ne suffira pas. Plusieurs provinces pourraient bel et bien atteindre les objectifs cités dans le PPAGJE, tout en restant bien loin derrière la cible de couverture fédérale de 5,9 places autorisées pour dix enfants. Si on ne s’approche pas de cette cible fédérale, les parents constateront que même si les frais de garde sont moins élevés, ils ne trouvent toujours pas de place.
Aussi le développement devait se faire dans le secteur à but non lucratif. Or, il se déroule en grande partie dans le secteur à but lucratif—un véritable échec jusqu’à maintenant. À moins de prendre des mesures immédiates pour faire en sorte que les nouvelles places créées soient sans but lucratif et publiques, il n’y a pas de raison de croire que le développement l’an prochain dans le cadre du PPAGJE se déroulera autrement que durant les quatre années précédentes et qu’on ne se retrouvera pas avec un système financé par des fonds publics, mais au profit du secteur à but lucratif.
Ce que nous observons en ce moment ce sont des crises de croissance typiques de tout nouveau grand programme national déployé rapidement. Le moment est tout indiqué pour faire des ajustements.
Presque toutes les provinces ont prolongé les ententes du PPAGJE de cinq années et elles ont publié des feuilles de route détaillées. Les provinces doivent maintenant aller droit au but, fixer des objectifs précis de création de places et charger les instances locales de les créer. Ces instances locales peuvent être des municipalités, des corps dirigeants autochtones, des conseils scolaires, des autorités sanitaires ou d’autres organismes de planification publique. Elles recruteront les fournisseurs de services à qui seront octroyés les nouveaux permis et les services de garde devront être à but non lucratif ou publics. De plus, les services de garde retenue aux fins d’agrandissement devront avoir rapidement accès à des fonds d’immobilisations pour être en mesure d’aménager de nouvelles places.
On ne peut pas comme par le passé laisser aux seuls fournisseurs de services le soin de ce développement accéléré. Si on poursuit sur cette voie, le développement des services de garde dans le cadre du PPAGJE sera pour l’essentiel une entreprise presque entièrement commerciale. La planification des nouvelles places doit relever des gouvernements provinciaux sous le couvert d’une délégation d’autorité à un organisme public local existant. Ce n’est que de cette façon que l’augmentation des places se fera rapidement et de façon équitable dans un contexte public.
Méthodologie
Base de données CLAR (Childcare Licensing and Accessibility by Region)
Depuis dix ans, le CCPA réalise annuellement des sondages sur les frais de garde. Chacun est fondé sur les listes provinciales et territoriales de garderies détentrices d’un permis et de services de garde en milieu familial agréés. En effet, chaque province tient un registre de toutes les installations assujetties à un permis et de renseignements connexes. Ces registres forment le fondement de la base de données CLAR.
Le but de la base de données CLAR est de produire des données longitudinales sur toutes les places offertes en services de garde agréés au Canada que l’on peut rapidement mettre à jour. Voici l’information sur chaque service de garde agréé dans chaque province que nous avons décidé d’inclure dans notre base de données :
- Type de service de garde ou installation : milieu familial (domicile) ou garderie
- Dénombrements détaillés des places par catégorie de permis (souvent en fonction de l’âge)
- Adresse du service de garde/installation, incluant le code postal
- Emplacement du service de garde/installation : latitude et longitude
- Participation au PPAGJE (par l’entremise de son équivalent provincial)
- Autres caractéristiques spéciales, comme le programme de services de garde à 10 $/jour en C.-B. ou le programme de prématernelle à Terre-Neuve-et-Labrador
- Nom du propriétaire du service de garde/installation—le but est de connaître le propriétaire ou l’exploitant même s’il s’agit d’une société à numéro
- Préciser si le propriétaire ou l’exploitant est une chaîne et, s’il y a lieu, le nombre de sites
- Mode de propriété (structure de financement)—organisme à but non lucratif, gouvernement (municipalité ou corps dirigeant autochtone), conseil scolaire ou entreprise à but lucratif
- Dans une école publique
Divers éléments de l’information voulue se trouvaient dans les registres provinciaux de permis, mais, comme beaucoup d’éléments n’y étaient pas, il a fallu déployer beaucoup d’efforts pour construire une base de données qui se tienne. À titre d’exemple, l’identification des propriétaires et des modes de propriété (structures de financement) a pris des mois de travail additionnel. Nous avons fouillé les registres provinciaux d’entreprises pour associer manuellement les services de garde/installations à leurs propriétaires à partir de numéros de téléphone communs, de sites Web, d’adresses courriel et de leurs noms.
Les codes postaux, la latitude et la longitude manquaient souvent, nous obligeant à les chercher séparément.
Le tableau 1 présente la liste des registres provinciaux des services de garde. On pouvait généralement y trouver les adresses des services de garde et le nombre de places ventilé en fonction du type de permis.
La création de la base de données idéale décrite précédemment et comme nous le souhaitions n’a pas été un succès bout à bout, mais c’est une réussite substantielle. Les tableaux 2 et 3 indiquent l’information que nous avons obtenue et les données qui manquent, le tout ventilé par province. Le tableau 2 porte sur les caractéristiques des services de garde/installations en tant que tels et le tableau 3 sur le nombre de places et les types de permis pour chaque service de garde/installation.
Les objectifs que nous nous étions fixés pour la base de données CLAR ont été atteints dans l’ensemble, surtout pour les données sur les permis de services de garde pour enfants d’âge non scolaire. Malheureusement, la base de données CLAR a des lacunes :
- Elle ne contient pas le dénombrement des services de garde en milieu familial (SGMF) actifs en Alberta ni si les garderies participent ou non au PPAGJE.
- L’information sur les garderies aménagées dans les écoles publiques est disponible de façon sporadique.
- La base de données contient le dénombrement des SGMF actifs en Ontario et au Québec, mais ils sont regroupés sous le chapeau des agences qui les gèrent. Par conséquent, les adresses exactes des SGMF agréés ne sont pas disponibles. Par contre, en Ontario, on connaît la ville où se trouve chaque SGMF (ou domicile). Au Québec, les agences desservent souvent des territoires géographiques très balisés. Pour inclure les SGMF de l’Ontario et du Québec à la base de données, nous avons déterminé les régions de tri d’acheminement (RTA) pour les domiciles et attribué à chacun des RTA des domiciles/SGMF (synthétiques) en fonction de la population infantile. Ce qui nous permet de situer des domiciles synthétiques dans des emplacements spécifiques et de maintenir les comptes globaux et l’uniformité géographique.
- Les places en services de garde en milieu familial (SGMF) ne sont pas assignées à des âges en particulier, comme c’est généralement le cas en garderie. Le nombre maximum d’enfants que peut accueillir un SGMF dépend plutôt de la combinaison des âges des enfants. Plus il y a d’enfants jeunes moins il y aura d’enfants au total. Un SGMF dont tous les enfants sont plus âgés pourra en accueillir plus au total. On ne connaît pas les âges des enfants qui se trouvent dans le domicile à un moment quelconque. Nous avons simplement présumé que chaque SGMF comptait en moyenne quatre enfants d’âge non scolaire.
Comme elle le fait pour les caractéristiques des installations, la base de données CLAR rend compte généralement du nombre de places autorisées par groupe d’âge. Le tableau 3 indique comment les définitions provinciales de permis s’inscrivent dans la classification générique de la base de données CLAR.
Dans certaines provinces, comme en Nouvelle-Écosse et en Alberta, on peut seulement déterminer le nombre de places autorisées pour les enfants d’âge non scolaire—l’âge n’est pas précisé. Aux fins du présent document, les catégories d’âge non scolaire sont regroupées. À vrai dire, ne pas connaître le nombre précis de poupons ou de bambins dans le groupe d’âge non scolaire n’a pas d’incidence sur les conclusions.
Les données sur les places à temps plein par rapport aux places à temps partiel pour les enfants d’âge non scolaire ne sont pas toujours disponibles. Dans le présent document, les places à temps partiel pour enfants d’âge non scolaire comptent pour la moitié d’une place à temps plein. Ce qui est, par nécessité, une estimation approximative et, dans des provinces comme la Colombie-Britannique et l’Alberta, les places à temps plein ajustées seront vraisemblablement surestimées. Les programmes à temps partiel n’offrent parfois que 2,5 h à 3 heures de garde par jour et seulement deux ou trois jours par semaine. Même en combinant deux de ces places à temps partiel, on est loin d’atteindre la durée en heures d’une place à temps plein. Malheureusement, la formule d’ajustement pour convertir des places à temps partiel en places équivalentes à temps plein est nécessairement imprécise pour le moment.
En Saskatchewan et au Québec, le nombre de places offertes avant et après l’école n’est pas disponible, car ces places ne sont pas régies de la même manière que dans les autres types de services de garde. Dans le présent document, comme nous n’analysons pas les places pour enfants d’âge scolaire offertes avant et après l’école, ce n’est pas un problème.
Quelques provinces ont des permis qui précisent les groupes d’âge d’enfants. En tant que tels, ces services peuvent être utilisés pour des enfants de tous les âges. Dans le présent document, nous présumons que toutes ces places sont destinées à des enfants d’âge non scolaire.
Définition d’âge non scolaire par province
L’admissibilité ou non d’un enfant à l’école publique est un point de rupture commun et utile pour la délivrance des permis de services de garde au pays. Pour que tiennent les comparaisons relatives aux enfants susceptibles d’occuper ces places, il faut déterminer le nombre d’enfants d’âge non scolaire. Les âges de fréquentation de l’école publique varient d’une province à l’autre. À titre d’exemple, certaines provinces offrent la maternelle quatre ans, ce qui signifie qu’elles ont besoin de moins de places pour enfants d’âge non scolaire.
Généralement, on remarque une diminution notable du besoin de places en services de garde agréés sur toute une journée au début de l’année scolaire en septembre, car une cohorte d’enfants entre en maternelle ou prématernelle—quoique ces enfants vont vraisemblablement fréquenter des programmes parascolaires, un autre sujet important que nous n’abordons cependant pas dans le présent document.
Même si le besoin de places à temps plein (pleine journée) diminue en septembre en raison de cette transition, ces places demeurent nécessaires pour les huit premiers mois de l’année, avant que les enfants entrent à l’école publique. Cela étant, nos estimations incluent les demandes de pointe potentielles pour les places autorisées à temps plein. Ces demandes diminueront à la fête du Travail lorsque la cohorte de l’année en cours entrera en maternelle et prématernelle, fréquentera des services de garde parascolaire (avant et après l’école) et ne fera plus partie du dénombrement selon notre méthodologie.
Le tableau 4 présente nos calculs dans le présent document pour dénombrer dans chaque province les enfants d’âge non scolaire, présumant que les anniversaires des enfants sont répartis également dans l’année.
Méthode de la Zone de captage flottante en deux étapes pour mesurer l’accès des services de garde
Les méthodes classiques pour mesurer l’accès reposent souvent sur le rapport entre les fournisseurs de services et la population à desservir à l’intérieur de frontières fixes, comme les frontières délimitées par les codes postaux ou les zones de recensement.22Mark F. Guagliardo, “Spatial Accessibility of Primary Care: Concepts, Methods and Challenges,” International Journal of Health Geographics 3, no. 3, 2004, https://doi.org/10.1186/1476-072X-3-3. Une mesure fréquente pour déterminer l’accès des services de garde est le nombre de places offertes par enfant,23Elizabeth E. Davis, Won F. Lee, and Aaron Sojourner, “Family-Centered Measures of Access to Early Care and Education,” Early Childhood Research Quarterly 47, 472–486, 2019. ce qui signifie le nombre total de places en services de garde divisé par le nombre d’enfants admissibles dans un secteur donné.
Ces méthodes sont simples, mais elles ne reflètent pas la réalité sur le terrain, car les familles franchissent souvent les frontières administratives pour obtenir les services de garde qui correspondent à leurs besoins. En pratique, un service de garde situé dans une zone voisine peut être plus proche et plus accessible que le service de garde attribué au quartier de la famille, ce qui met en relief la nécessité d’une analyse plus pointue des questions d’accès.
Pour saisir cette réalité, Luo et Wang24Wei Luo and Fahui Wang, “Measures of Spatial Accessibility to Health Care in a GIS Environment: Synthesis and a Case Study in the Chicago Region,” Environment and Planning B: Planning and Design, 30, 865–884, 2003. ont mis au point la méthode de la « zone de captage flottante en deux étapes » (2SFCA) pour mesurer l’accès spatial aux soins de santé à Chicago. À son plus simple, la 2SFCA est une démarche en deux étapes qui intègre à la fois l’offre et la demande au sein de zones de desserte qui se chevauchent.
Depuis, des chercheurs ont élargi et modifié l’approche 2SFCA. Des versions améliorées tiennent compte d’un effet de diminution de l’accès en fonction de la distance, reconnaissant le fait que plus le service est éloigné moins il est accessible.25Wei Luo and Yifan Qi, “An Enhanced Two-Step Floating Catchment Area (E2SFCA) Method for Measuring Spatial Accessibility to Primary Care Physicians,” Health & Place, 15, no. 4, 1100–1107, 2009, https://doi.org/10.1016/j.healthplace.2009.06.002. Aussi, ce n’est pas uniquement la « distance à vol d’oiseau » dont il faut tenir compte, mais le temps,26Dajun Dai and Fahui Wang, “Geographic Disparities in Accessibility to Food Stores in Southwest Mississippi,” Environment and Planning B: Planning and Design, 38, 659–677, 2011. la charge financière et les moyens de déplacement, comme le recours au transport en commun, sont aussi des variables à prendre en compte.27DeBaryshe et al., “Close to Home: Family-Centered Spatial Analysis of Access to Early Care and Education,” 2024.
Cette méthode a gagné en popularité à l’origine dans le secteur des soins de santé,28Guagliardo, “Spatial Accessibility of Primary Care: Concepts, Methods and Challenges,” 2004; Luo and Wang, “Measures of Spatial Accessibility to Health Care in a GIS Environment: Synthesis and a Case Study in the Chicago Region,” 2003. mais depuis elle est utilisée pour mesurer l’accès à la sécurité alimentaire29Dai and Wang, “Geographic Disparities in Accessibility to Food Stores in Southwest Mississippi,” 2011. ainsi qu’aux soins des personnes âgées.30Sunwei Liu, Yupeng Wang, Dian Zhou, and Yitong Kang, “Two-Step Floating Catchment Area Model-Based Evaluation of Community Care Facilities’ Spatial Accessibility in Xi’an, China,” International Journal of Environmental Research and Public Health 17, no. 14, 5086, 2020, https://doi.org/10.3390/ijerph17145086. Les chercheurs commencent tout juste à utiliser de telles méthodes pour examiner comment les familles accèdent aux services de garde. En Belgique, Fransen et col. (2015) ont adopté une méthode 2SFCA assistée par ordinateur pour mesurer l’accès des services de garde.31Koos Fransen, Tijs Neutens, Philippe De Maeyer, and Greet Deruyter, “A Commuter-Based Two-Step Floating Catchment Area Method for Measuring Spatial Accessibility of Daycare Centers,” Health & Place, 32, 65–73, 2015. Aux É.-U., Davis, Lee et Sojourner (2019) ont créé un modèle 2SFCA à distance et centré sur les familles qui intègre l’offre, le coût, la qualité et le temps.32Davis, Lee, and Sojourner, “Family-Centered Measures of Access to Early Care and Education,” 2019. Plus récemment, Blumenberg, Yao et Wander (2023) ont utilisé une approche 2SFCA modifiée en Californie, intégrant des indicateurs démographiques comme la race, le revenu et l’emploi pour examiner les iniquités spatiales.33Evelyn Blumenberg, Zhiyuan Yao, and Madeline Wander, “Variation in Child Care Access Across Neighborhood Types: A Two-Step Floating Catchment Area (2SFCA) Approach,” Applied Geography, 158, 103054, September 2023. S’appuyant sur des travaux antérieurs, DeBaryshe et col. (2024) ont étendu le modèle en Hawaii pour y intégrer l’ethnicité, l’abordabilité et les caractéristiques des fournisseurs de services.34Barbara D. DeBaryshe, Seongah Im, Javzandulam Azuma, Ivette Stern, Minh Nguyen, and Qi Chen, “Close to Home: Family-Centered Spatial Analysis of Access to Early Care and Education,” Early Childhood Research Quarterly, 68, 123–134, 2024.
Malgré l’importance grandissante et récente un peu partout au monde de la méthode 2SFCA, elle est peu utilisée au Canada35André Ngamini Ngui and Philippe Apparicio, “Optimizing the Two-Step Floating Catchment Area Method for Measuring Spatial Accessibility to Medical Clinics in Montreal,” BMC Health Services Research 11,166, 2011, http://www.biomedcentral.com/1472-6963/11/166 . et ne l’est pas du tout en lien avec l’accès aux services de garde.
Nous présentons ci-après la méthode de zone de captage flottante en deux étapes (2SFCA) que nous avons utilisée dans cette étude. Les deux points de données fondamentaux sont la totalité des services de garde/installations au Canada—nous en suivons au moins 42 000—et la totalité des aires de diffusion avec enfants (équivalent d’environ un ou deux îlots urbains)—il y en a plus de 55 000.
Étape 1 :
Où
Rf = rapport entre l’offre et la demande (ratio) dans le service de garde f
Sf = nombre de places d’âge non scolaire dans le service de garde f
Cd = nombre d’enfants d’âge non scolaire dans l’aire de diffusion (AD) d
Zone de captage(f) = ensemble total des AD dans une même province et dans un rayon de 5 km d’un service de garde f, sauf en milieu rural où un rayon de 10 km est utilisé.
Étape 2 :
Ad = résultat de l’accès pour l’AD d
Rf = ratio obtenu à l’étape 1 pour le service de garde f
Zone de captage(d) = ensemble de services de garde dans la même province et dans un rayon de 5 km de l’AD d, sauf en milieu rural où un rayon de 10 km de l’AD d est utilisé.
Le résultat de l’accès calculé à l’étape 2 pour chaque AD correspond essentiellement au taux de couverture, mais ajusté en fonction des demandes qui se chevauchent. Les AD sont des secteurs géographiques de très bas niveau, englobant tout au plus une ou deux rues dans les secteurs suburbains ou un seul immeuble à logements dans les centres-villes. Les AD sont constituées à partir des îlots de diffusion, dont l’empreinte géographique est encore plus petite. Les dénombrements des populations et des logements des îlots de diffusion (ÎD) sont publiés, mais il n’y a pas de variables du recensement pour ce niveau géographique. Et plus important encore, il n’y a pas de données sur le nombre d’enfants qui habitent les ÎD. Par conséquent, les aires de diffusion (AD) sont le niveau géographique du recensement le plus bas possible pour nos besoins.
Le centroïde de la latitude et de la longitude des AD est pondéré en fonction de la population. La pondération de la population est relativement importante dans les zones habitées étant donné que les AD sont plutôt petites. L’emplacement du centroïde dans une AD prend de l’importance dans les zones plus rurales où les AD sont plus vastes géographiquement et où une population peut être concentrée dans un village, par exemple, ce qui repliera le centroïde sur lui-même. Dans de vastes AD rurales à faible densité de population, il se peut que le centroïde ne représente plus de façon raisonnable l’endroit où se trouve la population. Dans notre analyse, les AD qui excèdent 200 km2 (par exemple, un cercle d’une superficie de 16 km de diamètre ou un rectangle d’une superficie de 20 km sur 10 m) sont exclues.
La figure 13 présente la grandeur d’une AD dans un secteur de la banlieue de Burnaby en C.-B. Elle contient plusieurs îlots suburbains comptant 118 maisons. Le taux de couverture pour les enfants habitant dans l’AD 59150269 était de 23 pour cent en 2022; il s’est amélioré quelque peu, passant à 26 pour cent au premier trimestre de 2025. Chaque forme de la figure 13 a un taux de couverture calculé séparément, fondé sur le nombre de services de garde/installations dans un rayon de 5 km du centroïde de chacune. La ville de Burnaby comptait à elle seule 322 aires de diffusion (AD).
Notre ensemble de données contient un peu plus de 55 640 aires de diffusion pour lesquelles on dispose de données; 1 779 de ces AD ont été exclues parce que leur superficie est supérieure à 200 km2. Ce qui nous laisse 53 861 AD dont les taux de couverture services de garde/enfants sont valides.
Tout au long du présent rapport, nous utilisons des niveaux géographiques plus élevés, mais il s’agit de l’addition des AD utilisant les dénombrements des enfants ou des moyennes pondérées.
Le tableau 5 calcule la distance à laquelle vivent 90 pour cent des enfants âgés de quatre ans et moins d’une école publique primaire. On voit que dans tous les centres habités, qu’il s’agisse d’une petite municipalité de moins de 30 000 habitants ou d’une grande ville de plus de 100 000 habitants, la distance au 90e percentile est tout au plus d’un ou deux kilomètres. Par exemple, 90 pour cent des enfants âgés de quatre ans et moins dans une grande ville en Ontario vivent à moins de 900 m (0,9 km) d’une école publique primaire. La méthode de la zone de captage flottante en deux étapes utilise un rayon beaucoup plus grand de 5 km; ce qui permet de voir les options dont disposent les parents qui déposent leurs enfants à la garderie en se rendant au travail.
En zone rurale, 90 pour cent des enfants âgés de quatre ans et moins vivent à plus ou moins 10 km d’une école publique primaire. Si nous envisageons l’accès aux services de garde dans l’optique de l’accès à l’école publique primaire, le rayon en milieu urbain est sans doute plus grand que nécessaire. Le rayon en milieu rural correspond d’assez près à ce qu’il devrait être, même s’il est considérablement plus grand que 10 km à Terre-Neuve-et-Labrador et au Manitoba. Un service de garde peut être beaucoup plus petit qu’une école primaire, par exemple un service de garde peut être offert dans une maison seule. De fait, les services de garde peuvent être plus largement répartis et ainsi se trouver plus près d’où les enfants vivent que les écoles primaires.
Estimation de la croissance de la population d’enfants et sous-dénombrements nets au niveau des AD dans le recensement
On trouve les données sur les populations d’enfants de chaque AD dans le recensement de mai 2021. Toutefois, il existe d’autres estimations de populations plus récentes que 2021 à l’échelle des AD.
Trois estimations de population à des niveaux géographiques relativement bas ont été mises à jour de 2021 à 2024, soit les estimations de la population selon la région métropolitaine de recensement et l’agglomération de recensement,36Statistique Canada, tableau 17-10-0148-01, Estimations de la population, 1er juillet, selon la région métropolitaine de recensement et l’agglomération de recensement, limites de 2021 les estimations de la population selon la subdivision de recensement,37Statistique Canada, tableau 17-10-0155-01, Estimations de la population, 1er juillet, selon la subdivision de recensement, limites de 2021. et les estimations de la population selon la division de recensement.38Statistique Canada, tableau 17-10-0152-01, Estimations de la population, 1er juillet, selon la division de recensement, limites de 2021. Malheureusement, les estimations de la population selon la subdivision de recensement n’incluent pas les populations infantiles. Même s’il y a plus de subdivisions de recensement que de régions métropolitaines de recensement, elles combinent souvent les zones urbaines et rurales, qui peuvent afficher des taux de croissance démographique substantiellement différents. Cela étant, nous avons retenu les régions métropolitaines de recensement (RMC) pour avoir plus de données sur les populations infantiles se trouvant dans les AD.
Les taux de croissance annuelle de population ont été répartis par trimestre, les données publiées du 1er juillet étant les données pour le deuxième trimestre. Nous avons calculé séparément les taux de croissance des enfants âgés de quatre et moins et ceux des enfants âgés de cinq à neuf ans. Les données du 2e trimestre de 2025 n’étaient pas disponibles à la publication du présent rapport. Cela étant, le taux de croissance de 2025 a été calculé en utilisant des estimations linéaires de la croissance dans les RMC par groupe d’âge au cours des cinq années précédentes. Les mêmes taux ont été appliqués à la croissance des populations d’enfants dans toutes les AD de la RMC.
Les chiffres sur la population dans les AD ont été extraient initialement du recensement et puis ajustés pour tenir compte des sous-dénombrements nets du recensement.39Pour en savoir davantage sur le sous-dénombrement du recensement, voir le tableau1 : Statistique Canada, Estimations démographiques annuelles : régions infraprovinciales, 1er juillet 2024.https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/91-214-x/91-214-x2025001-fra.pdf. D’abord, le dénombrement incomplet des communautés et réserves des Premières Nations est ajusté à l’échelle des RMC, même si pour la plupart elles sont à l’extérieur des RMC et des agglomérations de recensement nommées. Ensuite, les dénombrements du recensement à l’échelle des RMC ont été comparés aux estimations de population à l’échelle des RMC du 1er juillet 2021.40idem Tous les sous-dénombrements nets du recensement le cas échéant ont été intégrés aux facteurs de croissance des RMC calculés ci-dessus. Cela étant, les populations d’enfants indiqués dans le présent rapport devraient correspondre aux estimations de population du 1er juillet.
Statistique Canada a effectivement des projections du nombre d’enfants dans les provinces pour 2025 et ces chiffres étaient disponibles au moment de la publication de notre rapport. Si nous groupons nos estimations de populations infantiles en 2025 à l’échelle des provinces, nous obtenons des pourcentages d’erreur inférieurs à 2,3 pour cent pour les enfants âgés de quatre ans et moins et de moins de 3,3 pour cent pour les enfants âgés de cinq à neuf ans à comparer aux projections M1 de croissance moyenne de la population pour les provinces.41Statistique Canada, tableau 17-10-0057-01, Population projetée, selon le scénario de projection, l’âge et le genre, au 1er juillet (x 1 000).
Il est à noter que les ratios d’accès aux services de garde peuvent changer en raison d’une variation dans le nombre de places disponibles, mais aussi en raison de variations dans la population infantile de l’aire de diffusion en question causées par son taux de croissance ou par les taux de croissance dans d’autres AD où les services de garde/installations à proximité se chevauchent.
Remerciements
L’auteur souhaite remercier les personnes suivantes pour leurs observations judicieuses entourant une version préliminaire du présent document : Lynell Anderson, Carolina Aragão, Morna Ballantyne, Jane Beach, Simon Enoch, Martha Friendly, Ariane Hotte, Molly McCracken, Yolande Pottie-Sherman, Susan Prentice, Eric Swanson et Ricardo Tranjan.


